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Avignon 2024

•Off 2024• "Arletty, un cœur très occupé" Une relation amoureuse contrariée dans laquelle se dévoile la liberté d'être et de penser

Juillet 1970. Un jeune journaliste, séduisant et sûr de lui, force Arletty, furieuse, à relire les courriers qu'elle a échangés pendant la guerre avec son bel officier allemand de dix ans de moins qu'elle, Hans Jürgen Soehring. Il est parvenu à pénétrer chez la célèbre comédienne en ayant malicieusement forcé la porte… Leur relation évoluera progressivement en mettant en lumière des instants à la fois historiques et intimes que la presse de l'époque a bien trop souvent falsifiés. Plus de six cents lettres intimes qui semblent ignorer la guerre. Une passion dévorante et exaltante.



© Benoit Delpech.
© Benoit Delpech.
Toute de blanc vêtue, svelte et très élégante dans un splendide tailleur-pantalon, Arletty, interprétée avec justesse par Béatrice Costantini, entre sur le plateau représentant un joli salon bien soigné. Blanc lui aussi. Rapidement, un second personnage y fait irruption : un jeune homme intrépide qui prend des photos avec énormément de culot.

Ce journaliste, c'est Damien Bennetot, un jeune comédien de 33 ans qui occupe la place avec une grande sincérité de jeu. Arletty a 72 ans, mais apparaît toujours aussi anticonformiste et vivant au gré de ses envies. Assez vite, au fil du spectacle, sa carapace de femme offusquée par l'intrusion de cet inconnu dans son salon se brise et elle va se révéler progressivement plus docile et peut-être encore amoureuse…

La relation subtile entre ces deux êtres est joliment éprouvée par la comédienne Béatrice Costantini dont on connaît la carrière exceptionnelle. Son interprétation d'Arletty est juste et savamment raffinée : des gestes mesurés aux allures de mannequin, un regard perçant qui transmet justement des émotions sincères et surtout une voix à se confondre avec celle de la comédienne, gouailleuse et mythique. Sans parler de son humour vif et bien présent qui fait souvent sourire, notamment quand elle s'adresse au jeune journaliste en le critiquant gentiment.
Le texte de Jean-Luc Voulfow, remarquablement écrit, est porté avec élégance par le duo de comédiens. Il est inspiré de la correspondance éditée au Cherche Midi et intitulée "Hélas, je t'aime".

© Benoit Delpech.
© Benoit Delpech.
Béatrice Costantini n'interprète pas Arletty. Elle est Arletty ! Sa silhouette fine et menue rend la grande Arletty plus fragile qu'elle semblait vouloir paraître et l'évolution de son personnage est progressivement sensible, extrêmement juste, notamment dans la scène finale où le spectateur ressent un torrent d'émotions, face à une femme vacillante semblable à une enfant troublée et émue.

Derrière la seule relation amoureuse contrariée Faune et Biche, la pièce aborde aussi plus subtilement d'autres thèmes comme la liberté d'être et de penser, la sexualité, le voyeurisme, l'hypocrisie. En un mot, une pièce profondément humaniste.

Certes, il s'agit d'une pièce romantique, mais l'écriture et l'interprétation des deux comédiens lui donnent à certains moments d'autres aspects.

"Arletty, un cœur très occupé"

Texte : Jean-Luc Voulfow.
Mise en scène : Jean-Luc Moreau.
Avec : Béatrice Costantini et François Nambot.
Lumières : Jacques Rouveyrollis.
Durée : 1 h 10.

•Avignon Off 2024•
Du 29 juin au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 18 h. Relâche le lundi.
Théâtre Les 3 S, 4, rue Buffon, Avignon.
Réservations : 04 90 88 27 33.
>> theatre3s.com

Brigitte Corrigou
Jeudi 2 Mai 2024

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024