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Théâtre

"Shaman et Shadoc… Ou l'imposture des rats", une prose existentielle portée par un jeu riche de pleins et de déliés

"Shaman et Shadoc", Lavoir Moderne Parisien, Paris

Deux hommes et une femme, l'un bien sapé, l'autre dépenaillé... et elle, surgissant, comme une ombre, chantonnant en vers, par intermèdes, la chronique des deux. En compagnons d'infortune : des rats, à destination de compagnie ou d'expériences. Assis sur un banc, les deux "s" - comme solitude - tentent le tête-à-tête…



© Romalt Photo.
© Romalt Photo.
En attendant la mort ou la résilience… Shaman et Shadoc dissertent, dans une forme de dualité où les rapports de force ne sont pas ce qu'ils paraissent être, où l'équilibre mental des êtres semble déterminer les règles ludiques de cet affrontement verbal ayant pour trame un passé commun volontairement oublié.

Entre eux, une femme, sœur de l'un, femme de l'autre, carbonisée, incinérée dans le feu des souvenirs, perdue dans les flammes de la mémoire, mais toujours brûlante de possibles règlements de comptes, de vengeance, d'absolution ou de renaissance… la fin en donnera la solution.

En attendant, dans un habit d'absurde faisant parfois songer à Godot, nos zigues, pas toujours débonnaires, usent de joutes oratoires et de convenances dînatoires. Dans une recherche de mainmise de l'un sur l'autre, et vice-versa, se jouent tentatives de manipulations ou de connivences. Au bout du compte, après l'épuration du cynisme et la révélation de la noire vérité se posera la question finale :
Shaman : Shadoc ! Et Dieu dans tout ça ?
Shadoc : Le brave homme.

© Romalt Photo.
© Romalt Photo.
Rarement un texte aura été une aussi belle partition pour deux comédiens, sachant que la "musique" fut composée par l'un, Pierre Margot, pour l'autre, Guillaume Orsat. Car ici la parole, le verbe sont musicaux par l'utilisation fine de différentes tonalités, parfois graves et dense, d'autres fois plus hautes, aériennes, et par l'étonnante qualité sonore des silences.

Leurs jeux, riches successivement de pleins et de déliés, sont ceux d'instrumentistes à la pratique virtuose, usant des gestes comme d'archets aux amplitudes généreuses, parfois rythmées d'envolées excessives mais parfaitement dominées.

Un concert théâtral destiné aux gourmets d'une prose mélodieuse et du jeu émérite de comédiens et comédienne possesseurs d'un talent porté ici à la quintessence, de par la qualité de l'écriture de Pierre Margot.

"Shaman et Shadoc… Ou l'imposture des rats"

© Romalt Photo.
© Romalt Photo.
Texte : Pierre Margot.
Mise en scène : Pierre Margot.
Avec : Guillaume Orsat, Pierre Margot, Céline Legendre-Herda ou Julie Allainmat.
Collaboration artistique : Claire Guyot.
Dramaturgie : Anne Massoteau.
Musique : Nathalie Miravette.
Lumière : Charly Thicot.
Cie Clair de Lune.
Durée : 1 h 15.

[Reprise en soutien au Lavoir Moderne Parisien.]b
Du 23 mars au 6 mai 2018.
Vendredi à 21 h 30 et dimanches à 17 h 30.
Lavoir Moderne Parisien, Paris 18e, 01 46 06 08 05.
>> lavoirmoderneparisien.com
contact@lavoirmoderneparisien.com

Première publication : 29 mars 2017.

Gil Chauveau
Mercredi 11 Avril 2018

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© Jean-François Delon.
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06/03/2024
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Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
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Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

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Bruno Fougniès
15/10/2023