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Théâtre

Une comédie de l'erreur... Comme un conte de fées !

"Le Roi Cymbeline", Théâtre du Soleil, Paris

Dans le roi Cymbeline, William Shakespeare raconte en deux mouvements la séparation de deux amants puis leur réunion. Il est banni. Elle lui reste fidèle. Il croit aux preuves de son infidélité.



© Antoine Agoudjian.
© Antoine Agoudjian.
La pièce, dont l’action se situe lors d’une conquête de la Bretagne par un empire romain de fantaisie, est un tissu de péripéties brodées de traîtres, de marâtres, d’imbéciles influents, de brutes généreuses, d’enfants perdus. Tous héros de familles déchirées recomposées. De scènes de bataille en songes solitaires, de perditions en retrouvailles, les héros ne font que se croiser, se toiser. Flux et reflux, allers et retours, entrées et sorties. Il en faut des aventures pour inverser le cours des événements.

On s’y perdrait. La représentation mise en œuvre par Hélène Cinque et sa troupe est un enchantement, une durée de poésie y compris visuelle.

La troupe croque avec gourmandise et finesse les personnages et les situations. Le traitement de l’espace de l’avant scène au lointain favorise le développement de tous les registres de la comédie. Et c’est dans la fluidité que les scènes se fondent et s’enchaînent, distribuent avec naturel les images les actions ou les commentaires utiles à la clarté du propos. Ainsi conçu le théâtre est un jeu de cache-cache apaisant où les apartés et le happy-end apportent un rire de satisfaction. Hélène Cinque, en faisant de cette pièce un authentique drame au sens romantique, en révèle la profondeur.

© Antoine Agoudjian.
© Antoine Agoudjian.
Elle est celle d’un conte facétieux… et moral. Le roi Cymbeline est une comédie de l’erreur par laquelle il est démontré, primo, que le droit est injuste et que la preuve induit en erreur quand les préjugés s’emmêlent ; secundo, que la justice est le fruit du hasard ainsi que de la volonté de l’auteur.

Le spectateur accompagne de son plaisir l’intention de William Shakespeare. À l’issue du spectacle (à l’instar du sandwich gourmand que vole la servante à son inventif valet amoureux), il est repu mais tenu par un goût de revenez-y des plus satisfaisant. Like a fairy tale !

"Le Roi Cymbeline"

Un conte fantastique d’après William Shakespeare.
Par L’Instant d’une résonance.
Traduction et adaptation : Ariane Bégoin.
Mise en scène : Hélène Cinque.
Avec: Emmanuelle Bourdier, Paolo Crocco, Nicolas Fantoli, Pierre Ficheux, Christina Galstian, Charles Gonon, Vahag Kalaidjian, Alain Khouani, Dan Kostenbaum, Sylvain Machac, Stéphane Otéro, Magali Song, Franck Saurel, Harold Savary, Alexandre Zloto.
Création lumières : Victor Arancio.
Création musique : Jo Zeugma.
Chorégraphies : Marie Barbottin.
Création costumes : Sabina Kaethner-Lewitanski et Selma Kip.

Spectacle du 8 mars au 29 avril 2012.
Du mercredi au samedi à 20 h, dimanche 14 h.
Théâtre du Soleil, Paris 12e, 01 43 74 24 08.
>> theatre-du-soleil.fr

Jean Grapin
Jeudi 15 Mars 2012

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

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Brigitte Corrigou
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Spectacle à la Une

"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023