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Théâtre

"Marilyn Inside" Dévoiler Marilyn pour tenter de retrouver l'intimité secrète de Norma Jean

Qui était-elle, réellement ? Être dual, aux structures intimes complexes, celles d'une âme en quête de sérénité, de sincérité. D'un côté Marilyn, sex-symbol fabriqué par le cinéma hollywoodien des années cinquante, ou Norma Jeane, femme-enfant à la vie chaotique, ballotée entre une mère atteinte de troubles psychologiques graves et les placements dans de multiples familles d'accueil. Confrontation ou rencontre imaginaire entre ces deux fantômes, souvenirs de ces deux réalités successives, tentative de traversée du miroir, c'est ce que nous propose l'étonnant et réussi "Marylin Inside".



© Clarisse Bianco.
© Clarisse Bianco.
Incarnation féminine idéalisée jusqu'à en devenir une icône planétaire, tempête sensuelle à la robe blanche virevoltante, blonde écervelée à la jeunesse intemporelle… Elle fut tout cela tout en restant une femme mystérieuse, secrète que seules la captation de regards fugaces, la perception de fragiles coups d'œil éphémères laissaient deviner. Actrice quasi vénérée malgré ses extravagances conjugales, ses dépressions et, parfois, ses excès de consommation d'alcool et/ou de médicaments, elle était à la fois saisissante et insaisissable.

L'auteure, Céline Barcaroli, nous propose une traversée intérieure dans la dualité d'une femme publique où se confronte et se rencontre les deux faces de celle qui bouleversa à jamais la représentation cinématographique féminine - registre "blonde incendiaire" - tout en exposant involontairement, puis volontairement, ce que peuvent être les fragilités et les failles d'un être sublimé. Son propos, fondé sur du réel, nous emporte dans le fictionnel pour effleurer, parfois approcher, ce qu'ont pu être les mystères, les fêlures indicibles, les tourments naissant d'une continuelle et insatiable quête d'amour.

© Clarisse Bianco.
© Clarisse Bianco.
"Le personnage de "Marilyn Inside" s’inspire de plusieurs dizaines de photos prises à différentes époques de la vie de Marilyn Monroe par divers grands noms de la photographie parmi lesquels André de Dienes, Milton Greene ou Sam Show, mais aussi de ses propres paroles, glanées chez ses biographes, dans des interviews ou encore dans ses carnets. Ses mots se retrouvent dans la pièce et donnent lieu à des développements fictionnels." Céline Barcaroli, auteure.

Entre charme et délicatesse, en équilibre sur le fil fragile d'une âme où un chemin empreint de poésie se parcourt de Marilyn à Norma Jeane, la comédienne Emma Barcaroli entre sur scène habillée de solitude, comme enfermée dans un costume qui l'emprisonne. Petit à petit, devant un immense miroir - dont une petite partie centrale nous laisse deviner une coiffeuse de maquillage dont seul reste un cadre fait d'ampoules allumées -, elle va libérer, du moins modifier et ouvrir l'image "papier glacé et glamour" de Marilyn pour nous dévoiler l'envers du décor (symbolisé par les pans du miroir retournés un à un) où se trouve le paysage intérieur de Norma.

© Clarisse Bianco.
© Clarisse Bianco.
Emma Barcaroli chemine doucement dans cette exploration intériorisée offerte au public. Son interprétation use d'une subtile palette exprimant tour à tour la star apeurée, puis adulée et ensorceleuse, ou pensive et interrogative, mais aussi accomplie et radieuse. La comédienne, bénéficiant d'une mise en scène sobre, mais intelligente et bien réglée, laisse, au fil de ce voyage à la fois documenté et purement fictionnel, apparaître une grande générosité où émerge une certaine empathie pour cette étoile filante qu'a été Marilyn Monroe dont la vie fut si courte.

Dans cette introspection offerte, dans cette volonté d'effacer les lieux communs, dans cette forme résolument poétique de don de soi, Emma Barcaroli est lumineuse... Éminemment solaire !

"Marilyn Inside"

© Clarisse Bianco.
© Clarisse Bianco.
Texte : Céline Barcaroli.
Mis en scène : Grégory Cauvin.
Avec : Emma Barcaroli.
Scénographie : Michel Braun et Sandrine Lamblin.
Collaboration artistique : Guillaume Delvingt.
Création lumières : Sébastien Prud'homme.
Perruque et maquillage : Judith Scotto.
Construction décor : Sandrine Lamblin.
Durée : 1 h 15.
Cie Pantai/Cie Auteuil Zéro 4 Virgule 7.

Du 7 septembre au 27 octobre 2021.
Mardi à 21 h, mercredi à 19 h.
Studio Hébertot, Paris 17e, 01 42 93 13 04.
>> studiohebertot.com

Gil Chauveau
Vendredi 1 Octobre 2021

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© Jean-François Delon.
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Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

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Brigitte Corrigou
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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

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Bruno Fougniès
15/10/2023