La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Trib'Une

"On ne couche pas aux enterrements" Un "du-elles" éclatant sur scène autour d'un enterrement !

J'ai cherché le féminin de duo, ça leur sied bien : "du-elles". Christine Anglio et Laurie Marzougui sont à la fois autrices et comédiennes et ont réussi, hier soir, deux exploits : divertir le public et jouer devant une salle pleine ! Miracle… Y aurait-il un esprit bienveillant à la Comédie des 3 Bornes ? Certainement !



© DR.
© DR.
Un esprit, oui ! Ana… enfin ! Ana est la sœur d'Isabelle (Laurie Marzougui) disparue 15 années auparavant, emportée par une longue maladie… Ce n'est pas le propos de la pièce et heureusement. En période Covid, c'est un tantinet plombant. Ana sœur d'Isabelle et meilleure amie de Pauline (Christine Anglio) se retrouvent une fois par an en mémoire de la défunte.

Je cite l'épitaphe des autrices, visible sur l'affiche : "quand les gens meurent, on leur promet un peu n'importe quoi !". Le souhait d'Ana était que Pauline et Isabelle restent connectées et que perdure une sincère amitié. Seulement, un secret bien enterré (terme de circonstance) depuis quinze ans va être enfin révélé et cela va perturber la relation des deux vivantes. Forcément ! Quinze années de non-dit(s)… c'est un "cancer de l'angoisse" assuré !

Et ce ne sont pas les litres de vodka qui vont tout arranger ! Cette quinzième soirée ne va donc pas se dérouler comme les quatorze précédentes. Isabelle a quelque chose à dire à Pauline et ce n'est pas rien… Comment le dire ? À quel moment ? En pleurant, en exagérant ? Avec le sourire ? Suspens ! Et mise en scène astucieuse. Première réussite de ce spectacle !

© DR.
© DR.
Autre réussite : les coups de théâtre ! Oui, car, plus haut, je fais référence à une confidence, mais soyez curieux et comme un bonheur peut souvent en cacher un autre, une confidence peut, elle aussi, en cacher une autre. En cela réside le succès d'une bonne comédie puisqu'on ne s'y attend pas ! Mission accomplie par ces drôles de dames. Pièce finement écrite, subtile dans le style et l'interprétation.

Une comédie dont on a besoin et qui fait du bien. Bon timing ! Plaisir indiscutable des deux actrices à échanger les répliques spontanément, comme un ping-pong vocal où jamais la voix de l'une ne prend l'ascendant sur l'autre. Elles maîtrisent les ruptures, les quelques silences et se regardent tendrement. Elles aiment jouer ensemble et cela se voit. Elles ont du talent, tout simplement.

Oui, c'est une bonne comédie et ce que je retiens aussi, au-delà (autre terme de circonstance) de l'agréable moment passé, c'est le lien et l'importance de communiquer… dire, parler, évacuer et ne rien laisser s'abîmer pour parfois mieux repartir. Voici également une belle histoire d'amitié. Dans le dossier de presse, il est noté qu'elles ont écrit cette pièce "comme si le temps leur était compté". Cette "urgence" de créer leur a donné des ailes. Je ne saurai que vous conseiller d'aller voir ces deux anges bien vivants(es) qui, par leur énergie, leur humour et leur savoir-faire nous protègent quelques instants du chaos pandémique du moment !

Le port du masque n'a pas encore figé les rires et ce "du-elles" le prouve chaque samedi soir. Programmées jusqu'en mai, ne vous privez surtout pas de ce plaisir !

"On ne couche pas aux enterrements"

© DR.
© DR.
Texte : Christine Anglio et Laurie Marzougui.
Mise en scène : Manon Rony.
Avec : Christine Anglio et Laurie Marzougui.

Du 9 octobre 2021 au 28 mai 2022.
Samedi à 18 h 30.
Comédie des 3 Bornes, Paris 11e, 01 43 57 68 29.
>> comediedes3bornes.com

Isabelle Lauriou
Vendredi 21 Janvier 2022

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024