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Théâtre

Première création française de "Édouard III", pièce méconnue de Shakespeare

Pièce historique, pièce de guerre, ignorée des metteurs en scène français jusqu'à ce que Cédric Gourmelon s'y attache et nous la propose, créée ici comme pour une pièce nouvellement écrite pour laquelle il faut inventer tout ce qui en fera spectacle : décor, jeu, ambiances, sons, costumes, visions. Tout est à découvrir donc, que ce soient l'histoire, les thèmes et la poésie des répliques du célèbre démiurge anglais.



© Simon Gosselin.
© Simon Gosselin.
L'histoire raconte les raisons et les prémisses de la Guerre de Cent ans qui opposa la royauté de la France à celle de l'Angleterre de 1337 à 1453. Une rivalité de droit de transmissions oppose alors les deux rois. Au début de la pièce, le roi Édouard s'informe de ses droits sur la France puisque sa mère Isabelle est la fille légitime et la seule héritière du défunt Philippe Le Bel. Les Français ont, à l'époque, ressorti une ancienne loi salique interdisant l'accession des femmes au pouvoir. Se considérant comme héritier légitime du trône, Édouard décide de partir en guerre contre les Français pour recouvrer ses droits. Ce sera le début des différentes batailles de la guerre de cent ans.

Dans une première partie, la pièce se déroule en Angleterre, dans les trois derniers actes en France. Pièce de guerre, mais en partie pièce de mœurs puisque le roi Édouard, partant en conquête, s'arrête au château du comte de Salisbury et tombe raide amoureux de la comtesse. Shakespeare s'ingénie souvent à circonscrire avec habileté et détails les caractères principaux de ses pièces. Des caractères forts et complexes. On pense à Richard III, Othello, Lady Macbeth, Hamlet… Ici, le va-t-en-guerre est soudain dérouté de son but durant presque la moitié de la pièce par son désir pour la comtesse de Salisbury. La pièce est ainsi comme coupée en deux parties : l'une galante, l'autre guerrière.

© Simon Gosselin.
© Simon Gosselin.
La première partie est l'occasion d'assister à la joute amoureuse du roi et aux esquives adroites de la comtesse contre cet assaut du souverain, à laquelle elle oppose toute sa vertu. L'occasion aussi de moments comiques, et de vertiges littéraires très fleuris. La seconde partie est faite de cuirasses brillantes, d'épées, de fumées, de sang et de violences. Le lien entre les deux est ce roi, interprété magistralement par Vincent Guédon. Le comédien n'en fait pas un monstre ivre de chair à posséder ou à trancher, mais un personnage assez métallique, cérébral, qui admet sa défaite amoureuse avec le même stoïcisme que sa victoire guerrière.

Un fil se dessine pourtant tout au long de cette narration : la place importante des femmes et de leurs décisions. Tout d'abord, la légitimité de l'héritage du royaume de France par la mère d'Édouard, alors que la France lui refuse ce droit. Puis la force de persuasion de la comtesse, qui anéantit le désir du roi et lui fait reprendre ses esprits. Et pour finir, dans une dernière scène, l'apparition de la femme d'Édouard III qui impose la grâce des six otages de Calais que le roi envisageait de faire exécuter.

Pour inventer sa mise en scène, Cédric Gourmelon se réfère aux règles du théâtre élisabéthain qui spécifient chaque zone du plateau pour interpréter les différentes formes du texte. Un début de spectacle presque formel qui privilégie le texte et permet de ciseler les enjeux de cette histoire et de permettre au spectateur d'en saisir tous les détails. Par la suite, la scénographie représentant la muraille du château de Salisbury s'ouvre peu à peu pour pénétrer de plus en plus loin dans les batailles qui forment la seconde partie.

L'œuvre est ainsi très explicite et instructive. Elle permet également de savourer les arabesques de langage de l'auteur anglais et son style poétique qui, dans cette pièce, paraît assez simple et léger, sans passages trop chargés d'images et de comparaisons en chaîne. À noter les très belles interprétations de Fanny Kervarec dans le rôle de la comtesse, qui fait preuve d'une très large maîtrise vocale et d'une belle intensité, ainsi que celle de Vincent Guédon dans le rôle titre qui crée un personnage non conventionnel qui porte jusqu'au bout une part de mystère.
◙ Bruno Fougniès

"Édouard III"

© Simon Gosselin.
© Simon Gosselin.
Texte : William Shakespeare.
Traduction : Jean-Michel Déprats et Jean-Pierre Vincent.
Mise en scène Cédric Gourmelon.
Assistant à la mise en scène Louis Berthélémy.
Avec : Zakary Bairi, Laurent Barbot, Jessim Belfar, Vladislav Botnaru, Guillaume Cantillon, Victor Hugo Dos Santos Pereira, Vincent Guédon, Manon Guilluy, Fanny Kervarec, Christophe Ratandra.
Scénographie : Mathieu Lorry-Dupuy.
Son : Julien Lamorille.
Lumières : Marie-Christine Soma.
Costumes : Sabine Siegwalt.
Travail sur le corps : Isabelle Kürzi.
Coach vocal : François Gardeil.
Collaboration à la dramaturgie : Lucas Samain.
Construction décors : Les Ateliers du Théâtre du Nord.
Production : Comédie de Béthune - CDN Hauts-de-France.
À partir de 14 ans.
Durée environ : 3 h 05 (1ʳᵉ partie : 2 h ; entracte : 20 min ; 2ᵉ partie : 45 min).

© Simon Gosselin.
© Simon Gosselin.
A été créé ("premières" historiques) du 2 au 9 octobre 2025 à La Comédie de Béthune - Centre Dramatique National Hauts-de-France, Béthune (62).

Tournée
14 au 18 octobre 2025 : Théâtre du Nord - CDN Lille - Tourcoing - Hauts-de-France, Lille (59).
13 novembre 2025 : Théâtre de Chartres, Chartres (28).
25 au 27 novembre 2025 : Théâtre Olympia - CDN, Tours (37).
Du 2 au 4 décembre 2025 : La Comédie de Reims - Centre Dramatique National, Reims (51).
7 au 9 janvier 2026 : Théâtre des 13 vents - Centre Dramatique National, Montpellier (34).
22 janvier au 22 février 2026 : Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, Paris 12e.

Bruno Fougniès
Mardi 28 Octobre 2025

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