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Avignon 2024

•Off 2024• "La Supplication", suite infinie du drame humain de Tchernobyl

Dans moins de deux petites années, on fêtera les quarante ans de l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl survenue le 26 avril 1986. Peut-être qu'alors, on se demandera ce que sont devenues les victimes de la catastrophe. Ceux qui sont morts très rapidement à cause des radiations, ceux qui sont morts quelque temps plus tard à cause des conséquences des irradiations, ceux, encore plus tard qui sont nés difformes ou atteints de maladies graves, leucémies ou autres et qui ne vécurent pas assez pour voir le monde s'en foutre, et puis les survivants, ceux que l'on a expulsés de force de leur maison, ceux qu'on a exilés et ceux qui sont revenus vivre dans la "zone interdite".



© Laurent Schneegans.
© Laurent Schneegans.
Svetlana Alexievitch interroge ces survivants, les force à raconter parfois, leur donne toujours la parole pour que leur histoire devienne partie intégrante de l'Histoire mondiale, et plus particulièrement l'histoire des carnages et des massacres cachés de l'ère industrielle, du progrès et de la science. Sans ces témoignages qu'elle a regroupés au sein de plusieurs livres, le grand bâillon des états aurait enterré ce pan de l'histoire mondiale, comme elle a cru le faire avec le sarcophage de béton dont ils ont recouvert Tchernobyl.

Cette parole individuelle du drame collectif est comme un petit chalumeau brandi contre la chape de béton dont nos sociétés recouvrent ce drame. Elle brûle cette fois sur la scène de la Chapelle du Verbe Incarné grâce aux bouches de Lolita Monga et d'Olivier Corista pour lutter contre cet oubli. Les deux interprètes témoignent, en se glissant chacun son tour dans la peau des différents personnages du texte de Svetlana Alexievitch.

Au sol, un grand cercle obscur, fait de granulats, symbolise la terre brûlée, les cendres, la vie tuée de la zone interdite. Les deux interprètes vont évoluer dans et autour de ce cercle dans une atmosphère lumineuse dure, qui dessine les traits au scalpel.

© Laurent Schneegans.
© Laurent Schneegans.
Chacun scande ses témoignages, sans concession à l'apitoiement, avec la précision de flèches filant droit vers la cible. Des témoignages qui, tous, rendent compte de l'inhumain traitement qui a été infligé aux humains des environs de Tchernobyl et au sort définitif des ouvriers et des pompiers qui intervinrent pour circonscrire la catastrophe.

La mise en scène de Guy-Pierre Couleau met tout en œuvre pour que cette parole dure, mais nécessaire, fasse sens. L'interprétation est privilégiée et le metteur en scène s'appuie sur les qualités d'incarnation, de jeu et d'élocution de Lolita Monga et d'Olivier Corista qui sont ainsi mis en avant. À cela, il y ajoute une violoncelliste qui suit mot à mot, respiration après respiration les deux interprètes, insistant parfois sur le drame, donnant parfois des temps de pure musique qui permet au public de prolonger l'imaginaire provoqué par les récits, et parfois, le tempo marqué, le rythme saccadé, rend compte de la marche implacable du malheur.

Pourtant, rien n'est triste. C'est la vie, et sa tragédie, qui brille dans ce spectacle. La vie blessée, bafouée, mais aussi la résistance au pouvoir et à l'oubli.
◙ Bruno Fougniès

"La Supplication"

© Laurent Schneegans.
© Laurent Schneegans.
Texte : Svetlana Alexievitch, prix Nobel de Littérature 2015.
Traduction : Galia Ackerman et Pierre Lorrain.
Adaptation : Lolita Monga.
Mise en scène : Guy-Pierre Couleau.
Assistante à la mise en scène : Julie R'Bibo.
Avec : Olivier Corista, Lolita Monga, Mélanie Badal ou Elsa Guiet.
Violoncelle : Elsa Guiet.
Scénographie : Valérie Foury.
Lumière : Laurent Schneegans.
Musique : Mélanie Badal.
Vidéo : Johann Fournier.Johann.
Compagnie Lolita Monga.
À partir de 14 ans.
Durée : 1 h 30.

