La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Volpone... goupil sensuel dans la ronde des spéculateurs

"Volpone ou le renard", Théâtre de la Madeleine, Paris

Volpone ou le renard est une comédie cruelle écrite en 1606 par Ben Jonson, auteur élisabéthain de six ans le cadet de Shakespeare. Elle décrit les comportements absolument rapaces qui se déploient autour de la fortune et de l’héritage. Le protagoniste est richissime, sans enfants, feint le mourant et prétend désigner son légataire universel. La danse des prétendants le fait bien rire. Mais rira bien qui rira le dernier.



© Bernard Richebé.
© Bernard Richebé.
Intervenant à Venise, épicentre de la révolution du capitalisme de la fin du XVIe siècle, la pièce dans sa critique de la cupidité se révèle étonnamment contemporaine. Un Joseph Stiglitz ne la renierait pas.

Dans sa forme qui mêle réalisme et archaïsmes d’écriture, elle est aussi cruellement drôle et renvoie à cette situation de pure comédie, hautement comique, qui est celle d’un univers où chacun s’avançant absolument masqué est repéré par tous, où toutes les actions supposées secrètes sont connus de tous. Tant courent les rumeurs, les coups tordus que chacun finit par agir conformément à son surnom endossé comme un patronyme. Un avocat, Voltore, est un vautour. Un serviteur très très zélé, Mosca, est une mouche, une putain, une saumure. La farce est au programme. Présentée par Nicolas Briançon et Pierre Alain Leleu qui renvoient l’action dans un style de début de siècle anglais, elle a, par l’équilibre de sa distribution, la vivacité d’une pièce de boulevard réussie.

© Bernard Richebé.
© Bernard Richebé.
Cette version de Volpone est pain bénit pour des comédiens goulus de leur métier.

Roland Bertin joue le rôle-titre avec gourmandise. Il est tout en rondeur, malice, se montre joyeux des bons tours qu’il joue. Innocent comme un enfant. Attendrissant. Vert comme un jeune homme autoritaire, comme un maitre, fourbe. Cupide. Jouissant de la ronde des spéculateurs qui œuvrent en direction de son héritage. Semant la zizanie, il trouve plus fort que lui en la personne de son serviteur zélé qui manie l’intrigue avec maestria.

Assurément Volpone est un goupil sensuel et l’animal sait se délecter des vices de ses compères le vautour, le corbeau, la corneille noire, la mouche et la saumure.

La distribution étant très équilibrée, le spectateur se délecte aussi et salue cette mise en scène même si les intermèdes aux chorégraphies néo-gothiques peuvent laisser perplexes, au bord d’un anachronisme.

La fable de Volpone n’a rien perdu de son efficacité et de sa vérité.

"Volpone ou le renard"

© Bernard Richebé.
© Bernard Richebé.
Texte : Ben Jonson.
Mise en scène : Nicolas Briançon.
Adaptation Nicolas Briançon et Pierre-Alain Leleu.
Avec Roland Bertin, Nicolas Briançon, Anne Charrier, Philippe Laudenbach, Grégoire Bonnet, Pascal Elso, Barbara Probst, Matthias Van Khache et Yves Gasc.
Décors : Pierre-Yves Leprince.
Lumières : Gaëlle de Malglaive.
Costumes : Michel Dussarat.
Durée : 1 h 45 sans entracte.

Depuis le 12 septembre 2012.
Du mardi au samedi à 20 h 30, samedi et dimanche à 17 h.
Théâtre de la Madeleine, Paris 8e, 01 42 65 07 09 .
>> theatremadeleine.com

Jean Grapin
Vendredi 5 Octobre 2012

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024