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Théâtre

Ode à l'amour, "Amore" repose comme une bulle de savon de tendresse au Rond Point

"Que peut une créature sinon entre créatures, aimer ? Aimer et oublier, aimer et malaimer, aimer, désaimer, aimer ? Aimer ce que la mer entraîne sur la plage, ce qu'elle ensevelit, et ce qui, dans la brise marine, est sel, besoin d'amour, pur tourment ? Aimer l'inhospitalier, l'âpre, un vase sans fleurs, un sol de fer, un oiseau de proie. Tel notre destin : amour sans limites. Aimer notre manque d'amour", d'après Carlos Drummond De Andrade.



© Luca Del Pia.
© Luca Del Pia.
Ce poème de Carlos Drummond De Andrade, dit ou chanté dans le spectacle (je ne sais plus), le représente presque dans son intégralité. Sa langue d'origine, le Portugais, est le berceau dans lequel Pippo Delbono l'a fait naître. Langues et images symboliques fortes et épurées sont les chevilles de cet habile enchevêtrement de textes poétiques, de musiques, de chants, de verbe italien mêlé au fado portugais.

Un seul thème, comme une seule chose définitive, finale et complète à exprimer, semble avoir mené l'inspiration du créateur italien hors normes qu'est Pippo Delbono : la nécessité impérative et vertigineuse d'aimer.

Amore en italien, amor en portugais, presque le même mot pour deux mélodies distinctes, mais qui vont raconter pendant un peu plus d'une heure ce besoin vital, sanguin, et cruel que l'homme et la poésie traversent depuis des lustres. C'est à un voyage qu'on nous invite, porté par la vibrante étreinte du fado, du Portugal jusqu'à l'Angola en passant par le Cap-Vert. Sur scène, les personnages semblent écrasés par des murs rouges hauts comme des falaises. Écrasés et contraints de se battre, de se grandir, de s'envoler pour exprimer les sentiments puissants et dévastateurs que les chants, les musiques et les mots des poètes disent.

© Luca Del Pia.
© Luca Del Pia.
Des images qui font ressortir toute la démesure de ces sentiments et la fragilité des corps et des créatures qui les ressentent. Sur le plateau nu, seul un arbre sec penche ses bois morts immobiles. Le soleil lui aussi, lançant ses traits au travers de persiennes géantes est comme une constante fusion.

À la troupe d'interprètes fidèles du metteur en scène se joignent, pour ce spectacle, d'autres artistes. Pedro Jóia, guitariste virtuose qui, de son instrument, seul, posé une simple chaise, développe des musiques vives comme des flammèches. Il accompagne parfois Miguel Ramos, élégant et droit comme un chanteur de charme, mais dont le fado ouvre les anciennes plaies du cœur. Et puis Aline Frazão, jeune chanteuse angolaise qui, dans un moment de vérité nue, raconte l'histoire de Belina, la seule chanson d'amour retrouvée désespérément dans les souvenirs des chants populaires de l'ancienne colonie portugaise.

C'est un moment à la fois doux et simple, bercé tout le long par la voix chuchotée de Pippo Delbono qui vient s'installer dès le début du spectacle avec les spectateurs, comme on partage, le temps d'une étape, la vision d'un paysage, d'un souvenir, d'une émotion.

"Amore"

© Luca Del Pia.
© Luca Del Pia.
Une création de Pippo Delbono.
Avec (Compagnia Pippo Delbono) : Dolly Albertin, Gianluca Ballarè, Margherita Clemente, Pippo Delbono, Ilaria Distante, Aline Frazão/Selma Uamusse, Mario Intruglio, Pedro Jóia, Nelson Lariccia, Gianni Parenti, Miguel Ramos, Pepe Robledo, Grazia Spinella.
Musiques originales : Pedro Jóia et compositeurs variés.
Décor : Joana Villaverde.
Costumes : Elena Giampaoli.
Lumières : Orlando Bolognesi et Alejandro Zamora.
Conseiller littéraire : Tiago Bartolomeu Costa.
Son : Pietro Tirella Et Giulio Antognini.
Chef machiniste : Enrico Zucchelli.
Responsable de projet au Portugal : Renzo Barsotti.
Assistante volontaire Susana Silverio.
Traduction surtitrage Marie Galey.
Durée : 1 h 20.
Spectacle en italien et portugais surtitré en français.
Créé le 28 octobre 2021 au Teatro Storchi Modena, Italie.

