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Théâtre

Les utopistes anonymes font briller, comme un lapidaire, le fait des pierres fines et rares

"Le cercle des utopistes anonymes", Théâtre du Grand Parquet, Paris

Un rideau, trois caisses en bois. Une table. Une humble ampoule éclairée. Cela pourrait être un lieu de nulle part. Une utopie. Un lieu où, d'un commun et tacite accord, un musicien, une comédienne, un poète, réunis en un cercle des anonymes, parlent d'Utopies.



© Thierry Laporte.
© Thierry Laporte.
Dans le cercle des utopistes anonymes ourdi par Jean-Louis Hourdin, ce lieu de nulle part voit se réaliser la proposition d'un hasard d'art.

Avec la maladresse de tout bon cercle des anonymes, dans la naïveté et la bonne volonté de ses trois membres, le cercle devient un lieu de lieux communs et de pensées avortées, de pensées profondes qui s'enlacent comme autant de perles. De ces idées, de ces désirs de futurs et d'émancipation toujours déçus qui n'en finissent pas de hanter les rêves de l'Occident depuis Thomas More et dont le public présent est invité à constater la viduité. Les propositions rationalistes ou hédonistes de grands auteurs ou d'inconnus de comptoirs sont conduites au néant.

Eugène (Durif) dans le rôle d'Eugène Durif est en posture du médiateur, attentif, faussement niais et gentil. L'homme est rond. Son spectacle est apparemment amorphe. L'homme sobrement moqueur s'appuie sur le rebond de la parole qui s'impose à des silences pesants en limite d'une possible gêne. Il se comporte en sumo de la littérature, en sumo érudit. Les trois comparses distillent, instillent de concert de la beauté dans les aphorismes, les banalités, les absurdités qu'ils polissent, font briller, comme un lapidaire, le fait des pierres fines et rares.

Sans en avoir l'air, le cercle des utopistes anonymes reprend à son compte, subtilement et discrètement, les points de vue d'Aristophane et de Rabelais, anime un processus de mise en humour, de mise en bonne humeur préalable à tout bon moment de théâtre. Il prend le parti d'en rire avec le public en tout amour de la vie.

À déguster.

"Le cercle des utopistes anonymes"

© Thierry Laporte.
© Thierry Laporte.
Par la Compagnie l'Envers du décor.
Texte : Eugène Durif.
Mise en scène : Jean-Louis Hourdin.
Avec : Stéphanie Marc, Pierre-Jules Billon et Eugène Durif.

Du 9 avril au 3 mai 2015.
Jeudi, vendredi et samedi à 20 h et dimanche à 15 h.
Théâtre du Grand Parquet, Paris 18e, 01 40 05 01 50.
>> legrandparquet.net/

Jean Grapin
Lundi 20 Avril 2015

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© Pics.
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© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
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"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

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Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
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La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023