La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Shock Corridor"… Ou comment il est fou parfois de n'être pas fou

"Shock Corridor", Nouveau Théâtre de Montreuil, Montreuil (93)

Avec "Shock Corridor", Mathieu Bauer propose une adaptation théâtrale du film éponyme de Samuel Füller qui révèle l'envers du décor américain et les dessous du glamour. Une american way of life de la violence. Et particulièrement celle de l'institution psychiatrique.



© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Par les moyens du théâtre, le spectateur est invité à suivre les pistes du film dans une forme de labyrinthe scénographique et dramaturgique dont les jeunes comédiens sortis de l'école de Strasbourg (TNS) s'emparent avec un plaisir manifeste. L'adaptation théâtrale, disons le tout net, est une réussite.

Il y a tout d'abord la trame du récit filmique : celle d'un journaliste enquêtant sur un crime commis dans un hôpital psychiatrique en se faisant passer pour malade. Au risque de la perte de raison et de la perte de la preuve.

Il y a aussi le fil biographique de l'auteur reporter de guerre et réalisateur au cigare qui s'insère sans heurts par le biais d'une entrevue-témoignage.

Il y a enfin la montée à la surface des seconds rôles du cinéma qui ont trouvé dans "Shock Corridor" le court rôle de pleine lumière dont rêvent toute une vie ceux qui font carrière en bordure des projecteurs.

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Ces itinéraires, ces bribes de vie s'entremêlent et se nouent et se cristallisent dans des instants musicaux, un éclat de jeu individuel ou un mouvement d'ensemble.

Dans cette convention d'un théâtre construit déconstruit, le spectateur est sollicité de tous côtés. Le spectacle a la texture dense, variée, virtuose. Sans rupture de rythme, il est digne d'une comédie musicale ou d'un thriller.

Et dans le parcours mental, dans le dédale suggéré, le même spectateur éprouve le plaisir assez anglo-saxon de l'enquête et de la découverte de différents indices. Il repère comment d'une manière sournoise ou brutale une société façonne ses bordures et ses marges, pose la frontière entre le fou et le sain d'esprit. Comment le théâtre peut jouer avec les ambiguïtés. Comment il est fou parfois de n'être pas fou.

Mathieu Bauer, avec ses jeunes comédiens, propose le franchissement du miroir. Le spectateur applaudit.

"Shock Corridor"

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Adaptation, mise en scène et scénographie : Mathieu Bauer.
Collaboration artistique et composition : Sylvain Cartigny.
Avec : Youssouf Abi-Ayad, Éléonore Auzou-Connes, Clément Barthelet, Romain Darrieu, Rémi Fortin, Johanna Hess, Emma Liégeois, Thalia Otmanetelba, Romain Pageard, Maud Pougeoise, Blanche Ripoche, Adrien Serre.
Dramaturgie : Thomas Pondevie.
Son : Auréliane Pazzaglia.
Lumière : Stan-Bruno Valette, Marie Bonnemaison.
Costumes : Léa Perron.
Plateau et accessoires : Laurence Magnée.
Décor réalisé par les ateliers du TNS.
Durée : 1 h 45.

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Du 10 janvier au 4 février 2017.
Du mardi au samedi à 20 h. Samedi 21 à 15 h, dimanche 29 à 17 h. 1er, 2 et 3 février à 21 h.
Relâche : 15, 22, 23 et 30 janvier.
Nouveau Théâtre de Montreuil, salle Maria Casarès, Montreuil (93), 01 48 70 48 90.
>> nouveau-theatre-montreuil.com

Jean Grapin
Mardi 24 Janvier 2017

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024