La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Toutes les choses géniales" Prendre par les sentimens pour dédramatiser le tragique

C'est avec une douceur rieuse que Didier Cousin vous accueille dans un espace carré qui va être le terrain de jeu de cette pièce originale et ingénieuse. Invité à vous asseoir dans cette absence de délimitation entre scène et public, vous vous asseyez avec les autres autour de l'espace. Quand tout le monde est là, le comédien commence l'histoire.



© Bruno Dewaele.
© Bruno Dewaele.
Une histoire à la première personne, celle d'un personnage qui, dès l'âge de 7 ans, a débuté une liste : "la liste des choses qui valent la peine d'être vécues". Le ton précis, sérieux et innocent de l'enfance donne le la à ce récit qui va suivre l'écriture de cette liste au fil des années vécues par notre narrateur. Et cette simplicité narrative apparente va nous faire découvrir peu à peu, et avec ce sourire constant et salvateur aux lèvres, le drame qui gronde dans la vie de cet homme. Un drame qu'il est obligé de subir dès son jeune âge : la première tentative de suicide de sa mère.

Une mère dépressive qui, au fil des ans, tentera encore et encore de mettre fin à ses jours et un fils qui a trouvé cette solution merveilleuse pour contrer la noirceur de l'état de sa mère : établir la liste des choses qui valent la peine d'être vécues. Cela commence par des choses très quotidiennes : "la liste a commencé après sa première tentative. La liste de tout ce qui est génial dans le monde. Tout ce qui vaut la peine de vivre. 1. Les glaces. 2. Les batailles d'eau. 3. La couleur jaune."

© Bruno Dewaele.
© Bruno Dewaele.
Au départ, établir cette liste n'était pas destinée forcément à la mère. Peut-être et sans doute la commença-t-il pour lui-même, pour lutter contre l'influence néfaste et mortifère que les personnes dépressives diffusent autour d'elle. C'était une question de survie. Une manière de mettre à la lumière toutes les choses plaisantes de l'existence. Plus tard, l'enfant grandi, la liste parvient dans les mains de la mère. La lit-elle ? Lui fait-elle du bien ? Sans doute. Certainement.

Par le prisme de cette liste, abandonnée puis reprise, perdue puis retrouvée, suivant les péripéties de la vie, l'auteur anglais Duncan Macmillan parvient à nous faire découvrir le parcours de ce personnage et sa volonté de bonheur. Passant de l'enfance à l'âge adulte, les choses géniales de la vie changent, se découvrent différentes, se contredisent parfois peut-être. On n'aime pas les mêmes choses à 7 ans et à 45 ans. Ainsi, personnage et intérêts évoluent ensemble, mais la liste continue de s'allonger passant les centaines de lignes, les milliers, les dizaines de milliers.

Le texte original a été créé par un acteur et un auteur, dans une collaboration constante entre le dramaturge et l'interprète, avec la volonté d'intégrer les spectateurs, de les faire participer à l'histoire. La mise en scène d'Arnaud Anckaert et le jeu dosé au millimètre de Didier Cousin réussissent à créer la magie nécessaire pour percer des brèches dans le mur qui sépare acteurs et spectateurs. Tout au long de la représentation, ceux-ci sont mis à contribution pour prononcer des éléments de la liste, incarner des personnages de l'histoire et même improviser des dialogues avec le comédien. Un exploit de réussir cet amalgame sans que ni le rythme ni le fil du spectacle n'en pâtisse.

Le résultat de cette belle création fait naître la sensation d'avoir pris une bonne dose d'optimisme, de clarté et de tendresse malgré les drames profonds de la vie. Et l'on se prend à avoir envie de rajouter à la liste des choses qui valent la peine d'être vécues, la chose suivante : assister à une représentation de "Toutes les choses géniales".

"Toutes les choses géniales"

© Bruno Dewaele.
© Bruno Dewaele.
Texte : Duncan Macmillan avec Jonny Donahoe.
Traduction : Ronan Mancec.
Mise en scène : Arnaud Anckaert.
Avec : Didier Cousin.
Régie Alix Weugue.
Durée : 1 h.

Du mardi 19 novembre au samedi 28 décembre 2019.
Mardi, jeudi, samedi à 19 h.
Théâtre La Reine Blanche, Paris 18e, 01 40 05 06 96.
>> reineblanche.com

Tournée 2020
23 janvier 2020 : Culture Commune - Scène Nationale du bassin minier, Loos-en-Gohelle (62).
9 au 12 avril 2020 : Le Bellovidère, Beauvoir (89).
25 avril 2020 : Communauté de Commune Osartis-Marquion, Quéant (62).
29 mai 2020 : Le Fil et la Guinde, Wambrechies (59).
5 juin 2020 : Festival Traverse, Festival Itinérant des Arts de la Parole du Haut Val de Sèvre, Azay-le-Brûlé (79).
Août 2020 : Festival l'été de Vaour, Vaour (81).
Date en cours : Communauté de Commune du Pays Solesmois, Solesmes (59).

Bruno Fougniès
Jeudi 28 Novembre 2019

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024