La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Espace des Arts de Chalon-sur-Saône rénové… Inauguration !

Combien furent-ils au début sur le parvis qui, par un prompt renfort, se virent bien plus de mille encore à suivre Tatiana Julien, cette danseuse, qui ouvrit discrètement, sans tambours, sans trompettes, ni rubans, ni ciseaux, hormis ceux de son art, le bâtiment de l'Espace des Arts de Chalon-sur-Saône. Rénové après deux ans de travaux. Comme un nouveau port au juste sud, au toucher de la vieille ville.



© Jean Grapin.
© Jean Grapin.
En ce jour d'inauguration, les Chalonnais ont gravi le grand escalier aux marches de verre, investi les espaces d'accueil lumineux conçus comme autant de salons ouverts sur la ville, se sont réunis dans le patio, admiré le beau bâtiment brutaliste de Daniel Petit, inauguré en 1971 et classé monument historique, magnifié par le travail respectueux de Pierre Hebbelinck et Mathieu Berteloot.

Toujours même et radicalement différent, le bâtiment. Quelques fenêtres en plus, quelques découpes de plancher ouvrant des perspectives nouvelles, de nouveaux escaliers et des salles de spectacles réinventées dont la grande a une acoustique remarquable.

Tout en haut comme flottant sur les toits est aménagée une résidence d'artistes avec sa salle de répétition-création. Avec vue sur la ville et, à l'horizon, comme au crayon, les coteaux du vignoble bourguignon et le Revermont du Jura.

© Benjamin Chelly.
© Benjamin Chelly.
Inaugurée par l'orchestre de Lyon, la grande salle vit tous les instrumentistes et le public ovationner le soliste virtuose Augustin Hadelich. Faisant corps avec la scène, buvant la musique, habité, il fit chanter, feuler, murmurer son stradivarius de 1728, apprivoisant le célèbre et diabolique caprice de Paganini.

Durant ces jours d'ouverture, en prélude d’une saison exigeante, dans une mise en abyme artistique pleine de proximité et d'intimité, tous risques formels assumés, les Chalonnais se sont vus offrir un bouquet de créations et d'interrogations.

Qu'est-ce que le théâtre ? Qu'est-ce que l'homme ?

À l'image de cette exposition du chantier, des hommes et du chantier.

À l'image de ce conteneur industriel nouveau cocon d’où s’envole la danseuse Satchie Noro*, gracieuse.

À l'image de cette pièce de théâtre ambitieuse, "Happy birthday, Sam" de Quentin Laugier, et mise en scène par Alexis Moati, conçue comme un puzzle. Un puzzle qui évoque l'Amérique, terre d’accueil de réfugiés venus d’Europe, aux maisons détruites par les tourments, les guerres et la misère. La pièce met à jour l'enchevêtrement des temps et des espaces. De ceux qui conjuguent un destin. Et le spectateur entre dans l'intimité d'un goût de vivre qui se propage en dépit des silences. De ces silences qui tentent d'étouffer le souvenir des malheurs qui pourtant se transmettent malgré soi.

La grande salle © Benjamin Chelly.
La grande salle © Benjamin Chelly.
Tous les édiles réunis, toutes couleurs politiques confondues, fiers d'une forme d'humilité au service de l'Art, accompagnent par cette inauguration le désir de culture d’une ville industrielle qui fut durement touchée par les crises successives… Mais qui sait désirer vivre et renaître avec son festival de rue en été et son carnaval en hiver et son espace des Arts.

Tous osent évoquer les grands ancêtres, Malraux en tête mais pas seulement, et prononcer les mots d'éducation populaire.

Lise Visinand, pionnière parmi les pionnières de la décentralisation et de la maison de la culture (qui a précédé la scène nationale), était là avec son "bouquet de pensée", manière de transmettre une idée toujours d'actualité que firent leur, Jean Vilar, Roger Planchon et tous les autres. Élitaire pour tous.

* Vue et chroniquée à Turin, dans le cadre du festival >> Teatro a Corte

À ne pas rater :
Instances danse du 15 au 21 novembre 2018.

La grande salle © Jean Grapin.
La grande salle © Jean Grapin.
Espace des Arts, Scène nationale.
5B, Avenue Nicéphore Niépce, Chalon-sur-Saône (71).
Tél. : 03 85 42 52 12.
>> espace-des-arts.com

Lise Visinand et Philippe Buquet © Jean Grapin.
Lise Visinand et Philippe Buquet © Jean Grapin.
Du 10 au 12 octobre 2018 à 20 h.
"George Dandin ou le mari confondu".
Texte Molière.
Mise en scène : Jean-Pierre Vincent.
Avec : Olivia Chatain*, Gabriel Durif, Aurélie Édeline*, Vincent Garanger*, Iannis Haillet, Élizabeth Mazev, Anthony Poupard*, Alain Rimoux (* troupe permanente du Préau).
Assistanat à la mise en scène : Léa Chanceaulme.
Dramaturgie : Bernard Chartreux.
Décor : Jean-Paul Chambas, assisté de Carole Metzner.
Costumes : Patrice Cauchetier, assisté de Anne Autran.
Musique originale : Gabriel Durif, d’après des extraits du Grand Divertissement royal de Versailles (Molière-Lully).
Lumières-vidéos : Benjamin Nesme.
Son : Benjamin Furbacco.
Maquillage : Suzanne Pisteur.
Habilleuse : Annaig Le Cann.
Durée : 1 h 45.
Production Studio Libre, Le Préau Centre dramatique national de Normandie - Vire (producteur délégué), Théâtre Dijon Bourgogne - CDN. Avec la participation du Jeune Théâtre National.

Jean Grapin
Mercredi 3 Octobre 2018

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
06/03/2024
Spectacle à la Une

"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023