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Humour

Roukiata Ouedraogo intègre avec une facilité déconcertante les facettes de l'art du comédien et du clown

"Je demande la route", Théâtre de l'Œuvre, Paris

Roukiata Ouedraogo présente son spectacle "Je demande la route". Difficile de ne pas lui répondre que la route est droite et belle en saluant tout le talent dont elle fait preuve sur scène.



© Fabienne Rappeneau.
© Fabienne Rappeneau.
Roukiata Ouedraogo est pour ainsi dire une princesse qui, ayant découvert le secret des griots et leur art de raconter, donne corps et parole à tous les personnages qui ont marqué sa vie. Elle fait ainsi cadeau de l'humour africain et le fait savoir dans la joie de jouer.

Allant bien au-delà d'un soliloque moqueur ou sarcastique, Roukiata fait œuvre picaresque. En faisant vivre toutes ses ombres, en partant du village, quittant son enfance, sa famille : partant à la conquête du monde. Le public l'accompagne dans le rire.

Les récitations ânonnées à l'école communale, les conseils du grand frère, son arrivée en France, son grand-père ancien de la guerre, sa hantise du froid, son premier appart au dernier étage avec vue sur les chéneaux. De la bureaucrate de l'état civil aux femmes du salon de coiffure à Château-rouge, des métiers de gardienne d'enfants à celui de comédienne, tout fait conte, conte moderne, conte initiatique.

© Fabienne Rappeneau.
© Fabienne Rappeneau.
Partant d'une humble servante, presque à la lueur d'une chandelle, la comédienne occupe la scène en souplesse et détermination, intègre avec une facilité déconcertante les facettes de l'art du comédien et du clown, consciente de ses effets et la première amusée de l'effet produit sur le public et sa propre apparence.

Le récit et le corps s'unissent pour faire sens. Sous le récit haut en couleur, la gravité affleure. Tous ces états d'âme que concrétisent les images d'Épinal sur les noirs… Roukiata les retourne, les pousse jusqu'à imiter Michel Leeb imitant un noir imitant Michel Leeb. Ou offrir dans la fulgurance de son surgissement le fantôme exubérant de Joséphine Becker dansant à "la revue nègre".

Il y a dans tout cela comme un art de la métamorphose. La comédienne peut bien s'offrir, pour un instant seulement, quelques tics du "seul en scène" contemporain, et céder à ce besoin d'arpentage de l'avant-scène : cela fait partie du jeu.

Le spectateur ébloui se souvient du sourire complice et amusé, le mouvement de la révérence fière et discrète. La Grâce.

"Je demande la route"

Texte et mise en scène : Stéphane Eliard et Roukiata Ouedraogo.
Avec : Roukiata Ouedraogo.
Collaboration artistique : Ali Bougheraba.
Durée : 1 h 20.

Du 30 janvier au 24 avril 2019.
Mercredi à 21 h.
Théâtre de l'Œuvre, Paris 9e, 01 44 53 88 88.
>> theatredeloeuvre.com

Tournée
8 février 2019 : Senas (13).
2 mars 2019 : Cornillon (13).
8 mars2019 : Sainte-Geneviève-des-Bois (91).
15 mars 2019 : Villeneuve Saint-Georges (94).
25 mai 2019 : Palaiseau (91).

Jean Grapin
Vendredi 8 Février 2019

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© Jean-Louis Fernandez.
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© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

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