La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2022

•Off 2022• "Semeurs de rêves" Une évocation du pouvoir des enfants et de leur possible force de conviction

Dans le village de Griseville, les habitants travaillent dur. C'est sans doute tout ce qu'ils savent faire. Leur communauté est bien réglementée. On ne doit rien y changer ! Ceux qui sortent des rails deviennent parjures et le serpent arrive à ses côtés sans jamais les quitter.



© TMT Photo.
© TMT Photo.
Un jour, deux étrangers un peu saltimbanques, un homme et une femme, arrivent dans le village, suscitant le mécontentement des Grisillois, adultes et enfants confondus et tous sans exception les rejettent d'emblée. On les considère comme "des romanichels, des utopistes, bref des parasites". Ces deux nouveaux arrivants découvrent une maison abandonnée, s'y installent et décident de lui redonner vie. Mais ces deux-là possèdent des graines de rêve qui contiennent la patience, le courage et la persévérance.

Ces graines parviendront-elles à transformer les habitudes sectaires et rigides des Grisillois ?

Lors du festival d'Avignon 2019, "Semeurs de rêves" a obtenu le prix de la jeune création de la région Sud et, toujours en 2019, le prix "Coup de pouce" du jury au festival Au bonheur des mômes en Haute-Savoie.

© TMT Photo.
© TMT Photo.
Un spectacle comme celui-ci, à 10 h 15 le matin, a toujours pour nous quelque chose d'enchanteur et de galvanisant. Notre longue expérience festivalière ne le démentira pas. Sans doute parce que la journée balbutie avant l'effervescence à venir que l'esprit s'éveille encore un peu dans les limbes du sommeil, prêt en tout cas à recevoir, à entendre, à se laisser guider. Simplement.

Ce fut le cas à nouveau en ce premier jour du festival d'Avignon et, à nouveau, nous n'avons pas été déçus(es). D'emblée, le spectateur est plongé dans les aventures des deux amis où les propos sérieux et largement "politiques" en filigrane n'étouffent pas la magie du conte, loin de là. Les enfants y prendront un plaisir incontestable, non sans s'interroger sur la raison pour laquelle des Grisillois laissent partir leurs veaux à l'abattoir ou encore (pour les plus éveillés peut-être) sur les raisons qui ont poussé une grand-mère à sacrifier sa vie en laissant de côté son amour de la chanson.

© TMT Photo.
© TMT Photo.
"Semeurs de rêves" est une forme quelque peu hybride qui ne dure que 55 minutes, mais on a la douce sensation d'avoir vécu une très longue histoire pleine de rebondissements. Le spectacle propose une esthétique fine entre un texte justement écrit et les arts mêlés conjuguant les marionnettes, le théâtre d'ombre, le film d'animation, le chant, la musique et la comédie.

Pas de revendications affichées de façon ostentatoire alors que portant, on y parle de préjugés, de conditionnements sociaux, de sexisme, de xénophobie ou encore de spécisme, d'alimentation vegan ou encore de la consommation de la viande.

Les plus jeunes spectateurs y découvriront un bien joli conte dans lequel le pouvoir des enfants et leur force de conviction sont nettement évoqués. Les adultes, quant à eux, y réfléchiront longtemps après et, si tant est qu'ils aient gardé leur âme d'enfant, ils passeront, eux aussi, une heure de spectacle poétique et magique sans se poser trop de questions sur les conditionnements sociaux envahissants pourtant évoqués.

© TMT Photo.
© TMT Photo.
"Semer des rêves, c'est impossible ! Pas sûr, répond la comédienne, il tient à chacun de semer sa graine à rêver et à continuer à la regarder pousser !"

La Compagnie Les Vagabonds des Étoiles et ses deux comédiens en Avignon, Charlotte Clément et Stefan Mandine, sont animés par une grande force de conviction. La scène, ils aiment ça et ils l'investissent avec brio pour notre plus grand plaisir.

Nous aurions bien aimé nous aussi, à la fin du spectacle, obtenir une de ces graines à rêver et quand la comédienne à la fin de la représentation nous a demandés quel était notre rêve personnel, nous sommes restés silencieux ! Ou alors, nous aurions dû suggérer que des spectacles comme celui-ci nous soient proposés plus souvent. Surtout par les temps que nous traversons…

"Semeurs de rêves"

© TMT Photo.
© TMT Photo.
Texte : Charlotte Clément.
Mise en scène : Charlotte Clément.
Avec : Charlotte Clément, Stefan Mandine.
Musiques originales et films d'animation : Stefan Mandine.
Décors et dessins : Benjamin Olinet.
Création lumières : Greg Mittelberger, Arnaud Bunel.
Par la Cie Les Vagabonds des Étoiles.
Pour toutes et tous à partir de 6 ans.
Durée : 55 minutes.

•Avignon Off 2022•
Du 7 au 30 juillet 2022.
Tous les jours à 10 h 15, relâche le mardi.
Théâtre de l'Étincelle, 14, place des Études, Avignon.
Réservation : 04 90 85 43 91.
>> festivaloffavignon.com

© TMT Photo.
© TMT Photo.

Brigitte Corrigou
Dimanche 10 Juillet 2022

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | À l'affiche ter


Brèves & Com


Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023