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Avignon 2024

•Off 2024• "Mademoiselle Gabrielle Chanel" Une vision de la célèbre égérie, tout en contraste et "en creux"

Sur fond d’histoire de France du XXe siècle, avec tour à tour les évocations de la Belle Époque, des Années folles, des deux Guerres mondiales, Gabrielle Bonheur Chasnel, surnommée "Coco Chanel", créatrice de mode haute couture, nous invite à découvrir son destin exceptionnel à travers son histoire personnelle.



© CEJ Production.
© CEJ Production.
Femme à la personnalité et au talent rares qui rencontre, entre autres, Picasso, Proust, Mallarmé, Erik Satie, Misia Sert, Stravinsky, Winston Churchill, le grand-duc Dimitri, Pierre Reverdy, l’arrière-petit-fils de Victor Hugo, Jean Cocteau ou encore Diaghilev, elle crée à elle seule un véritable empire avec à sa tête le célèbre Parfum Chanel n° 5, ou la petite robe noire, qui la porte au sommet de son aura internationale.

Assister à un spectacle "biopic" n’est généralement pas notre tasse de thé, quand bien même ce dernier est agrémenté de musique et de chansons… Devenu une mode depuis un moment déjà, nombreux sont les auteurs et autrices, metteurs et metteuses en scène qui s’inspirent d’artistes ou de personnalités pour stimuler leur créativité.

Pourtant, ici, Sophie Jolis, autrice de ce spectacle musical sur Coco Chanel, programmé au Studio Hébertot à Paris jusqu’au 9 avril, a fait le pari que, d’une histoire personnelle aussi pleine soit-elle, on pouvait extraire 1 h 15 de spectacle enthousiasmant et profond… Secondée à la mise en scène par deux autres femmes, Hélène Darche et Marie Simon, "Mademoiselle Chanel" est fort réussi…

© CEJ Production.
© CEJ Production.
Trois femmes pour parler d’une quatrième, évoquer son destin, s’inspirer de sa réalité et de l’Histoire, et qui ont dû, de toute évidence, faire des choix drastiques, tant la vie de Gabrielle a été remplie d’impensables rebondissements. La conception n’a pas dû être de tout repos, le processus créatif n’étant pas chose aisée, surtout quand il s’agit de faire des choix et que la vie de la personnalité choisie a été aussi rocambolesque et haute en couleur !

Mais c’est avec une grande pertinence et une juste mesure que ces choix ont été faits pour ce spectacle. Une reconstitution historique ou encore une narration biographique auraient été du plus mauvais effet, voire impossibles.

"Qui a monté cette manche ? Ce vêtement, ce n’est ni fait, ni à faire ! Remontez-moi ce bâtis. Vous ne voulez quand même pas que l’on fasse du Paul Poiré chez Chanel !"

Dès la première scène du spectacle, le ton est donné concernant la personnalité de Gabrielle Bonheur Chasnel ; et les différentes évocations de sa vie qui s’enchaînent embarquent délicieusement le public, sans temps mort, et avec grande maestria de la part des deux comédiens, des trois comédiennes et du pianiste.

Autour de la silhouette de Coco Chanel, omniprésente tout au long de la représentation, tel un pilier incontournable, vêtue de son fameux tailleur beige gansé de noir et sa cigarette aux doigts, les quatre autres comédiens et comédiennes virevoltent, changent de costumes et d’époque à vue et chantent avec talent sous les notes dissimulées, pourtant bien présentes de Jonathan Goyvaertz.

La mosaïque des moments de vie proposée est joliment fluide et nous offre un portrait mouvant et émouvant de la célèbre créatrice de mode, sans ostentation ni lyrisme… Juste l’essentiel de ce que les spectateurs et spectatrices doivent conserver d’elle (à moins d’avoir la chance d’être en possession d’une petite robe noire dans sa penderie ou d’un flacon de parfum n° 5 ) !

La dramaturgie est chronologiquement ballottée avec brio entre Diaghilev et le scandale du Sacre du printemps, l’abandon du père suite au décès prématuré de la mère, l’univers des forains, ses divers amours, son antisémitisme, le Front Populaire, sa célèbre boutique de la rue Cambron, ou encore le Ritz où elle avait sa propre suite.

Il y a dans ce spectacle comme quelque chose de cinématographique et les lumières de Luc Kiari y sont pour beaucoup.

C’est un bel hommage que Sophie Jolis rend ici à la célèbre couturière, tout en images attachantes et musicales.

"Mademoiselle Gabrielle Chanel"

© CEJ Production.
© CEJ Production.
Livret et dramaturgie : Sophie Jolis et Hélène Darche.
Autrice-compositrice : Sophie Jolis.
Mise en scène : Hélène Darche et Marie Simon.
Assistant mise en scène : Aurélien Houver.
Avec : Sophie Garmilla, Sophie Jolis, Julia Salaün, Antoine de Giuli, Guillaume Nocturne et Jonathan Goyvaertz (pianiste).
Lumières : Luc Kiari.
Costumes : Marion de Matauco.
Spectacle musical à partir de 10 ans.
Production : Compagnie Croc-en-Jambe.
Durée : 1 h 15.

•Avignon Off 2024•
Du 3 au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 14 h 40. Relâche le mardi.
Théâtre La Condition des Soies, 13, rue de la Croix, Avignon.
Réservations : 04 90 22 48 43.
>> conditiondessoies.com

Brigitte Corrigou
Lundi 29 Avril 2024

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À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024