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Avignon 2024

•Off 2024• "Le journal d'une femme de chambre" Quand une "seule en scène" redore et condense joliment l'ouvrage initial

Le 14 septembre 1898, Célestine R., jeune femme de chambre, prend sa nouvelle place de domestique, au Mesnyl-Roy en Normandie, dans une famille bourgeoise et décide de tenir son journal en se promettant de n'employer aucune réticence, pas plus vis-à-vis d'elle que des autres, notamment ses employeurs.



© Philippe Hanula.
© Philippe Hanula.
Observant ses maîtres par le petit trou de la serrure, fouillant dans le linge sale, elle nous dévoile, derrière le masque de respectabilité de tout ce petit monde, un profond cloaque empli de bassesses et de laideur morale, de misère affective et sexuelle, de vilenies, mesquineries, cruautés, fourberies, tant des maîtres que des serviteurs, de turpitudes sociales et politiques, de perversions et dépravations en tous genres et autres ignominies.

Entreprise de démolition et de démystification, ce roman nous révèle l'envers du décor et nous amène à faire nôtre le constat vengeur de Célestine : "Si infâmes que soient les canailles, ils ne le sont jamais autant que les honnêtes gens".

Certes, le résumé ci-dessus est une parfaite vitrine de ce célèbre roman écrit par Octave Mirbeau et publié en 1900. Pourtant, le choix de Patrick Valette, metteur en scène, auteur et directeur de la Compagnie l'Escabotée, s'est porté exclusivement sur le prisme particulier de l'identité féminine incarnée dans le roman par Célestine, cette employée de maison battante, lucide face aux choses de sa vie et profondément sensible.

© Philippe Hanula.
© Philippe Hanula.
Pas de circonstances atténuantes pour la gent masculine dans cette adaptation, mais un très bel hommage à la femme, à ses combats opiniâtres, ses abnégations, ses sacrifices.

Comment ne pas avoir cerné, à ce point, le combat de cette femme lors de nos études universitaires en littérature comparée et comment être passée à côté de ce qui constitue de toute évidence la substantifique moelle du roman : le cri d'une femme engluée dans un ordre social dévastateur dont les rêves et l'amour permettent de tenir debout et de se battre ! Une chambrière, le double de Mirbeau s'il en est, à travers laquelle le romancier va réaliser l'objectif qu'il s'était fixé dès 1877 : obliger la société "à regarder Méduse en face" et à "prendre horreur d'elle-même".

Quel magnifique travail d'adaptation réalisé là par Patrick Valette. On se dit qu'il a dû être considérable. Mais une adaptation pour le théâtre n'est rien bien entendu, aussi brillante soit-elle, tant qu'elle n'est pas incarnée par les comédiens et les comédiennes…

© Philippe Hanula.
© Philippe Hanula.
Ici, de comédienne, il n'y en a qu'une sur scène, Dorothée Hardy, formidablement convaincante dans son rôle de femme, proie de la laideur morale du bourgeois et plus globalement de l'humanité toute entière, esclave de la domesticité et du regard des mâles. Il est fort probable qu'Octave Mirbeau serait fier de cette pièce à voir ainsi évoluer ainsi son personnage dans la misère affective et sexuelle.

Dorothée Hardy en Célestine rit beaucoup. D'aucuns(es) ont reproché à cette direction d'acteurs un trop-plein dérangeant et redondant. Mais il n'en est rien. Le rire de la comédienne, particulièrement sensible et superbement interprété, accorde à son personnage un geste libératoire et ô combien émancipateur.

"Célestine Mirbeau" aurait très bien pu être la lanceuse d'alerte du mouvement "Me Too" ou de "Balance ton porc" tant la mise en scène et l'interprétation de Dorothée Hardy, portée par l'adaptation de Patrick Valette, sonnent juste.

© Philippe Hanula.
© Philippe Hanula.
Derrière la simple figure féminine soumise, qui est une femme purement et simplement, la pièce qui se joue au Verbe Fou met aussi en exergue le thème du domestique, être déclassé, de son instabilité (les femmes de chambre sont ballottées de place en place, au gré des caprices des maîtres et des employeurs), humiliées comme du cheptel, aliénées idéologiquement. De nombreux exemples contemporains pourraient abonder largement dans ce sens. "Et dire qu'il existe une ligue de défense des droits des animaux".

"Le Journal intime d'une femme de chambre", à l'affiche du Théâtre de la Tache d'Encre, nous offre, en ce 58ᵉ festival Off, une remarquable adaptation du roman de Mirbeau.

Courez-y. Vite, vite avant qu'il ne soit trop tard…

"Le journal d'une femme de chambre"

© Philippe Hanula.
© Philippe Hanula.
Texte : Patrick Valette, d'après Octave Mirbeau.
Mise en scène : Patrick Valette.
Avec : Dorothée Hardy.
À partir de 12 ans.
Durée : 1h 05.
Par la Compagnie l'Escabotée.

•Avignon Off 2024•
Du 29 juin au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 15 h. Relâche le mardi.
Théâtre de la Tache d'Encre, Salle du Rat, 1, rue de la Tarasque, Avignon.
Réservations : 04 90 85 97 13.
>> latachedencre.com/

Brigitte Corrigou
Lundi 24 Juin 2024

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
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•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

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© Philippe Hanula.
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Gil Chauveau
26/03/2024