La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Mataora" (2)… Voyage entre Histoire et espoir

"Mataora, la mémoire trouée", Théâtre du Soleil, Paris

Le Mataora est ce bateau qui a pu sauver, en décembre 1945, plus de deux cents passagers des heures sombres que vivait la Grèce. Hélène Cinque propose une mise en scène où l'Histoire cohabite avec le Présent et où les personnages se dédoublent entre deux époques.



© Danielle Aspis.
© Danielle Aspis.
La scène laisse apparaître un espace dans lequel cohabitent deux aires de jeux composées de mobiliers de bureau. Celles-ci deviennent, suivant l'action qui s'y déroule, lieux de répétition ou d'événements historiques. Nous sommes à la confluence de trois univers différents dans lesquels théâtre, Histoire et actualité politique se mêlent inexorablement.

Le seul élément scénique restant tout au long du spectacle est un mur situé en arrière-scène recouvert de photos de passagers du Mataora ainsi que de celles d'Octave Merlier, directeur de l'Institut français d'Athènes, et de son collaborateur, le secrétaire général Roger Milliex, qui ont conçu et planifié cette traversée.

Le Mataora est ce bateau néo-zélandais qui, parti de Grèce le 22 décembre 1945, a emporté avec lui près de 215 passagers, dont 140 boursiers sous l'égide des gouvernements français et anglais. Ils comprenaient entre autres des gens devenus philosophes, architectes, scientifiques, artistes et qui allaient devenir célèbres pour certains d'entre eux. Ils quittaient la Grèce pour fuir les heures sombres que vivait le pays, pour rejoindre Paris en débarquant à Tarente en Italie du Sud.

© Danielle Aspis.
© Danielle Aspis.
La pièce a un objectif résolument historique en retraçant l'Histoire de la Grèce avant, pendant et au sortir de la Seconde Guerre mondiale. La démarche est didactique en y présentant les tenants et les aboutissants historiques. Des photos et films documentaires viennent appuyer la pièce. Le parti pris d'Hélène Cinque, auteur et metteur en scène, est de mettre les comédiens en rapport direct avec le public en les intégrant directement dans la scénographie, celle-ci allant jusqu'au public et dans laquelle viennent se joindre des personnages.

Ainsi, les spectateurs prennent part, en tant que témoins "actifs", aux événements historiques qui se déroulent sur scène et dans lesquels les comédiens incarnent soit les personnages de la traversée du Mataora, soit des personnes aujourd'hui vivant les vicissitudes économiques actuelles de la Grèce. Ainsi, le jeu des comédiens oscille entre deux plans différents, celui d'un personnage des siècles dernier et actuel.

C'est aussi un lieu, la scène, qui est vu sous différents aspects. À la fois scène de répétition ou scène de représentation, celle-ci devient, sous ces différents éclairages, un lieu protéiforme où le comédien s'habille et se déshabille de ses personnages.

Le jeu des comédiens dans les scènes se revêt parfois d'une "théâtralité" grave ou humoristique qui sied bien à une époque où l'Histoire a marqué de son empreinte les événements. Les mouvements de groupe sont toutefois légèrement figés à l‘entame de la pièce mais prennent de l'ampleur par la suite.

C'est une pièce historique dont les photos et les films deviennent les dépositaires d'une époque qui se nourrit du Temps présent. Ils servent de maillons, de liens entre les personnages et les comédiens. L'Histoire fait corps avec l'histoire. Nous sommes ainsi entre réalité et fiction, documentaire et fable.

"Mataora, la mémoire trouée"

© Danielle Aspis.
© Danielle Aspis.
Création collective.
D'après "Le Voyage du Mataroa 1945 - Au miroir de la mémoire" de Nelly Andrikopoulou.
Traduction : Dimitris Alexakis, Cybèle Castoriadis.
Adaptation et mise en scène : Hélène Cinque.
Idée artistique et recherche : Elita Kounadi.
Avec : Cybèle Castoriadis, Dimitris Daskas, Pantelis Dentakis, Malamatenia Gotsi, Ioanna Kanellopouou, Elita Kounadi, Tatiana-Anna Pitta, Harold Savary, Yiorgos Stamos, Polydoros Vogiatzis.
Musique : Nikos Kypourgos.
Lumières : Vincent Lefèvre.
Son : Nicolas Roy.
Costumes : Georges Vafias.
Vidéo : Stylianos Pangalos.
Habillage et montage vidéos : Véronica Bonafé.
Durée : 1 h 35.

Du 10 au 28 décembre 2014.
Du mercredi au samedi à 20 h, le dimanche à 15 h.
Théâtre du Soleil, Cartoucherie, Route du Champ de Manœuvre, Paris 12e, 01 43 74 24 08.
>> theatre-du-soleil.fr

14, 15 et 16 janvier 2015 : Théâtre Liberté, Toulon (83).

Safidin Alouache
Mardi 23 Décembre 2014

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024