La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Sombre rivière"… Mise à nu de pensées en déroute

"Sombre rivière", Théâtre du Rond-Point, Paris

Lazare a trempé sa plume au plus vif de sa sensibilité pour créer une œuvre après les attentats de Paris de novembre 2015. Au travers d'un prisme qui mêle différentes tranches de vie des protagonistes, l'auteur nous convie à un parcours sinueux de ses émotions.



© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Il y a dans cette pièce de théâtre, du chant, de la musique, de la danse, des vidéos… et des apartés. Bref un mélange de plusieurs disciplines qui aurait pu faire de ce cocktail artistique, un beau bouquet. Sauf que la trame est difficile à suivre.

Il y a pourtant de très beaux rôles comme celui, entre autres, de Lazare (interprété par Julien Villa), incarné avec beaucoup d'humour, de vivacité, de plaisir, d'envie par le comédien. C'est un artiste à moitié compris et à moitié soutenu par sa productrice (Anne Baudoux), présente dans les coulisses.

Nous voyons ainsi l'autre côté du décor, avec une caméra qui filme ce qui se passe en coulisses en le projetant sur scène. La perspective est double, c'est celle d'une création, de sa mise en mots, en forme, au travers de sa production, avortée, et de personnages avant même leur entrée sur le plateau. Une mise à nu du théâtre. Tout est montré. Les doutes de Lazare, ou plutôt de sa productrice et les à-côtés de sa vie.

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Ainsi que ses pensées (ou celles d'un autre ?) qui viennent ponctuer la pièce avec des propos sur les Arabes et les préjugés qui leur sont dédiés après des attentats revendiqués par des extrémistes religieux "musulmans "… bien qu'un Arabe ne soit pas forcément musulman ; ainsi que des propos sur les banlieues et le racisme.

Il y a aussi un bout de film sur la maman de Lazare, jolie personne âgée au rire communicateur. Bref un melting-pot de plusieurs tranches de vie, d'instants du personnage/créateur.

Lazare est l'auteur de "Sombre rivière" qui s'est projeté dans un des protagonistes pour mettre en humeur, et en déroute, les pensées qu'il a eues lors des attentats de novembre 2015.

C'est une œuvre salvatrice pour son créateur, et sans doute pour une partie du public, comme le dit le personnage Lazare : "J'écris pour des gens, j'écris aussi pour les morts qui sont dans ma chambre ! Ça tu ne le sais pas, j'écris les morts qui sont dans mon corps".

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Même si je n'ai pas accroché, il y a une réelle imagination qui génère de beaux moments, très drôles pour certains. Mais la pièce me semble un peu longue, manquant parfois de cohérence dans une pensée qui était sans doute perturbée par les événements qui avaient alors ébranlé Paris.

Mais nous sommes sur scène, avec le recul d'un artiste qui tient son pinceau à la main pour faire de son tableau une belle œuvre. Là, il y a eu, à mon sens, des coups de pinceau de trop même si cette approche à vouloir mettre en lumière le saisissement de l'auteur durant ces événements lui était nécessaire… Cela est resté difficile à suivre pour le spectateur que j'étais.

"Sombre rivière"

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Texte et mise en scène : Lazare.
Avec : Anne Baudoux, Laurie Bellanca, Ludmilla Dabo, Marion Faure, Julie Héga, Louis Jeffroy, Olivier Leite, Mourad Musset, Veronika Soboljevski, Julien Villa.
Collaboration artistique : Anne Baudoux, Marion Faure.
Lumières : Christian Dubet.
Scénographie : Olivier Brichet.
En collaboration avec : Daniel Jeanneteau.
Costumes : Marie-Cécile Viault.
Son : Jonathan Reig.
Image : Lazare, Nicos Argillet.
Montage vidéo : Romain Tanguy.
Prise de vue sur le plateau : Audrey Gallet.
Direction de chœur : Samuel Boré.
Assistanat général : Marion Faure.
Assistanat musical : Laurie Bellanca.

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Avec la participation filmée de : Ouria, Olivier Martin-Salvan.
Durée : 1 h 55.
Par la compagnie Vita Nova.

Du 28 novembre au 30 décembre 2018.
Du mardi au samedi à 21 h, dimanche à 15 h.
Relâche le 25 décembre.
Théâtre du Rond-Point, Salle Renaud-Barrault, Paris 8e, 01 44 95 98 00.
>> theatredurondpoint.fr

Safidin Alouache
Lundi 10 Décembre 2018

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Le consentement" Monologue intense pour une tentative de récit libératoire

Le livre avait défrayé la chronique à sa sortie en levant le voile sur les relations pédophiles subies par Vanessa Springora, couvertes par un milieu culturel et par une époque permissive où ce délit n'était pas considéré comme tel, même quand celui-ci était connu, car déclaré publiquement par son agresseur sexuel, un écrivain connu. Sébastien Davis nous en montre les ressorts autant intimes qu'extimes où, sous les traits de Ludivine Sagnier, la protagoniste nous en fait le récit.

© Christophe Raynaud de Lage.
Côté cour, Ludivine Sagnier attend à côté de Pierre Belleville le démarrage du spectacle, avant qu'elle n'investisse le plateau. Puis, pleine lumière où V. (Ludivine Sagnier) apparaît habillée en bas de jogging et des baskets avec un haut-le-corps. Elle commence son récit avec le visage fatigué et les traits tirés. En arrière-scène, un voile translucide ferme le plateau où parfois V. plante ses mains en étirant son corps après chaque séquence. Dans ces instants, c'est presque une ombre que l'on devine avec une voix, continuant sa narration, un peu en écho, comme à la fois proche, par le volume sonore, et distante par la modification de timbre qui en est effectuée.

Dans cet entre-deux où le spectacle n'a pas encore débuté, c'est autant la comédienne que l'on voit qu'une inconnue, puisqu'en dehors du plateau et se tenant à l'ombre, comme mise de côté sur une scène pourtant déjà éclairée avec un public pas très attentif de ce qui se passe.

Safidin Alouache
21/03/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024