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Théâtre

"Simone en aparté" Au cœur de Simone Veil : l'évocation tendre d'une vie fabuleuse

Si elle était personnage de fiction, n'importe qui en tomberait amoureux. Pour le moins, le lecteur aurait au moins le souffle court et l'attention totalement prise à suivre la vie inimaginable de Simone Veil qui a réussi à surmonter la révélation de la violence du monde des hommes, pour se battre contre et réussir à y apporter quelques bribes de son humanité. Simone Veil est héroïne de sa propre vie. Et la pièce d'Arnaud Aubert nous montre l'intime force de cet être au destin unique.



© Kevin Louviot.
© Kevin Louviot.
Est-ce nécessaire de rappeler les événements les plus connus de la vie de Simone Veil ? Oui, car il est dit qu'il ne faut rien oublier. Rappelons les collisions entre son histoire personnelle et la grande Histoire, avec un grand H. Seconde Guerre mondiale… Simone Jacob, son nom de jeune fille, vit à Nice avec sa famille, elle réussit son bac, décide de fêter ce succès avec ses amis, elle sort avec de faux papiers, se fait contrôler par des Allemands en civil, elle a 16 ans, c'est le printemps 1944. Elle se retrouve dans le camp d'Auschwitz-Birkenau avec sa sœur et sa mère. Celle-ci décèdera peu avant la libération du camp. Simone se retrouve alors dans l'après-guerre, son père et son frère eux aussi avalés, disparus, elle a 18 ans.

Elle reprend ses études de droit pour devenir magistrate, puis, pour survoler 40 ans d'actions diverses en une phrase, elle fait en sorte de rapatrier des femmes menacées de viols et des hommes menacés de la peine capitale durant la guerre d'Algérie ; elle dirige le Conseil supérieur de la magistrature puis elle devient ministre de la Santé sous la présidence de Giscard, avec comme grand fait d'armes de défendre le droit à l'IVG. Ensuite, c'est l'Europe pour laquelle elle devient présidente du parlement en 1979… Une carrière où, à chaque instant, elle a pu illustrer sa grande volonté de pacifier, d'humaniser, de défendre les droits, ceux des femmes en particulier, mais pas seulement.

© Kevin Louviot.
© Kevin Louviot.
Mais "Simone en aparté" ne focalise absolument pas l'attention sur ces faits d'armes, ces beaux combats, ces blessures inguérissables. Il s'agit plutôt ici d'affinités, de parenthèses confidentes. Toute l'idée du projet est née du legs de la bibliothèque de Simone et Antoine Veil à la mairie de Cambremer où le couple possédait une maison. Un lieu refuge pour Simone où elle a écrit son autobiographie, "Une Vie" au titre "emprunté" à Maupassant. Dans ce même village réside Arnaud Aubert, auteur et metteur en scène du spectacle.

Cette proximité géographique sert d'échelle à la proximité qu'Arnaud Aubert a voulu créer entre le public et le personnage incarné ici avec un talent sûr par Sophie Caritté. Sous forme alternée de monologues et de scènes de vie rejouées, le spectacle va nous faire voir de l'intérieur les événements de la vie de Simone Veil, mais aussi et surtout ses pensées, ses pudeurs, ses doutes, ses rêves. Il y a une grande douceur qui se dégage de la pièce et du jeu très millimétré de la comédienne. Une affectivité voulue qui ne tombe à aucun moment dans le pathétique, ni le sensationnel. Un peu à l'image réservée mais déterminée de Simone Veil, dont l'apparence toujours très "tirée à quatre épingles" et la maîtrise de ses colères restent comme d'Épinal.

La scénographie très épurée d'Hervé Mazelin, bien mise en valeur par les lumières chaudes d'Estelle Ryba, donne avec quelques éléments simples mais esthétiques l'idée d'un intérieur, avec quelques allusions aux livres. Un mobilier occupe le centre du plateau, forme de vague, de page blanche sur laquelle glisse la comédienne, entouré de bandeaux métalliques qui descendent des cintres, l'ensemble susurre la petite musique des textes, ceux que l'on se doit d'écrire pour que l'oubli ne soit jamais chez lui. Un bel écrin pour que la mémoire de Simone Veil réinventée ici puisse prendre son envol et nous parler à l'oreille et au cœur comme seuls certains livres forts nous emportent.

"Simone en aparté"

© Kevin Louviot.
© Kevin Louviot.
Écriture et mise en scène : Arnaud Aubert.
Avec : Sophie Caritté.
Scénographie et visuel affiche : Hervé Mazelin.
Lumière et régie générale : Estelle Ryba.
Musique : Nicolas Girault.
Costumes : Yolène Guais.
Avec la complicité, pour le travail corporel, de Sophie Lamarche Damoure.
Durée : 1 h 30.

Vu en représentation "pro" au Tanit Théâtre à Lisieux (14).
>> tanit-theatre.com

Tournée
13 avril 2021 : Centre Culturel, Orbec (14).
16 avril 2021 : Cinéma Le Parc, Livarot (14).
17 avril 2021 à 20h : Foyer Familial, Cambremer (14).
20 avril 2021 : Théâtre Lisieux Normandie, Lisieux (14).
Octobre 2021 (date et horaires à confirmer) : Le Rayon Vert, Saint-Valéry-en-Caux (76).

Bruno Fougniès
Jeudi 25 Février 2021

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À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
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Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
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Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

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Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023