© Luca Del Pia.
© Luca Del Pia.
Du 6 au 18 septembre 2022.
Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche 18 à 15 h.
Théâtre du Rond Point,Salle Renaud-Barrault, Paris 8e, 01 44 95 98 21.
>> theatredurondpoint.fr

Tournée
5 octobre 2022 : Mess Festival 2022, Sarajevo (Bosnie Herzégovine).
15 octobre 2022 : MA - Scène Nationale, Montbéliard (25).
8 au 12 novembre 2022 : Teatro São Luiz, Lisbonne (Portugal).
15 et 16 novembre 2022 : Teatro Aveirense, Aveiro (Portugal).
24 au 27 novembre 2022 : Teatro Arena del Sole, Bologne (Italie).
7 au 10 décembre 2022 : Teatro Ivo Chiesa - Teatro Stabile di Genova, Gêne (Italie).
28 février au 5 mars 2023 Fonderie Limone - Teatro Stabile di Torino, Turin (Italie).
23 et 24 mars 2023 Théâtre Molière - Sène Nationale, Sète (34).
26 au 30 avril 2023 : Comédie de Genève, Genève (Suisse).
10 et 11 mai 2023 : Bonlieu Annecy, Annecy (74).

Bruno Fougniès
Lundi 12 Septembre 2022

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"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

"Différente" est en réalité la maturation de plusieurs années de cabarets et de spectacles où Carolina chante pourquoi et comment elle est devenue une star internationale tout en traversant sa vie avec sa différence". Miguel-Ange Sarmiento.

Brigitte Corrigou
08/11/2024
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Voir les choses en grand tout en restant léger ! Prendre du plaisir et, surtout, en donner ! Voilà la philosophie du Grand orchestre du Splendid qui régale le public depuis 1977. Bientôt 50 ans… Bientôt le jubilé. "De la musique avant toute chose" et vivre, vivre, vivre…

© Aurélie Courteille.
En 1977, quelques amis musiciens professionnels se retrouvent entre eux et décident de s'amuser en réinterprétant des classiques tels que ceux de Ray Ventura ou de Duke Ellington. Ce qui ne devait être qu'un plaisir entre copains devient vite un succès immédiat qui dure depuis presque 50 ans. Mais quel est donc le secret de cette longévité entre rythmes endiablés, joyeuses cadences et show totalement désopilants ?

Ne le leur demandez pas ! Ils ne vous en diront rien… Si tant est qu'ils le sachent eux-mêmes, tant cette énergie semble ancrée en eux depuis toutes ces années, indéfectible, salvatrice et impérissable.

Entre swing, jazz, salsa, reggae – quatre de leurs principales influences –, ou encore fiesta et mises en scène délirantes, les quatorze chanteuses et musiciens de l'Orchestre mythique enchantent le public, sur la scène du Café de la Gare, depuis le 11 novembre. Comme à leurs premières heures, et en échappant pourtant aux codes et impératifs de la mode, ils nous donnent irrésistiblement envie de monter sur scène pour danser à leurs côtés sur le plateau, frétiller, sautiller, et tout oublier l'espace de quelques instants. Leur énergie communicative est sans failles, et gagne sans commune mesure toutes les générations. Les cuivres étincellent. Les voix brillent de mille feux sonores.

Brigitte Corrigou
13/11/2024
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"Jacques et Chirac" Un "Magouille blues"* décapant et burlesque n'occultant pas le mythe du président sympa et séducteur

Une comédie satirique enjouée sur le pouvoir, le mensonge et la Cinquième République portée par une distribution tonitruante et enthousiaste, dégustant avec gourmandise le texte de Régis Vlachos pour en offrir la clownesque et didactique substantifique moelle aux spectateurs. Cela est rendu aussi possible grâce à l'art sensible et maîtrisé de l'écriture de l'auteur qui mêle recherche documentaire affinée, humour décapant et bouffonnerie chamarrée pour dévoiler les tours et contours d'un Jacques sans qui Chirac ne serait rien.

© Fabienne Rappeneau.
Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

Le président disparu en 2019 fut un homme complexe composé du Chirac "bulldozer" en politique, menteur, magouilleur, et du Jacques, individu affable, charmeur, mettant autant la main au cul des vaches que des femmes. Celui-ci fut d'abord attiré le communisme pour ses idéaux pacifistes. Il vendra même L'Humanité-dimanche devant l'église Saint-Sulpice.

La diversité des personnalités importantes qui marquèrent le début de son chemin politique joue tout autant la complexité : Michel Rocard, André Malraux et, bien sûr, Georges Pompidou comme modèle, Marie-France Garaud, Pierre Juillet… et Dassault comme portefeuille ! Le tout agrémenté de nombre de symboles forts et de cafouillages désastreux : le bruit et l'odeur, la pomme, le cul des vaches, les vacances à l'île Maurice, les amitiés avec les despotes infréquentables, l'affaire ELF, etc.

Gil Chauveau
03/11/2024