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La jeunesse française sacrifiée  27/02/2021

Monsieur le Président,

Il y a un mois, vous assuriez que "tous les Français qui le souhaitent seraient vaccinés à la fin de l'été".

Il y a une semaine, nous apprenions que les festivals debout ne pourraient pas se tenir cet été. Seuls les événements rassemblant moins de 5000 personnes assises et distanciées auront droit de cité.

Hier, vous évoquiez la mise en œuvre d'un "pass sanitaire" en vue de la réouverture des lieux culturels.


Que comprendre de ces annonces contradictoires ?

Les décisions concernant les festivals répondent à des impératifs de court terme, alors que c'est d'une vision de long terme dont nous avons besoin. Nous ne cessons de le marteler, depuis près d'un an maintenant, sans jamais obtenir de réponse satisfaisante. À force de déclarations sans portée successives, nous finissons par être vaccinés de la parole gouvernementale, en opposition avec vos propres déclarations sur la vaccination et le "pass sanitaire", qui permettraient à tous les festivals d'avoir lieu cet été. Ce que nous proposons depuis quelques mois, en vain…

La France se targue d'une meilleure gestion de la crise par rapport à ses voisins européens. Pourtant, le Royaume-Uni et l'Espagne arrivent à donner des perspectives à leur population, notamment sur le terrain culturel.

Au Royaume-Uni, Boris Johnson a annoncé un retour progressif à la normale pour le mois de juin, permettant à tous les acteurs culturels de s'organiser en conséquence ; en Espagne, où une grande partie des spectacles n'ont pas cessé, le Gouvernement participe directement à l'élaboration d'un plan de reprise, avec notamment l'organisation de concerts-tests.

La France sera-t-elle aussi dans ce domaine en queue du peloton européen ?

Nous avançons dans le brouillard depuis trop longtemps. Plus grave encore, nous avons le sentiment que le Gouvernement avance à tâtons.

La visibilité, vous la devez aux acteurs du monde de la culture. Mais vous la devez avant tout aux jeunes générations.

Alors qu'ils subissent déjà de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire et économique, nos jeunes sont les premières victimes de l'absence de perspectives qui touche les concerts et les festivals. Les festivals aujourd'hui exclus, dont nombreux annoncent déjà leurs annulations, sont précisément ceux qui attirent le plus les jeunes (musiques actuelles, musiques électroniques, musique urbaine, rock, etc.). Nos festivaliers ont le sentiment d'être confrontés à une décision arbitraire, qui les éloigne encore un peu plus d'un retour à la vie normale. Les territoires qui dépendent de ces événements nous soutiennent pleinement et attendent eux aussi un été où les concerts et festivals prendront toute leur place.

Monsieur le Président, entendez-nous. Entendez les festivals. Entendez les territoires. Entendez la jeunesse.

Communiqué de presse du PRODISS.

À propos du PRODISS - Créé en France en 1984, le PRODISS, syndicat national du spectacle musical et de variété est aujourd'hui le 1er syndicat patronal représentatif au niveau national. Le PRODISS rassemble près de 400 entrepreneurs de spectacles : producteurs, diffuseurs, exploitants de salles, organisateurs de festivals, répartis dans toute la France et œuvrant dans le domaine des variétés, des musiques actuelles (jazz, musiques populaires, comédies musicales, etc.) et des one man shows. Ils forment ensemble, la chaîne de création et de diffusion d'un spectacle. Essentiellement des PME et TPE, nos adhérents génèrent près de 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit plus des 3/4 du chiffre d'affaires de l'ensemble du secteur du spectacle musical et de variété.

Photo : Festival des Vieilles Charrues 2019 © DR.
La Rédaction

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"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
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"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024