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Avignon 2022

•Off 2022• Naissance d'une figure historique… Angela Davis

Angela Davis n'est pas morte. Elle continue encore et encore son action contre les inégalités raciales, une implication commencée dans les années soixante. Elle est toujours une voix qui s'entend à bientôt 80 ans. Mais, en réalité, Angela Davis est devenue une icône pour toujours, à l'égal de Martin Luther King (assassiné en 1969) et Malcolm X (assassiné en 1965), elle ne mourra jamais, elle fait partie de l'Histoire des États-Unis.



© Jérémie Levy.
© Jérémie Levy.
Si ses deux prédécesseurs furent assassinés, Luther en 69, Malcolm en 65, Angela échappa de peu à une exécution elle aussi. Une exécution officielle pour celle qui fut la proie d'une traque du FBI sur tout le territoire américain : Angela Davis fait partie alors des dix criminels les plus recherchés aux USA, avec sur l'affiche de l'avis les mentions "armée et dangereuse". Arrêtée par la police après quelques mois de cavale, elle risque la peine de mort.

Le spectacle écrit par Faustine Noguès s'intéresse essentiellement à la période qui précède cette arrestation et ce procès. Il part de l'enfance d'Angela, de ses prises de conscience. Elle a 11 ans quand Rosa Park fait la une des journaux pour avoir refusé de s'asseoir dans les places réservées aux gens de couleur dans les bus. Mais sa conscience de la violence de la ségrégation raciale, elle l'a développé bien avant, juste en se promenant dans son quartier de la ville d'Alabama où elle est née. Là-bas, dans les années cinquante, le Ku Klux Klan sème la terreur et perpétue ses meurtres en toute impunité. Le KKK assassine, mais il dynamite également les maisons des Afro-américains ou les incendie régulièrement. Le collège où elle est scolarisée subit deux fois des incendies criminels.

© Jérémie Levy.
© Jérémie Levy.
À partir de cette enfance, le spectacle parcourt la progressive implication d'Angela Davis dans le mouvement américain des droits civiques. Après des études en France et en Allemagne, elle demande à retourner aux États-Unis où elle milite activement avec le Black Panther Party, parti politique qui organise des rondes armées pour protéger les Afro-américains lors de contrôles de police. Pourtant, si l'avis de recherche du FBI stipule qu'elle est une "criminelle armée et dangereuse", elle n'est en fait absolument pas impliquée dans les faits qui lui sont reprochés.

Ce sera la mobilisation nationale et surtout internationale, l'appui des intellectuels de l'époque et de nombreuses manifestations en Europe qui sauvèrent Angela Davis d'une condamnation tragique, une mobilisation qui la propulsa également dans la sphère des icônes du combat pour les libertés.

C'est par l'incarnation, le chant et la danse qu'Astrid Bayiha (en alternance avec Flora Chéreau) rend vivante cette biographie. Investie totalement dans le discours militant d'Angela Davis, la comédienne fait preuve d'une énergie et d'une conviction contagieuses. Elle est Angela, mais elle est aussi une femme actuelle qui tient à ne pas réduire l'icône à son mythe. La mise en scène Paul Desveaux ajoute à ce personnage des vidéos d'archives qui permettent de se plonger dans l'univers de cette époque et de réaliser la force de cette mobilisation qui sauva la peau d'Angela Davis.

"Angela Davis, une histoire des États-Unis"

© Jérémie Levy.
© Jérémie Levy.
Texte : Faustine Noguès, sur une idée originale de Paul Desveaux et Véronique Felenbok.
Texte publié chez Lansman Éditeur.
Mise en scène et scénographie : Paul Desveaux.
Assistante à la mise en scène : Ada Harb.
Avec : Astrid Bayiha en alternance avec Flora Chéreau.
Création et direction musicale, coaching chansons : Blade Alimbaye.
Lumière : Laurent Schneegans.
Images : Jérémie Lévy.
Régie générale : Johan Allanic ou Nil Elftouch.
Par la Compagnie L'héliotrope.
À partir de 12 ans.
Durée : 1 h.

•Avignon Off 2022•
Du 7 au 30 juillet 2022.
Tous les jours à 14 h, relâche le mercredi.
Théâtre des Halles, Salle de la Chapelle, rue du Roi René, Avignon.
Réservation : 04 32 76 24 51.
>> theatredeshalles.com

Tournée
20 et 21 septembre 2022 : Princeton, New Jersey (États-Unis).
30 septembre au 4 octobre 2022 : Massachusetts International Festival of the Arts (MIFA), Holyoke, Massachusetts (États-Unis).

Bruno Fougniès
Mardi 21 Juin 2022

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023