La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2024

•Off 2024• "Le Radeau de la méduse" Traverser l'histoire de l'œuvre, entre érudition finement dosée et jeu théâtral maîtrisé

Grâce à une drôle de conférencière, plutôt autoritaire et désabusée, mais pleine d'humour, découvrez les secrets de ce gigantesque tableau du Louvre qui choqua et ébranla le trône en 1819, sous le règne de Louis XVIII. Revivez parallèlement les bouleversements artistiques et politiques du début du XIXe siècle.



© Yann Etesse.
© Yann Etesse.
Décidément, le théâtre en a du pouvoir ! Ce n'est pas le Festival d'Avignon qui nous dira le contraire. Pouvoir notamment de nous émerveiller, encore et encore, d'élargir nos connaissances, de nous émouvoir jusqu'aux larmes, de nous faire rire, ou aussi de nous enrager, parfois.

Ce n'est pas non plus le spectacle d'Alexandre Delimoges, interprété par Anne Cangelosi, qui le démentira. Car on en apprend des choses durant ces soixante minutes de "spectacle conférence" centrées sur l'analyse exhaustive du célèbre tableau "Le Radeau de la méduse" de Géricault. C'est en effet un flot d'informations qui nous submerge, semblable à l'énorme vague présente en arrière-plan du tableau.

"Le déferlement d'une vague, c'est terrible ! Qui maîtrise une vague dévastatrice ? Le choc ! Sauve qui peut". Alors, trop d'informations, me direz-vous ?

© Yann Etesse.
© Yann Etesse.
Que nenni ! Cette conférence, menée de main de maître par Anne Cangelosi, "Croix de la Légion des Arts et Lettres, Chevalier, Princesse troubadour", cheveux courts grisonnants et grandes lumières carrées, est un moment de théâtre remarquable à plusieurs niveaux. Ce seul(e) en scène interactif avec le public, "déjà conquis, déjà sous le charme", censé décrocher son "Diplôme du Radeau de la méduse", est pensé de façon tout à fait érudite, et se construit sur un fil conducteur pour le moins original : "où sont les femmes ?".

Le texte d'Alexandre Delimoges, interprété brillamment par Anne Cangelosi, mêle références historiques, circonstances créatives du tableau, évocations biographiques, digressions contemporaines et personnelles fines et intelligemment dosées. Tout simplement ! Enfin, c'est une expression ! Car rien n'est simple au Théâtre, surtout lorsqu'on doit jouer seule sur le plateau pendant une heure, sans que le public ne s'ennuie une seconde.

Qui plus est, l'écriture de la pièce est construite avec panache et érudition, ce qui confère à ce spectacle une grande qualité théâtrale. Tout comme la lumière au plateau, en phase avec le clair-obscur de la toile.

Le processus créatif nous a toujours passionné et avouons qu'ici, c'est particulièrement le cas ! L'auteur de la pièce est un passionné d'Histoire. Comédien, metteur en scène et aussi producteur, il dirige le Théâtre "Le Bout et l'École" du one-man-show à Paris et a reçu le Prix du Meilleur auteur en 2018 au Festival d'Avignon pour sa pièce "Gustave Eiffel, en fer et contre tous".

Quant à Anne Cangelosi, que nous avons déjà vu jouer dans un spectacle d'un tout autre genre "On est tous le vieux de quelqu'un", avec laquelle il collabore régulièrement, elle a reçu plusieurs prix dont celui du "Coup de Cœur" de l'Académie française.

Comment se sont-ils rencontrés, ces deux-là ? Qui a charmé l'autre en premier ? Combien de temps a duré l'écriture ? Peu importe après tout, parce que ce duo mérite de continuer à œuvrer ensemble, longtemps, pour nous séduire et nous enthousiasmer.

Quant à Géricault, il naît en 1791, grandit à Paris et est passionné par la folie, l'horreur, les cadavres qu'il ramène de la Salpêtrière jusqu'à son atelier pour s'en inspirer. À sa mort, il n'aura pas vendu une seule de ses grandes toiles, mais aura obtenu la notoriété grâce au "Radeau" qui a été perçu à l'époque comme une image de la France naufragée !

La maîtrise du jeu hors pair d'Anne Cangelosi, l'érudition finement dosée de l'écriture d'Alexandre Delimoges, associées à cet extraordinaire tableau de Géricault, fera à coup sûr de ces soixante minutes de spectacle un temps fort du Off d'Avignon, lequel se déroulera cette année en plein cœur d'un autre possible naufrage pour notre si beau pays…

"Le Radeau de la méduse"

© Yann Etesse.
© Yann Etesse.
Seule en scène.
Texte : Alexandre Delimoges.
Mise en scène : Alexandre Delimoges.
Avec : Anne Cangelosi.
Régie : Robert Kiener.
Compagnie Bienvenue à Cajar !
Tout public à partir de 9 ans.
Durée : 1 h 10.

