Sur le plateau trône un comptoir, comme une frontière, un no man’s land conjugal, où se situent de part et d'autre, à chacune de ses extrémités, deux êtres, Patxi et Marisol, dont on devine quasi instantanément, du fait de leur opposition géographique, qu'un fossé de plus en plus profond les sépare… et cela malgré la force magnétique de "l'impossible séparation" que l'on pressent aussi, assez rapidement, comme une trame discrète en arrière-plan.
Ce comptoir de bar, une petite volière, une chaise et un paravent constituent les uniques éléments d'une scénographie habitée par les deux comédiens. Un bar au milieu de nulle part, peut-être au milieu d'un désert, un endroit où personne ne vient, ou si rarement… Seuls eux deux, au seuil d'une inéluctable désunion dont on ne sait pas encore si celui-ci sera franchi.
Dans ce lieu a priori sans âme, à la chaleur ambiante lourde et pesante, elle boit des bières… indiennes ! Reliquat d'une commande passée dans des temps plus optimistes. Entre nos deux protagonistes, une incommunicabilité têtue semble régner... Lui, maître d'une seule action en position assise, inlassablement, élimine les mouches se trouvant à sa portée, elle, dans un monologue de femme lasse, nous dit ses rêves de départ, d'un potentiel ou imaginé amant qui l'emporterait vers un ailleurs meilleur.
Ce comptoir de bar, une petite volière, une chaise et un paravent constituent les uniques éléments d'une scénographie habitée par les deux comédiens. Un bar au milieu de nulle part, peut-être au milieu d'un désert, un endroit où personne ne vient, ou si rarement… Seuls eux deux, au seuil d'une inéluctable désunion dont on ne sait pas encore si celui-ci sera franchi.
Dans ce lieu a priori sans âme, à la chaleur ambiante lourde et pesante, elle boit des bières… indiennes ! Reliquat d'une commande passée dans des temps plus optimistes. Entre nos deux protagonistes, une incommunicabilité têtue semble régner... Lui, maître d'une seule action en position assise, inlassablement, élimine les mouches se trouvant à sa portée, elle, dans un monologue de femme lasse, nous dit ses rêves de départ, d'un potentiel ou imaginé amant qui l'emporterait vers un ailleurs meilleur.
Ses propos se teintent de réalisme cru, entre constats désabusés et vaines espérances, souvenirs heureux et vagues à l'âme, violences dites et non dites, et sont seulement ponctués du claquement des frappes chirurgicales sur les mouches orchestrées par Patxi. Ces coups percussifs, semblant au départ n'être qu'une action génocidaire envers la musca domestica, se révèlent être, au fur et à mesure des réflexions et des interpellations de Marisol, des formes de réponses, de réactions, à certains de ses propos.
Ce remarquable soliloque se profile alors comme une traversée d'une cruelle réalité, celle d'une relation intense et déchirante entre deux êtres que la vie, la routine, les concessions, les reniements, les projets non aboutis, les colères, les atteintes corporelles ont fini par user, celle par conséquence d'un commencement de rupture encore légèrement contrarié par les dernières respirations de l'amour.
Dans ce rôle particulier d'un échange avec un "destinataire" vocalement muet, Amélie Jardin s'avère parfaitement à l'aise, concentrée. Elle maîtrise parfaitement les variations émotionnelles de son texte, avec une tension contenue allant crescendo, donnant avec justesse les différentes facettes de son personnage qui navigue de l'espoir à la colère, de sentiments presque tendres aux reproches cinglants.
Ce remarquable soliloque se profile alors comme une traversée d'une cruelle réalité, celle d'une relation intense et déchirante entre deux êtres que la vie, la routine, les concessions, les reniements, les projets non aboutis, les colères, les atteintes corporelles ont fini par user, celle par conséquence d'un commencement de rupture encore légèrement contrarié par les dernières respirations de l'amour.
Dans ce rôle particulier d'un échange avec un "destinataire" vocalement muet, Amélie Jardin s'avère parfaitement à l'aise, concentrée. Elle maîtrise parfaitement les variations émotionnelles de son texte, avec une tension contenue allant crescendo, donnant avec justesse les différentes facettes de son personnage qui navigue de l'espoir à la colère, de sentiments presque tendres aux reproches cinglants.
Face à cela, Jean-Lou Garandel réussit, dans cette posture vocalement silencieuse, dans son non-interventionnisme verbal, à occuper le plateau, isolé dans sa bulle si particulière. Ici, ne rien dire devient un art et tuer des mouches semble être une partition musicale. Ce dernier, dans une constante concentration, donne une réelle consistance à Patxi.
Pour assurer cette configuration singulière, porter le phrasé tendu du texte de Thierry Châtillon, Caroline Bauduin fait le choix d'une mise en scène précise, inventive même dans les séquences désespérées ou désespérantes, respectant les variations de tons et l'intensité des sentiments exprimés par le personnage de Marisol – que retranscrit avec talent Amélie Jardin – et l'absence feinte de Patxi… parfaitement mise en "musique" par l’interprétation muette de Jean-Lou Garandel donnant la partition rythmique (claquements secs et lourds silences).
À travers ces personnages, ce drame conjugal, confrontant amour et désamour, parlant d'une forme de résilience même dans la violence, propose un mélange de réalisme désespéré et de rêves espérés, comme une analyse de la solitude ou, peut-être plus précisément, du sentiment de solitude, une des constantes structurantes de la vie.
◙ Gil Chauveau
Pour assurer cette configuration singulière, porter le phrasé tendu du texte de Thierry Châtillon, Caroline Bauduin fait le choix d'une mise en scène précise, inventive même dans les séquences désespérées ou désespérantes, respectant les variations de tons et l'intensité des sentiments exprimés par le personnage de Marisol – que retranscrit avec talent Amélie Jardin – et l'absence feinte de Patxi… parfaitement mise en "musique" par l’interprétation muette de Jean-Lou Garandel donnant la partition rythmique (claquements secs et lourds silences).
À travers ces personnages, ce drame conjugal, confrontant amour et désamour, parlant d'une forme de résilience même dans la violence, propose un mélange de réalisme désespéré et de rêves espérés, comme une analyse de la solitude ou, peut-être plus précisément, du sentiment de solitude, une des constantes structurantes de la vie.
◙ Gil Chauveau