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Théâtre

"Sabordage" Comme une synthèse de la modernité… une implosion écologique à venir, avenir sombre de notre monde…

Elle fut riche et belle, plaisante et paradisiaque, pays de cocagne… puis devint consommatrice et opulente, industrieuse, minière et calamité écologique, pour finir mendiante et désespérée, à l'avenir destructif d'une future terre qui coule à pic… C'est la "belle" histoire de l'île de Nauru*, miroir de notre prochain anéantissement - au délicat (!) mais définitif intitulé "6e extinction de masse" -, qui nous est contée par le talentueux Collectif Mensuel.



© GOLDO Dominique Houcmant.
© GOLDO Dominique Houcmant.
Narration aux allures de débats, de commentaires, d'échanges réalistes… Scénographie en une forme d'actions documentaires, visible au lointain par report vidéo "en direct", en rappel de notre monde de l'image, expression ironique de nos chaînes d'infos en continu pour une structure créative d'un théâtre pédagogique, d'un reportage théâtralisé… Car ici tout est vrai, le drame, les horreurs économiques, le dézingage des ressources et de l'environnement… le sabordage de l'île a vraiment eu lieu, sans parler des perspectives radieuses d'une fin en version sous-marine !

Le récit - dans un préambule exposant un éden de rêve aux allures de paradis touristique, sis à quelques encablures de la Papouasie-Nouvelle-Guinée (près de 2 700 km quand même !) - se construit sur un montage cinématographique et télévisuel où le collectif puise dans les séries et films des années soixantes-dix quatre-vingt, tous célèbres et ancrées dans nos imaginaires collectifs…

© GOLDO Dominique Houcmant.
© GOLDO Dominique Houcmant.
… et dans la conception d'une maquette (rappelant nos enfantins jeux de reconstitution de mondes imaginés), évoluant au fil des déconvenues géographiques et écologiques, où sont manipulés mini-personnages et petites voitures, en un style de théâtre d'objets intelligent, original et inventif, portant, dans sa projection sur écran, conséquence d'une captation d'un "simili" reporter, une réussie dramatisation distanciée des événements toxiques qui, entre surexploitations écologiques, faillite économique et hyperconsumérisme nous démontrera que Nauru est l’exemple parfait du rêve qui vire au cauchemar.

Cette mise en scène divertissante, mais plus tragique qu'il n'y paraît, est associée à un intelligent mélange de doublages, de répliques percutantes - souvent réalistes et contextualisées dans une réalité alarmante -, de slam, de mashup et de riffs très rock 'n' roll. Les musiciens sont tout autant bruiteurs qu'acteurs à leur façon. Et les comédiens, dans une manifestation de rage militante et d'expressions emphatique et dramatique dynamisent la narration, captivant l'attention des spectateurs par un charisme à la limite de la harangue.

© GOLDO Dominique Houcmant.
© GOLDO Dominique Houcmant.
À l'heure où XR (pour collectif Extinction Rebellion) lance ses occupations pacifistes et ses actions de désobéissances civiles au niveau international, il est urgent d'aller voir "Sabordage", alerte théâtrale et ludique qui, avec intelligence, gravité constructive, fulgurances inventives et humour, met en lumière l'inquiétante continuation des criminelles colonisations capitalistes ayant pour seules fins d'amplifier leur croissance financière et de gaver leurs actionnaires jamais repus.

Les conséquences écologiques de cette obstination, si elle ne concernait que leurs auteurs, seraient un moindre mal, mais malheureusement, la planète entière en est aujourd'hui impactée... Et l'espérance en un futur changement salvateur s'amenuise chaque jour toujours plus. Mais elle peut un peu s'alimenter sur des actes théâtraux tels que celui du Collectif Mensuel. Ils impliquent chacun dans sa responsabilité collective à devoir/vouloir changer les choses aujourd'hui.

* L'île de Nauru est une république de 12 700 habitants. Sa superficie est de 21 km2. La République de Nauru est aujourd’hui l’un des États les plus pauvres au monde.

Vu le 22 septembre au Théâtre de Liège.

"Sabordage"

© GOLDO Dominique Houcmant.
© GOLDO Dominique Houcmant.
Conception et mise en scène : Collectif Mensuel.
Écriture : Collectif Mensuel et Nicolas Ancion.
Avec : Sandrine Bergot, Quentin Halloy, Baptiste Isaia, Philippe Lecrenier et Renaud Riga.
Scénographie et costumes : Claudine Maus.
Direction technique et création lumière : Manu Deck.
Régie son : Johann Spitz.
Montage vidéo : Juliette Achard.
Conseillers vidéo : Camera-etc et Ian Menoyot.
Durée : 1 h 30.

Du mercredi 9 au 17 octobre 2019.
Mercredi, jeudi et samedi à 19 h 30, mardi et vendredi à 20 h 30 et dimanche à 16 h.
Théâtre 71 - Scène nationale, Malakoff (92), 01 55 48 91 00.
>> theatre71.com

© GOLDO Dominique Houcmant.
© GOLDO Dominique Houcmant.
Tournée 2019/2020
21 au 24 octobre 2019 : Eden - Centre culturel, Charleroi (Belgique).
7 au 9 novembre 2019 : Mars - Mons arts de la scène, Mons (Belgique).
10 et 11 mars 2020 : LUX - Scène Nationale, Valence (26).
13 mars 2020 : La Machinerie, Vénissieux (69).
17 au 21 mars 2020 : Théâtre Jean Vilar, Louvain-la-Neuve (Belgique).
27 mars 2020 : Centre culturel Kinneksbond, Mamer (Luxembourg).
31 mars au 3 avril 2020 : Théâtre de Namur, Namur (Belgique).
16 au 17 avril 2020 : Centre culturel de Bonlieu - Scène Nationale, Annecy (74).
24 et 25 avril 2020 : Centre Culturel, Verviers (Belgique).
28 et 29 avril 2020 : La Comète - Scène Nationale, Châlons-en-Champagne (51).
5 et 6 mai 2020 : Maison de la Culture, Amiens (80).

Gil Chauveau
Vendredi 11 Octobre 2019

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"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
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© Pics.
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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023