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Théâtre

" Melone Blu" Est posée par le biais du théâtre la question centrale de la valeur

Dans "Melone Blu", conte écologique (et théâtral) de Samuel Valensi, les Felice Verduro exploitent, de père en fils, des ressources naturelles inépuisables. Ce Melone Blu, cette plante merveilleuse, cette panacée qui assure la richesse de toute la région. Ingénieux dans les méthodes, chacun de la lignée œuvre pour épargner du labeur à ses descendants. Accroissant et multipliant les savoir-faire et les profits. Jusqu'à caresser le rêve d'une machine universelle…



© Damien.
© Damien.
Pour le spectateur contemporain, la parabole est limpide. Dans cette pièce, il assiste aux développements de sa civilisation. Du chasseur-cueilleur, à l'exploitation, à la mécanisation, l'industrialisation, la commercialisation, la valorisation financière et à la spéculation.

L'histoire conduit jusqu'à l'épuisement de la ressource, jusqu'à la crise de manque avec ses effets violents sur les croyances acquises. Dans "Melone Blu" est racontée l'histoire d'une gent qui assoit son monopole et perd le sens de son point origine.

Le spectacle, dans son introduction, est travaillé dans un esprit de collectif de manière chorale très rythmée, avec à l'appui deux tréteaux de bois, un rideau de filins mouvants de bel effet. Mais au fur et à mesure du changement des générations, à l'apparition des personnages extérieurs à la famille (le politicien, le médecin, les ouvriers, le comptable), le rythme s'alentit. Quelquefois confus, le propos cède le pas à des facilités scéniques comiques.

© Damien.
© Damien.
Mais tel quel dans son ambition et la précision, la cohérence de son récit, le spectacle emporte l'adhésion, d'autant plus qu'au delà du représenté est posée par le biais du théâtre la question centrale de la valeur et ses différentes interprétations : valeur financière, valeur affective, valeur symbolique.

La troupe qui, dans son engagement de production, se montre concrète et active, et… optimiste, suggére qu'il est peut être nécessaire de changer une manière de valoriser et de compter.

Au moment où cet article est écrit, plus de cinq cents arbres ont déjà été plantés par les spectateurs pour compenser les dépenses en carbone. Cela ne peut que réjouir le public qui applaudit très fort.

"Melone Blu"

© Damien.
© Damien.
Écriture et mise en scène : Samuel Valensi.
Le texte est édité à l'Avant-Scène théâtre sous le titre "La Merveilleuse histoire de Melone Blu".
Avec : Brice Borg, Michel Derville, Paul-Éloi Forget, Emmanuel Lemire, Valérie Moinet, Alexandre Molitor, François-Xavier Phan, Maxime Vervonck.
Scénographie : Julie Mahieu, assistée de Capucine Brisset.
Costumes : Sabine Schlemmer, assistée de Nathalia Galina.
Création Lumières : Ludovic Heime et Julie Lorant.
Création musicale et sonore : Léo Elso et Julien Lafosse.
Création Motion Design : Alexandre David.
Communication : Laureen Bonnet.
Production : Cie La Poursuite du Bleu, Mehdi Boufous et Samuel Valensi, assistés d'Isabelle Trofleau.
Durée : 2 h sans entracte.

© Damien.
© Damien.
Du 3 au 22 septembre 2019.
Du mardi au samedi à 20 h, dimanche à 16 h.
Théâtre 13/Seine, Paris 13e, 01 45 88 62 22.
>> theatre13.com
>> lapoursuitedubleu.fr

Rencontres théâtralisées les dimanches après la représentation avec l'équipe artistique et des spécialistes reconnus des questions environnementales :
8 septembre : L'agriculture et l'alimentation comme leviers. Avec la participation de Pierre Pageot (Groupe SOS Transition Écologique) et de Florent Guhl (Agence BIO).
15 septembre : Le rôle de l'arbre. Avec la participation de Jules Castro (PUR Projet/Arbres d'Avenir). En partenariat avec Reforest'action.
22 septembre : en cours.

Jean Grapin
Jeudi 5 Septembre 2019

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023