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Théâtre

"You-You" Parcours d'une femme courageuse, histoire douce-amère d'une vie déplacée

"You-You", Studio Hébertot, Paris

Y-eut-il jamais une Yougoslavie et des Yougoslaves heureux ? Ce pays né et disparu dans les convulsions de l'Europe au XXe siècle. L'histoire de You-You de Jovan Atchine apporte avec beaucoup de tact quelques éléments de réponse.



© Pascal Gély.
© Pascal Gély.
En assistant à la pièce jouée par Mina Poe, le spectateur ne peut, dans un premier temps, que sourire devant le pittoresque de la situation. Celle d'une employée de bureau, d'une secrétaire prononçant le discours de son départ en retraite. Quasi vieille fille au français encore hésitant. Le discours est policé et convenu. La comédie est efficace.

Pourtant, dans les apartés qui sont dans ce monologue autant de décrochages de la réalité, se discerne comme en creux une tout autre histoire. Que les mots ont bien de la peine à esquisser mais que la comédienne dans le silence et la théâtralité pointe avec discrétion et franchise.

La fuite devant le régime du maréchal Tito, l'exil à Paris, la jeunesse bohème, les Français hostiles à de Gaulle, ceux qui haïssent les communistes, les amours ancillaires et l'enfant caché, le travail comme une bouée de sauvetage. Les lâchetés et mensonges. Autant de bribes de vie que les mots donnent en partage. Il en ressort le sentiment d'un vide. Celui du poids des non-dits, de la vie manquée.

La manière alternée dessine une forme d'accablement devant la destinée. Une mélancolie sourd sous la fantaisie. Comme une mise en abyme de la condition humaine que chacun peut ressentir.

"You-You"

© Pascal Gély.
© Pascal Gély.
Texte : Jovan Atchine.
Mise en scène : Élodie Chanut.
Avec : Mina Poe.
Lumière : Pascal Noël.
Son : Marc Bretonnière.
Image : Jean-François Spricigo.
Compagnie l'Œil des Cariatides.
Durée : 1 h 10.

Du 7 septembre au 11 novembre 2017.
Du mardi au samedi à 21 h, dimanche à 15 h.
Studio Hébertot, Paris 17e, 01 42 93 13 04.
>> studiohebertot.com

Jean Grapin
Lundi 18 Septembre 2017

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© Delphine Royer.
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© Philippe Hanula.
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