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Théâtre

Un théâtre conçu comme le temps d'une plaidoirie ultime, au-delà des apparences

"Toute ma vie j'ai fait des choses que je savais pas faire", Théâtre du Rond-Point, Paris

Dans "Toute ma vie j'ai fait des choses que je savais pas faire" de Rémi De Vos, le protagoniste d'un fait divers banal et violent (et fatal pour lui) propose sa lecture intime des événements à rebours de l’enchaînement des faits objectifs.



© Simon Gosselin.
© Simon Gosselin.
Comme une seconde chance offerte de comprendre de l'intérieur une histoire par définition impossible à appréhender puisque le personnage est décédé et que dans l’enchaînement des faits objectifs tout l'accuse.

Depuis sa présentation à Avignon en 2016, le spectacle monté par Christophe Rauck a puissamment évolué. Si la scénographie est restée la même, l'interprétation de Juliette Plumecocq-Mech s'est prodigieusement approfondie, précisée, affinée : épanouie. Le spectacle a quitté les registres de la performance, du théâtre-danse, de la Représentation, pour entrer dans une sorte d'évidence, dans celui de l'Art : d'un Théâtre en sa Recherche qui capte le spectateur.

D'un art qui, avec le corps, la voix, les mots, l'espace et la durée, conjugue les contraires, met en parallèle les mondes réel et imaginaires, trouve la surface d'ambivalence des mots et des gestes, le point aveugle qui fait que le théâtre remet du sens à l'insensé, pense l'impensé, montre l'inmontrable.

© Simon Gosselin.
© Simon Gosselin.
La comédienne avec tenue et souplesse restitue sur la scène, dans l'axe du temps et à rebours de celui-ci, tous les stades de la surprise et du hasard en ces lieux mystérieux de l'ahurissement, de la sidération, de cet état second qui conserve une cohérence ultime entre des fonctions vitales qui disparaissent et la conscience des forces de la vie .

Ces instants de séparation, cet instant de crise, elle les maintient par les forces du théâtre. Par l'apport continue qu'elle fait des vitalités des incarnations successives, des rêves et des joies de vivre. Par leurs métamorphoses et la gaîté à les créer, elle suspend le temps, fait oublier l'espace, donne vie.

Face à ce voyage immobile au cours duquel s'évapore le récit, le spectateur vit l'intensité d'un théâtre conçu comme le temps d'une plaidoirie ultime, qui rassemble toute les forces, se place au-delà des apparences.

"Toute ma vie j'ai fait des choses que je savais pas faire"

© Simon Gosselin.
© Simon Gosselin.
Texte : Rémi De Vos.
Mise en scène : Christophe Rauck.
Avec : Juliette Plumecocq-Mech
Son : David Geffard.
Lumières : Bernard Plançon.
Collaboration chorégraphique : Claire Richard.
Texte publié aux Éditions Actes Sud-Papiers.DITIONS ACTES SUD-PAPIERS
Durée : 50 minutes.

© Simon Gosselin.
© Simon Gosselin.
Du 9 janvier au 4 février 2018.
Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h 30.
Théâtre du Rond-Point, Salle Roland Topor, Paris 8e, 01 44 95 98 21.
>> theatredurondpoint.fr

Jean Grapin
Mardi 16 Janvier 2018

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
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Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
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… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024