La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Danse

Negotiation… entre hip-hop et khon

"Negotiation", Le Tarmac, Paris

Pour le festival "Faits d'Hiver", qui se déroule notamment au Tarmac, le khon, danse thaïlandaise, et le hip-hop sont réunis malgré leurs cultures et leurs origines différentes. Olé Khamchanla a réussi avec brio à trouver une assise commune à ces deux univers artistiques pour abattre toutes frontières et toutes distances.



© Christian Rausch.
© Christian Rausch.
Deux silhouettes se détachent de la scène accompagnées d'une musique au rythme presque cardiaque, régulier, suivie par une gestuelle où les saccades se transforment chez les danseurs en pulsations découplées, séquentielles du tronc vers tout le corps.

Le khon est une danse thaïlandaise, théâtrale avec port de masques et de costumes et, généralement, un chœur sur scène qui raconte les mythes indouistes du Ramakien*. Là, rien de tel. Le chœur et les costumes ont été délaissés.

Olé Khamchanla et Pichet Klunchun marient sur la même scène le khon et le hip-hop comme deux sœurs jumelles. Autant le khon est dans une disposition corporelle où les mouvements peuvent être plus arrondis avec une base des pieds plus assise au sol, les mains formant des virgules montantes, les bras toujours à distance dans un tempo qui peut être plus lent et une gestuelle parfois au ralenti, autant ceux du hip-hop sont à la fois dans l'ondulation et le "brisé" utilisant le tronc, les bras, les pieds, la tête de façon beaucoup plus rythmée. C'est autour de ces deux mondes artistiques qu'Olé Kamchanla propose une chorégraphie intégrant l'arrondi du hip-hop avec celui du khon, la gestuelle parfois tranchée de celle-ci avec les déplacements de celle-là.

© Nattapas Jirasatit.
© Nattapas Jirasatit.
Tout n'est qu'effleurements, secousses derrière une musique enveloppante où les pulsations corporelles semblent être le tempo. Les mouvements se décomposent autour du tronc et des bras en saccades. Puis ils deviennent plus amples, plus accentués comme pris par un vertige où le corps devient média d'expression, instrument.

Ainsi la gestuelle fait le lien entre saccades et ondulations, toujours fine et précise. Peu de grandes envolées, peu d'amplitude même dans les déplacements. Toujours discrète, soutenue, parfois très marquée, elle semble venir de l'extérieur mais prend sa source pourtant de l'intérieur, à la frontière de l'intime et de l'extime. Elle va du bas vers le haut comme une montée organique venue de l'arrière qui s'estompe ensuite sous l'influence d'un tempo qui ordonne le tout. Elle oscille autant vers des mouvements articulatoires "brisés" et une ondulatoire musculaire, donnant un sentiment de course contre la montre avec une mesure toujours régulière.

C'est beau, délicat et se regarde avec délectation.

* Le Ramakien est l'épopée nationale thaïlandaise. C'est une variante du Ramayana, l'épopée indienne, qui en conserve la trame narrative tout en la transposant dans un contexte géographique et culturel propre à la Thaïlande.

"Negotiation"

© Nattapas Jirasatit.
© Nattapas Jirasatit.
Laos/Thaïlande.
Direction artistique : Olé Khamchanla.
Chorégraphie et interprétation : Olé Khamchanla, Pichet Klunchun.
Lumières : Lise Poyol.
Musique : Léo Jourdain.
Scénographie : Lise Poyol, Léo Jourdain.
Production Le Tarmac.
Durée : 60 minutes.

Du 6 au 16 février 2018.
Du mardi au vendredi à 20 h.
Le Tarmac, Paris 20e, 01 43 64 80 80.
Réservations Faits d'hiver : 01 72 38 83 77.

Festival Faits d'hiver >> faitsdhiver.com

Tournée

© Nattapas Jirasatit.
© Nattapas Jirasatit.
13 mars 2018 : La Halle aux Grains - Scène nationale, Blois (41).
15 au 17 mars 2018 : L'Étincelle - Théâtre de la Ville, Rouen (76).
20 mars 2018 : Centre de développement chorégraphique de Toulouse/Midi-Pyrénées, en co-réalisation avec le Théâtre Sorano, Toulouse (31).
2 et 3 novembre 2018 : New Visions Arts Festival, Hong-Kong.

Tournée 2018-2019
Théâtre du Vellein, Villefontaine (38).
Chang Theater, Bangkok (Thaïlande).
Festival Fang Mae Khong, Vientiane (Laos).
Réseau des Instituts Français en Asie du Sud-Est.

Safidin Alouache
Jeudi 15 Février 2018

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024