La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Les écrits de Mr Girardot de Nozeroy... Oyez, oyez !

"Les écrits de M. Girardot de Nozeroy", Théâtre Le Lucernaire, Paris

Christian Pageault présente en ce moment au Lucernaire (attention, plus que quelques dates), un spectacle bien surprenant basé sur les réflexions personnelles de Girardot de Nozeroy, né quelque 400 ans plus tôt. Un petit bijou, lu et interprété par un comédien remarquable.



© Isabelle Jobard.
© Isabelle Jobard.
Peu connu, même des spécialistes du XVIIe, Girardot de Nozeroy suscite une réelle curiosité. La modernité de ses écrits étonne, à tel point qu’on se demande comment ils ont pu rester jusqu’ici ignorés. Une découverte littéraire ? Une révolution philosophique ? Fort possible. En tout cas, Christian Pageault a entre les mains un inédit précieux d’un homme qui fait l’expérience de son corps à une époque où les philosophes considéraient celui-ci tout au plus comme une "machine automate" (rappelons-nous Descartes).

Au-delà de la qualité théâtrale indéniable avec laquelle est interprété ce texte (la mise à nu d’un comédien qui dit ces mots comme une douce respiration), et intriguée par tant de mystère et de modernité, il m’a fallu fouiller un peu dans la vie de ce Girardot de Nozeroy. Je n’ai trouvé presque aucun écrit de l’auteur à la BNF*, à l’exception de quelques chroniques de la guerre de Dix Ans. En revanche, on y trouve une "critique" anonyme et assez virulente du personnage (également homme public, car conseiller au parlement de Dole). En voici un extrait (péniblement déchiffré et dans le texte !) :

© Isabelle Jobard.
© Isabelle Jobard.
"Quant à la générosité qu’eust d’abord vostre illustre Compagnie d’admettre pour Conseiller Monsieur Girardot de Nozeroy, après toutes les assurances que vous en lui aviez données, je n’ay garde de trouver estrange qu’un si honneste homme se comporte de la sorte. Ses meschantes actions, par quoy qu’elles soient causées, et ses diableries d’escrits ne pouvant qu’être déplorées. Outre, ses révélations du corps en un certain état de sublimation ont de quoy faire de sa raison grandement douter. Est il fol ? Céans, il a été vu par son valet, nu dans son jardin, s’entretenant seul. La maladie l’aura assurément emporté."
et caetera, et caetera.

La plainte continue sur une page et demie. "Fol" ? Je ne crois pas. Un génie ignoré plutôt, un peu trop en avance sur son temps…
Et tel un chuchotement de mots sur une scène intimiste, le spectateur ressent comme un grand privilège à connaître les secrets de ce Monsieur Girardot de Nozeroy. Il s’en retourne chez lui, heureux de cette précieuse découverte.

*BNF : Bibliothèque Nationale de France.

"Les écrits de M. Girardot de Nozeroy"

© Isabelle Jobard.
© Isabelle Jobard.
Adaptation : Christian Pageault.
Avec : Christian Pageault.
Scénographie : Isabelle Jobard.
Lumière : Bernard Guyollot.
Regard extérieur : Antoine De La Roche et Jacques Brücher.

Du 28 août au 19 octobre 2013.
Du mardi au samedi à 18 h 30.
Théâtre Le Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34.
>> lucernaire.fr

© Isabelle Jobard.
© Isabelle Jobard.

Mercredi 9 Octobre 2013

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Le consentement" Monologue intense pour une tentative de récit libératoire

Le livre avait défrayé la chronique à sa sortie en levant le voile sur les relations pédophiles subies par Vanessa Springora, couvertes par un milieu culturel et par une époque permissive où ce délit n'était pas considéré comme tel, même quand celui-ci était connu, car déclaré publiquement par son agresseur sexuel, un écrivain connu. Sébastien Davis nous en montre les ressorts autant intimes qu'extimes où, sous les traits de Ludivine Sagnier, la protagoniste nous en fait le récit.

© Christophe Raynaud de Lage.
Côté cour, Ludivine Sagnier attend à côté de Pierre Belleville le démarrage du spectacle, avant qu'elle n'investisse le plateau. Puis, pleine lumière où V. (Ludivine Sagnier) apparaît habillée en bas de jogging et des baskets avec un haut-le-corps. Elle commence son récit avec le visage fatigué et les traits tirés. En arrière-scène, un voile translucide ferme le plateau où parfois V. plante ses mains en étirant son corps après chaque séquence. Dans ces instants, c'est presque une ombre que l'on devine avec une voix, continuant sa narration, un peu en écho, comme à la fois proche, par le volume sonore, et distante par la modification de timbre qui en est effectuée.

Dans cet entre-deux où le spectacle n'a pas encore débuté, c'est autant la comédienne que l'on voit qu'une inconnue, puisqu'en dehors du plateau et se tenant à l'ombre, comme mise de côté sur une scène pourtant déjà éclairée avec un public pas très attentif de ce qui se passe.

Safidin Alouache
21/03/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024