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Théâtre

"Rentrée 42 - Bienvenue les enfants" Le Théâtre au service de la mémoire et d'un humanisme sans faille

Jeudi 1ᵉʳ octobre 1942. Quatre institutrices de l'école élémentaire de filles "Victor Hugo" du XIᵉ arrondissement de Paris se retrouvent pour préparer leur rentrée. Le lendemain, il n'y a que 17 élèves sur les 109 officiellement inscrites ! Pour quelles raisons ? Comment réagir ? Que faire ? Leur métier d'enseignantes va en être bouleversé, et de là, va naître une incroyable habileté à résister.



© Alejandro Guerrero.
© Alejandro Guerrero.
Dès l'ouverture du rideau, nous sommes projetés en 1942 grâce au décor hyper-réaliste d'une salle de classe, fort habilement concocté par Caroline Mexme. Il est fort probable que les souvenirs de certains spectateurs et certaines spectatrices resurgiront aussitôt, et qu'un puissant flashback olfactif submerge leurs cerveaux : odeurs de crayon à papier, de colle Cléopâtre, du plastique neuf des protège-cahier, de l'encre des stylos-plume, ou encore du bois des pupitres.

Ce spectacle, à nos yeux, ce n'est pas juste du théâtre. C'est du théâtre juste. Celui que d'aucuns récrieront en lui préférant celui plus avant-gardiste. Et c'est leur choix tout à fait légitime.
Pierre-Olivier Scotto, ancien du Français et Chevalier des Arts et Lettres, a coécrit "Rentrée 42" avec Xavier Lemaire, dont la passion du théâtre et du spectacle vivant est chevillée au corps depuis sa plus tendre enfance.

Bien leur en a pris, car l'écriture du texte est juste et sensible, mêlant avec harmonie différents registres. Ces deux complices n'en sont pas à leur première expérience, parce qu'ils ont également écrit "Là-bas, de l'autre côté de l'eau" sur le thème de la guerre d'Algérie.

Dans les deux cas, il s'agit de sauvegarder la mémoire, celle qui nous construit et qui, à aucun moment, ne doit défaillir. Ici, il s'agit de faire entendre le silence de ces 109 fillettes qui ne sont pas, ce jour de 1942, dans la cour de récréation, attendant de rentrer dans leur classe respective, mais aussi de tous ces autres enfants et adultes emportés vers les camps de concentration.

Anne Richard, dans le rôle de Gisèle Leblanc, la directrice d'école, est tout à fait crédible. Connue davantage dans son rôle de juge dans la série de France 2, "Boulevard du Palais", on ne pourrait lui conseiller de monter encore davantage sur les planches.

© Alejandro Guerrero.
© Alejandro Guerrero.
À ses côtés, trois autres comédiennes virevoltent fort justement, chacune campée dans un profil et une psychologie bien distincts, accordant à cette pièce, à bien y regarder, un ancrage aussi très contemporain : Émilie Chevillon dans le rôle de Monique Ricou, inscrite au parti communiste et qui, chaque année, participe au Printemps des Poètes avec les "Pompières Poétesses". La douce Fanny Lucet qui, dans son interprétation de Suzy Courcelle vénérant la politique du Maréchal Pétain, est sensible de justesse dans sa découverte de la grande institution "Éducation Nationale". Sans oublier Isabelle Andréani, nommée aux "Molières 2019" dans la catégorie " Meilleur seul en scène", une femme française des années quarante qui fait ce qu'elle peut face à la situation, si véridique dans son jeu.

Ne laissons pas la gent masculine en coulisses : Dominique Thomas campe un concierge attachant, lui qui a perdu son bras à Verdun et qui, vêtu de sa blouse grise et de son béret, rappellera à beaucoup bien des souvenirs d'école.

Représentant les autorités et l'Institution, Michel Laliberté, bien serré dans son gilet de flanelle, ne fera pas le paon devant ces quatre femmes bien décidées à résister. Il est pourtant l'inspecteur d'Académie… Et alors !

Merci aux deux auteurs d'avoir accordé à la troisième partie de leur pièce cette dimension féminine particulière, ainsi que leur intention non dissimulée de nous faire entendre le rôle essentiel, primordial, majeur de l'École, et plus particulièrement de l'Éducation Nationale ! Elle qui, de nos jours, comme en cette rentrée 1942, vacille aussi…

Après l'insouciance évoquée dans la première partie, la stupeur dans la deuxième, vient le temps de la résistance de la troisième partie. Résister ! Pour ne pas sombrer.

"Rentrée 42 - Bienvenue les enfants" est une pièce nécessaire, un microcosme de la Grande Histoire où quatre héroïnes revêtent, à leur manière, des figures fort contemporaines. L'humour n'y est pas absent, mais a, peut-être, fait place, à certains moments, à une émotion que nous aurions aimée voir davantage apparaître dans certaines situations.
◙ Brigitte Corrigou

"Rentrée 42 - Bienvenue les enfants"

© Alejandro Guerrero.
© Alejandro Guerrero.
Texte : Pierre-Olivier Scotto et Xavier Lemaire.
Mise en scène : Xavier Lemaire.
Avec : Anne Richard, Isabelle Andréani, Émilie Chevrillon, Fanny Lucet, Dominique Thomas, Michel Laliberté.
Décors : Caroline Mexme.
Lumières : Didier Brun.
Musique : Philippe Bozo.
Costumes : Christine Viliers.
Durée 1 h 40.

Ce spectacle a été programmé aux Festivals Off d'Avignon 2023 et 2024, et a reçu la Palme du Meilleur spectacle 2023. Il est éligible aux Molières 2024.

Du 21 septembre 2024 au 5 janvier 2025.
Mercredi et vendredi à 19 h, jeudi et samedi à 21 h, dimanche à 17 h.
Théâtre Comédie Bastille, Paris 11e, 01 48 07 52 07.
>> comedie-bastille.com

Brigitte Corrigou
Vendredi 20 Septembre 2024

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© PKL.
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