•Avignon Off 2024•
Du 5 au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 21 h 35. Relâche le lundi.
Chapelle du Verbe Incarné, Salle Édouard Glissant, 21, rue des Lices, Avignon.
Réservations : 04 90 14 07 49.
>> verbeincarne.fr

Bruno Fougniès
Lundi 15 Juillet 2024

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"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

"Différente" est en réalité la maturation de plusieurs années de cabarets et de spectacles où Carolina chante pourquoi et comment elle est devenue une star internationale tout en traversant sa vie avec sa différence". Miguel-Ange Sarmiento.

Brigitte Corrigou
08/11/2024
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"Tout va très bien !" Le Grand Orchestre du Splendid, bon pied bon œil, revient avec de la musique sur tous les fronts

Voir les choses en grand tout en restant léger ! Prendre du plaisir et, surtout, en donner ! Voilà la philosophie du Grand orchestre du Splendid qui régale le public depuis 1977. Bientôt 50 ans… Bientôt le jubilé. "De la musique avant toute chose" et vivre, vivre, vivre…

© Aurélie Courteille.
En 1977, quelques amis musiciens professionnels se retrouvent entre eux et décident de s'amuser en réinterprétant des classiques tels que ceux de Ray Ventura ou de Duke Ellington. Ce qui ne devait être qu'un plaisir entre copains devient vite un succès immédiat qui dure depuis presque 50 ans. Mais quel est donc le secret de cette longévité entre rythmes endiablés, joyeuses cadences et show totalement désopilants ?

Ne le leur demandez pas ! Ils ne vous en diront rien… Si tant est qu'ils le sachent eux-mêmes, tant cette énergie semble ancrée en eux depuis toutes ces années, indéfectible, salvatrice et impérissable.

Entre swing, jazz, salsa, reggae – quatre de leurs principales influences –, ou encore fiesta et mises en scène délirantes, les quatorze chanteuses et musiciens de l'Orchestre mythique enchantent le public, sur la scène du Café de la Gare, depuis le 11 novembre. Comme à leurs premières heures, et en échappant pourtant aux codes et impératifs de la mode, ils nous donnent irrésistiblement envie de monter sur scène pour danser à leurs côtés sur le plateau, frétiller, sautiller, et tout oublier l'espace de quelques instants. Leur énergie communicative est sans failles, et gagne sans commune mesure toutes les générations. Les cuivres étincellent. Les voix brillent de mille feux sonores.

Brigitte Corrigou
13/11/2024
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"Jacques et Chirac" Un "Magouille blues"* décapant et burlesque n'occultant pas le mythe du président sympa et séducteur

Une comédie satirique enjouée sur le pouvoir, le mensonge et la Cinquième République portée par une distribution tonitruante et enthousiaste, dégustant avec gourmandise le texte de Régis Vlachos pour en offrir la clownesque et didactique substantifique moelle aux spectateurs. Cela est rendu aussi possible grâce à l'art sensible et maîtrisé de l'écriture de l'auteur qui mêle recherche documentaire affinée, humour décapant et bouffonnerie chamarrée pour dévoiler les tours et contours d'un Jacques sans qui Chirac ne serait rien.

© Fabienne Rappeneau.
Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

Le président disparu en 2019 fut un homme complexe composé du Chirac "bulldozer" en politique, menteur, magouilleur, et du Jacques, individu affable, charmeur, mettant autant la main au cul des vaches que des femmes. Celui-ci fut d'abord attiré le communisme pour ses idéaux pacifistes. Il vendra même L'Humanité-dimanche devant l'église Saint-Sulpice.

La diversité des personnalités importantes qui marquèrent le début de son chemin politique joue tout autant la complexité : Michel Rocard, André Malraux et, bien sûr, Georges Pompidou comme modèle, Marie-France Garaud, Pierre Juillet… et Dassault comme portefeuille ! Le tout agrémenté de nombre de symboles forts et de cafouillages désastreux : le bruit et l'odeur, la pomme, le cul des vaches, les vacances à l'île Maurice, les amitiés avec les despotes infréquentables, l'affaire ELF, etc.

Gil Chauveau
03/11/2024