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Théâtre

Ronde de nuit... Ronde de l'exil, de la liberté rêvée... d'un peuple plein de vitalité et de foi en la vie

"La Ronde de nuit", Théâtre du Soleil, Paris

Le Théâtre Aftaab est en en voyage et cela lui réussit. Né en 2005 à Kaboul d’un simple stage organisé par le Théâtre du Soleil. Il réunit comédiens et comédiennes qui sont plus qu’une lueur d’espoir qui, dans la nuit afghane, dans les ruines la guerre et le danger, brûle. Ils forment une troupe de théâtre qui affirme sa fierté.



© Michèle Laurent.
© Michèle Laurent.
Elle présente sa dernière création au Théâtre du Soleil, "La Ronde de nuit".
La manière est certes mnouchkienne (forcément mnouchkienne) mais l’art démontre une capacité à raconter des histoires vraies avec un sens du réalisme plein d’humour et de distance. Dans la ronde de nuit, le gardien de nuit afghan d’un théâtre imaginaire (qui ressemble fort au Soleil), le soir de son premier travail par un froid d’hiver froid de gueux, voit ses compatriotes hommes et femmes débouler.

La nuit est agitée, le sommeil fragile, l’éveil tendu. Les rixes et les rabibochages comme autant de marques de la peur, la faim, le dénuement, la colère, l’amour. Les personnages si terriblement fragiles, si terriblement beaux rassemblent leurs destins d’humanité. D'effroi et de rire.

© Michèle Laurent.
© Michèle Laurent.
Distribuant le pittoresque et le tragique, la troupe révèle au spectateur ébloui les nouveaux avatars des fantômes de Shakespeare, de Sophocle qui vibrent avec nous. La maitrise des codes dont font montre les comédiens leur permettent paradoxalement en effet de nourrir le grand répertoire de leur propre expérience.

Hélène Cinque qui met en scène fait ressortir les ombres et les lumières de ces comédiens avec efficacité et discrétion. Le théâtre et le réel se rejoignent dans la fable pour le grand bonheur des spectateurs.

"La Ronde de nuit" est un conte réaliste d’hier et de maintenant. Il est celui de l’éternel voyage des comédiens et de tous ceux qui ont l’exil pour royaume, l’hostilité, la peur, les espoirs comme compagnons et les histoires qu’on se raconte pour réconfort. La condition humaine en partage.

© Michèle Laurent.
© Michèle Laurent.
Dans "La Ronde de nuit", il est question du rêve de femme au sein nue guidant le peuple face aux balles et de péripatéticienne du bois voisin en bonne samaritaine. Rêve de France. Rêve de liberté. Rêve de chaleur.

Et dans le grand écart des mondes et des cultures s’affirme une vitalité et une foi en la vie.

"La Ronde de nuit" ? C’est une histoire comme on aimerait que les unes des journaux en rapportent d’avantage.

"La Ronde de nuit"

© Michèle Laurent.
© Michèle Laurent.
Création collective par le Théâtre Aftaab en Voyage.
Mise en scène : Hélène Cinque.
Avec : Haroon Amani, Aref Banahar, Taher Beak, Saboor Dilawar, Mujtaba Habibi, Mustafa Habibi, Sayed Ahmad Hashimi, Farid Ahmad Joya, Shafiq Kohi, Asif Mawdudi, Wioletta Michalczuk, Caroline Panzera, Ghulam Reza Rajabi, Omid Rawendah, Shohreh Sabaghy, Harold Savary, Wajma Tota Khil.
Les photographies projetées pendant le spectacle sont l’œuvre des artistes Reza et Manoocher Deghati/Webistan.
Spectacle en français et en dari surtitré.

Du 27 mars au 28 avril 2013.
Du mardi au samedi à 20 h, le dimanche à 15 h.
Théâtre du Soleil, La Cartoucherie, Paris 12e, 01 43 74 24 08.
>> theatre-du-soleil.fr

Jean Grapin
Mardi 23 Avril 2013

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

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C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

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© Grégory Juppin.
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"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
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"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023