La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Un clown, sur le fil comme il se doit, au bord du sentiment tragique…

"Chocolat, clown nègre", Tournée : Auch (Gers), Caen (Calvados) et Meylan (Isère)

Gérard Noiriel et Marcel Bozonnet, président de la Société d’Histoire du Théâtre, évoquent la figure de Rafael Padilla alias Chocolat. Ce premier artiste de cirque noir apparaît et disparait à une période clé de l’histoire française. Entre la défaite de 1870 et la victoire de 1918. Avec, en arrière plan, l’affaire Dreyfus et l’exposition universelle de 1889, l’apparition du cinéma et de l’électricité.



© DR.
© DR.
Peint par Toulouse Lautrec et filmé par les Lumière, Chocolat, roi de Montmartre, meurt en 1917 dans la misère. Un quart de siècle avant la déferlante de la Revue nègre. Années modernes. Années cruciales.

Un mat d’acrobate chinois, un cercle au sol, un drap blanc, le dispositif de "Chocolat, clown nègre" est léger. En forme d’installation, ce spectacle est économe en effets d’amplification et précis. Cette sobriété affichée servie par une très grande concentration des comédiens produit un effet de densité et d’étrangeté. C’est un théâtre de raffinement du réel qui renvoie le spectateur à ses premiers étonnements. Comme une infusion de mémoire des années de l’enfance.

© DR.
© DR.
C’est ainsi que Marcel Bozonnet en directeur de cirque, en monsieur Loyal, semble être le fabricant d’un jouet mécanique, d’un manège invisible. Mécanique lui-même. Attentif à sa création tournant la manivelle de sa machine à remonter le temps. Mettant en œuvre un hésitant praxinoscope à la gloire de Chocolat (Yann Gaël Elleouet). Les personnages semblent se fondre comme des "autochromes lumière" comme si il était question dans cette histoire de cinéma à venir... Il y a du Georges Méliès là-dessous.

Par cette étonnante mise en abyme, Chocolat reprend vie ainsi que son compère Footit (Sylvain Decure) et c’est captivant.

Le spectateur voit comment le répertoire du cirque se modernise. Chocolat esquisse ses pas de danse... son cake walk*, esquive les gifles données, se contorsionne, rétif à obéir. Et finalement docile et complice serviteur de son maitre. Déchiré**.

© DR.
© DR.
L’épouse de Chocolat (Manon Combes Zuliani) émeut en femme amoureuse. L’acrobate au mat chinois (Ode Rosset) gracieuse fait frémir le public de ravissement.

Il y a dans ce spectacle comme une incarnation du rêve réussie, comme un hommage à ceux qui font profession d’étonnement et de merveilleux, les saltimbanques, les artistes. Sur le fil comme il se doit, au bord du sentiment tragique…

Et sans avoir l’air d’y toucher, la troupe rend sensible les ambigüités du rire qui ont marqué le destin de cet acteur. Il connut l’admiration et la solidarité mais aussi les moqueries et les quolibets. Son personnage (hélas) popularisa et cristallisa les préjugés sous forme de stéréotypes bien trop prégnants.

*Le Hip hop a des ancêtres
**La comédie clownesque de clown blanc et d’Auguste va culminer avec Pozzo et Lucky de Beckett.

"Chocolat, clown nègre"

Un  clown, sur le fil comme il se doit, au bord du sentiment tragique…
Texte : Gérard Noiriel.
Adaptation pour la scène : Gérard Noiriel et Marcel Bozonnet.
Mise en scène : Marcel Bozonnet.
Assistante à la mise en scène : Manon Conan.
Avec : Yann Gaël Elleouet (Chocolat), Sylvain Decure (Footit), Marion Combes Zuliani (Marie, la compagne de Chocolat), Ode Rosset (Suzanne, la fille de Chocolat), Marcel Bozonnet (le directeur du cirque).
Costumes : Rénato Bianchi.
Chorégraphie : Natalie Van Parys.
Dispositif : Marcel Bozonnet et Renato Bianchi avec la collaboration de Sara Sablic.
Réalisation des costumes : Sylvie Lombart.
Conseillère image : Judith Ertel.
Durée : 1 h 20.

A été joué du 14 au 18 mars au Théâtre des bouffes du Nord (Paris).
27 mars 2012 à 21 h : Circuit, Scène conventionnée pour les Arts du Cirque, Auch (Gers), 05 62 61 65 00.
2 au 6 avril 2012 (lundi, mardi et vendredi à 14 h, mercredi et jeudi à 19 h 30) : La Comédie de Caen, Théâtre d'Hérouville (Calvados), 02 31 46 27 29.
24 et 25 avril 2012 à 20 h : Hexagone, Scène nationale de Meylan (Isère), 04 76 90 00 45.

Jean Grapin
Samedi 17 Mars 2012

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024