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Théâtre

"Louise au parapluie" Activisme municipal pour reconquête filiale

Le monde a changé… Pour sûr… Louise s'en est aperçu et son métier d'enfileuse de baleines à la manufacture de parapluies paraît désuet face à l'univers numérique, à Internet et ses influenceurs. C'est cette dernière "profession" ô combien digitale qu'a choisie son fils Antoine, ex-sportif devenu Youtuber. Entre eux, c'est comme sur le Web, les relations sont de plus en plus virtuelles, voire conflictuelles, nourries d'incompréhensions générationnelles.



© Yacine Fort Starface.
© Yacine Fort Starface.
Dans cette société du paraître, du non-sens, du faire semblant, le bon sens n'a plus guère sa place. Louise, elle, en a et l'exprime sans compter pour mettre en évidence les travers, les contradictions et autres absurdités de cette société qui finira par remplacer l'individu par son avatar numérique.

Alors, femme d'opinion aux idées franches, simples et pleines de bon sens (justement !), elle se lance le pari d'une candidature aux élections municipales… Fortes de réelles convictions et préoccupations sociales et environnementales aux ancrages locaux, renforçant sa détermination d'une récente, nouvelle et jeune amitié ouvrière, elle construit son projet sur le terreau de l'opposition de son rejeton, tout en semant l'espoir d'un retour affectif de ce dernier dans le cœur aimant maternel… Ici est besoin de revêtir l'habit de spectateur pour en connaître le dénouement et découvrir d'autres péripéties !

Louise est indéniablement un rôle écrit pour Myriam Boyer… Qui lui convient remarquablement bien car faisant appel à ses talents particuliers de comédienne que sont une extrême générosité, une interprétation sereine et sincère du personnage qu'elle habite à merveille. Un jeu "nature/naturel" 100 % maîtrisé, plein de densité et d'empathie.

© Jeremy Mathur.
© Jeremy Mathur.
Le bon sens versus le non-sens virtuel. Le faire pour de vrai contre le faire semblant. Tout dans sa posture respire la volonté passionnée de ceux qui ont gardé les pieds sur terre, avec cette sensibilité, cette fragilité qui forge une forme d'humanité. C'est d'ailleurs "Summertime" chantée par la sublime et irremplaçable Janis Joplin qui fait le lien musical entre les scènes.

Ses deux compagnons de plateau, Prune Lichtlé (Jacqueline, la copine de l'usine) et Guillaume Viry (Antoine, le fils), usant d'une même science, d'un talent identique, sont au diapason de la virtuosité paisible de Myriam Boyer. Tous les trois expriment sans excès mais avec assurance les situations, émotionnelles quand il le faut, plus rageuses quand les discussions sont sur le terrain du conflit. La mise en scène d'Emmanuel Robert-Espalieu est en cohérence avec son texte, certes assez classique, dans un décor très réaliste, mais au service de ses comédiens, ne tombant jamais dans des effets redondants, usant de ce qu'il faut de vidéo pour exprimer un lieu. La sobriété se révèle être ici un art !

De la belle ouvrage, un spectacle bourré d'humanité qui donne du baume au cœur… Idéal pour cette rentrée aux accents parfois anxiogènes…

"Louise au parapluie"

© Jeremy Mathur.
© Jeremy Mathur.
Texte : Emmanuel Robert-Espalieu.
Mise en scène : Emmanuel Robert-Espalieu.
Avec : Myriam Boyer, Prune Lichtlé, Guillaume Viry.
Décors : Jean-Michel Adam.
Lumières : Charles Degenève.
Costumes : Camille Duflos.
Durée : 1 h 30.

À partir du 10 septembre 2019.
En septembre :
du mardi au samedi 20 h - dimanche 17 h
En octobre :
mardi mercredi 20 h - jeudi vendredi et samedi 21 h 30 - dimanche 15 h 30.
Théâtre du Gymnase - Marie Bell, Petit Gymnase, Paris 10e, 01 42 46 79 79.
>> theatredugymnase.paris

Gil Chauveau
Jeudi 19 Septembre 2019

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© François Vila.
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