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Théâtre

Retrouver le plaisir enfantin qui nous fait appartenir à une société aimante

"Oh mon doux pays", Théâtre du Soleil, Paris

C'est dans une cuisine que Corinne Jaber, à la coiffure de lionne, coupe, hache menu, malaxe, farcit, jette dans l'huile chaude de manière un peu compulsive ces kebbeh. Ces petits pâtés de viande en forme de navette que l'on prépare en Syrie, en toute joie et gourmandise partagées, pour les amis, les proches, les siens.



© Mario Del Curto.
© Mario Del Curto.
À base de boulgour et de pignons de pins, ils sentent bon l'oignon, le cumin, la marjolaine et le sumac. Difficile pour le personnage alors qu'elle se trouve seule au plan de travail de ne pas évoquer les absents. Ceux qui sont là-bas dans ce pays en guerre, ceux qui exilés y sont retournés. Comme cet homme ayant quitté l'Allemagne et affronté les dangers pour sauver sa fille. Comme cette femme qui raconte sa quête de la Turquie au Liban, de la Syrie à la Jordanie, de voisins en cousins, de cousins en voisins pour s'assurer qu'il est sauf.

La pièce d'Amir Nizar Zuabi décrit avec beaucoup de tact les périples et les périls. Et dans la simplicité révèle la réalité. Sans nier les horreurs, une autre réalité. Celle d'une belle aventure individuelle, celle d'une force de vie qui impose le respect.

© Mario Del Curto.
© Mario Del Curto.
En s'appuyant, osons le dire, sur une forme de pittoresque édulcoré, ce spectacle affirme et rend concret un lien mystérieux qui rattache les êtres. Une forme d'expérience intime que chacun peut comprendre, un sens de la fatalité qui fait que chaque instant est vécu pleinement, de retrouver un plaisir enfantin qui vous fait appartenir à une société aimante. Le temps de déguster des kebbeh entre amis, avec les siens.

Le public ému applaudit ce spectacle qui a triomphé en langue anglaise et est présenté pour la première fois en Français .

Ce spectacle est présenté dans la salle de répétition du théâtre du Soleil (à rejoindre par le côté la tempête).

"Oh mon doux pays"

© Mario Del Curto.
© Mario Del Curto.
Conception : Corinne Jaber.
Texte et mise en scène : Amir Nizar Zuabi.
Traduction française (à partir de l’anglais) : Corinne Jaber et René Zahnd.
Avec : Corinne Jaber.
Conception lumière : Jackie Shemesh.
Direction technique : Nicolas Chorier.
Durée : 1 h.

Du 3 au 19 mars 2017.
Du mercredi au vendredi à 20 h 30, le samedi à 18 h et à 20 h 30, le dimanche à 15 h.
Théâtre du Soleil, La Cartoucherie, Paris 12e, 01 43 74 24 08.
>> theatre-du-soleil.fr
Réservations au Théâtre Liberté (producteur du spectacle) à Toulon : 04 98 00 56 76.

Jean Grapin
Lundi 13 Mars 2017

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

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© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

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Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

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La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023