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Théâtre

"La lettre à Helga", une forme de cantate pour voix humaine et forces élémentaires

"La lettre à Helga", Théâtre de l'Épée de Bois, Paris

Dans "La lettre à Helga", de l'auteur islandais Bergsveinn Birgisson et mis en scène par Claude Bonin, le spectateur se trouve immergé dans un monde rude et apaisé. Celui d'un monde de contrastes violents. Celui d'un homme qui se remémore la succession des événements de sa vie dans une lettre écrite à l'attention de celle qui fut la mère de son enfant et ne partagea pas sa vie…



© DR.
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Roland Depauw, juste et puissant, porte le récit précis, presque sec, mais qui se révèle être, dans sa forme, un appel à la poésie nécessaire. Une saga de solitudes, de joies et de souffrances. Le comédien est un colosse. Solide. Fléchissant. Lucide…

Nicolas Perrin musicien percussionniste l'accompagne, occupe l'espace dans la discrétion et une forme de sur-présence. Un ombre qui fait se crisser un caillou de basalte et un galet, chanter un dulcimer, un waterphone et un improbable tympanon-lyre portatif… Et d'autres instruments cachés dans un décor minimaliste.

Un parquet, une cloison de planches disjointes, quelques sacs de laine : cela est presque vériste. Au lointain, à demi cachées, à peine révélées des images mouvantes où se discernent la lave et la glace, les pluies et les neiges, les brouillards et les nuages. La violence des orages et la douceur des nuits. L'espace, le jeu ouvrent un monde intérieur. Chacun est à l'écoute de Roland Depauw, barde de la montagne, géniteur puissant et mâle solitaire.

© DR.
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Et le spectateur, à l'unisson du metteur en scène, écoute comme une forme de cantate pour voix humaine et forces élémentaires. Accompagne le lent et douloureux cheminement de pudeur et de fureur, qui conduit l'homme à l'Homme, de sa concordance au monde à la conscience de soi. De la Vitalité à l'Amour. À une forme de paix de Soi dans le Temps qui passe.

"La lettre à Helga"

© DR.
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Texte : Bergsveinn Birgisson.
Adaptation théâtrale du roman éponyme.
Traduction de l'islandais : Catherine Eyjólfsson (Éditions Zulma).
Mise en scène : Claude Bonin.
Assistanat et actions artistiques : Bénédicte Jacquard.
Avec : Roland Depauw.
Création sonore endirect : Nicolas Perrin.
Création vidéo : Valéry Faidherbe.
Scénographie : Cynthia Lhopitallier.
Création Lumière Vincent Houard.
Décor : Alain Mériaux.
Maquettisme : Vaderetro Studio.
Création de la compagnie Le Château de Fable.
Durée : 1 h 20.

Du 26 novembre au 22 décembre 2018.
Du lundi au samedi à 20 h 30, samedi à 16 h.
Théâtre de l'Épée de Bois, Salle Studio, La Cartoucherie, Paris 12e, 01 48 08 39 74.
>> epeedebois.com

Jean Grapin
Dimanche 16 Décembre 2018

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© François Vila.
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© Christophe Raynaud de Lage.
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