•Avignon Off 2024•
Du 29 juin au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 11 h 30. Relâche le mardi.
Espace Roseau Teinturiers, Salle Nicolas Gogol, 45, rue des Teinturiers, Avignon.
Réservations : 04 84 51 26 44.
>> espaceroseauteinturiers.fr

Brigitte Corrigou
Mardi 2 Juillet 2024

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

"Différente" est en réalité la maturation de plusieurs années de cabarets et de spectacles où Carolina chante pourquoi et comment elle est devenue une star internationale tout en traversant sa vie avec sa différence". Miguel-Ange Sarmiento.

Brigitte Corrigou
08/11/2024
Spectacle à la Une

"Tout va très bien !" Le Grand Orchestre du Splendid, bon pied bon œil, revient avec de la musique sur tous les fronts

Voir les choses en grand tout en restant léger ! Prendre du plaisir et, surtout, en donner ! Voilà la philosophie du Grand orchestre du Splendid qui régale le public depuis 1977. Bientôt 50 ans… Bientôt le jubilé. "De la musique avant toute chose" et vivre, vivre, vivre…

© Aurélie Courteille.
En 1977, quelques amis musiciens professionnels se retrouvent entre eux et décident de s'amuser en réinterprétant des classiques tels que ceux de Ray Ventura ou de Duke Ellington. Ce qui ne devait être qu'un plaisir entre copains devient vite un succès immédiat qui dure depuis presque 50 ans. Mais quel est donc le secret de cette longévité entre rythmes endiablés, joyeuses cadences et show totalement désopilants ?

Ne le leur demandez pas ! Ils ne vous en diront rien… Si tant est qu'ils le sachent eux-mêmes, tant cette énergie semble ancrée en eux depuis toutes ces années, indéfectible, salvatrice et impérissable.

Entre swing, jazz, salsa, reggae – quatre de leurs principales influences –, ou encore fiesta et mises en scène délirantes, les quatorze chanteuses et musiciens de l'Orchestre mythique enchantent le public, sur la scène du Café de la Gare, depuis le 11 novembre. Comme à leurs premières heures, et en échappant pourtant aux codes et impératifs de la mode, ils nous donnent irrésistiblement envie de monter sur scène pour danser à leurs côtés sur le plateau, frétiller, sautiller, et tout oublier l'espace de quelques instants. Leur énergie communicative est sans failles, et gagne sans commune mesure toutes les générations. Les cuivres étincellent. Les voix brillent de mille feux sonores.

Brigitte Corrigou
13/11/2024
Spectacle à la Une

"Jacques et Chirac" Un "Magouille blues"* décapant et burlesque n'occultant pas le mythe du président sympa et séducteur

Une comédie satirique enjouée sur le pouvoir, le mensonge et la Cinquième République portée par une distribution tonitruante et enthousiaste, dégustant avec gourmandise le texte de Régis Vlachos pour en offrir la clownesque et didactique substantifique moelle aux spectateurs. Cela est rendu aussi possible grâce à l'art sensible et maîtrisé de l'écriture de l'auteur qui mêle recherche documentaire affinée, humour décapant et bouffonnerie chamarrée pour dévoiler les tours et contours d'un Jacques sans qui Chirac ne serait rien.

© Fabienne Rappeneau.
Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

Le président disparu en 2019 fut un homme complexe composé du Chirac "bulldozer" en politique, menteur, magouilleur, et du Jacques, individu affable, charmeur, mettant autant la main au cul des vaches que des femmes. Celui-ci fut d'abord attiré le communisme pour ses idéaux pacifistes. Il vendra même L'Humanité-dimanche devant l'église Saint-Sulpice.

La diversité des personnalités importantes qui marquèrent le début de son chemin politique joue tout autant la complexité : Michel Rocard, André Malraux et, bien sûr, Georges Pompidou comme modèle, Marie-France Garaud, Pierre Juillet… et Dassault comme portefeuille ! Le tout agrémenté de nombre de symboles forts et de cafouillages désastreux : le bruit et l'odeur, la pomme, le cul des vaches, les vacances à l'île Maurice, les amitiés avec les despotes infréquentables, l'affaire ELF, etc.

Gil Chauveau
03/11/2024