La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Les Fourberies de Scapin" Créativité et impertinence pour une version pleine de vie et revigorante

Jeunesse amoureuse, frondeuse et insoumise. Amour acté et signé sans consentement de leurs géniteurs et, en secours rusé mais généreux, l'homme Scapin au pedigree de valet futé donne la cadence de la danse. Dans un pur esprit de troupe, Emmanuel Besnault et une ribambelle de comédiens musiciens chanteurs nous prouvent, avec impétuosité et fraîcheur, l'intemporalité du texte de Molière.



© Philippe Hanula.
© Philippe Hanula.
Le répertoire n'a de cesse que d'être revisité, c'est son destin, son malheur ou son bonheur… Chacun apprécie en fonction de la proposition artistique. La pièce de Molière, "Les Fourberies de Scapin", en fait bien sûr partie. Et si j'allai un peu à reculons, bien que connaissant le jeune talent à l'œuvre, voir cette énième version, j'en revins fort satisfait tant le travail de cette jeune compagnie était riche de virtuosité et d'une joyeuse énergie.

D'entrée de jeu, la dynamique est impulsée par une introduction musicale et chantée avec un entrain qui donne immédiatement le tempo qui sera insufflé tout au long du spectacle. Cela est amplifié par une distribution astucieuse de la totalité des rôles à cinq comédiens, générant ainsi des passages de scènes rapides et fluides. Et l'option choisie, de faire jouer Argante (le père d'Octave) par le comédien (Schemci Lauth) interprétant Léandre et Géronte (le père de Léandre) par Manuel Le Velly qui joue également Octave, agit comme un exorcisme ludique et éminemment comique.

© Philippe Hanula.
© Philippe Hanula.
Seuls Scapin (Geoffrey Rouge Carrassat) - vif, au regard malicieux, malin et souple comme un acrobate - et Sylvestre (Benoît Gruel) sont interprétés par un seul acteur. Chacun, dans une fougue quasi juvénile, entretient le rythme effréné adopté sans jamais se départir de sa justesse de jeu et de diction. Seule femme de la partie, Deniz Turkmen (Hyacinthe, Zerbinette et Nérine) est rayonnante dans ses compositions et apporte une intelligence et un charme féminins à l'ensemble.

Le metteur en scène, Emmanuel Besnault, use ici avec intelligence et passion de son expérience* de la commedia dell'arte et de son amour pour les théâtres de troupe et de tréteaux. Ainsi, associant le jeu burlesque, celui des baladins, des amuseurs publics et autres saltimbanques ainsi que celui musical des troubadours, en une synthèse enthousiaste, il magnifie avec audace et un rien d'effronterie joviale le texte du sieur Molière.

Son approche scénique est généreuse et éminemment inscrite dans une cinématique joyeuse et inventive. Les trouvailles de mise en scène sont nombreuses et initient des intelligences de décors ou d'effets que l'on trouve rarement dans une jeune compagnie. La scène du sac et des coups de bâton est traitée de manière originale et invite le public à se retrouver embarqué, drapé, dans l'intimité de l'action. Une des idées fortes de celui-ci… qui, "après coups", fait mouche !

© Philippe Hanula.
© Philippe Hanula.
Cette proposition d'Emmanuel Besnault et de la compagnie L’Éternel Été agit comme une cure de jouvence... mais sans omettre de porter l'éclairage sur l'éternelle aventure, romancée ou pas, des amours entravés pour d'aussi éternelles futiles raisons familiales, religieuses, de classe ou d'États ; et sur les joutes universelles entre notre bienveillante humanité et nos attraits vénaux.
◙ Gil Chauveau

* Acquise entre autres avec le rôle d'Arlequin dans "Arlequin valet de deux maîtres" de Goldoni à la Comédie Italienne en 2013. Ce théâtre est le lieu de référence de la commedia dell'arte à Paris (et seul théâtre italien en France). Ce dernier, après avoir été contraint de fermer pour cause de difficultés financières dues à la baisse importante de ses subventions, tente de renaître, grâce à la vente de costumes et de quelques discrets mécènes, en proposant une création (d'après des textes d'auteurs italiens), "Les Délices du Baiser", depuis le 16 novembre 2016.

"Les Fourberies de Scapin"

© Philippe Hanula.
© Philippe Hanula.
Texte : Molière.
Mise en scène et scénographie : Emmanuel Besnault.
Avec : Matthieu Brugot ou Lionel Sautet ou Sylvain Lecomte, Victor Duez ou Valerio Zaina, Benoit Gruel ou Schemci Lauth ou Arthur Baratin, Manuel Le Velly ou Emmanuel Besnault, Chloé Zufferey ou Mélanie Le Duc.
Lumières : Cyril Manetta.
Régie : Emma Schler.
Par la Compagnie L’Éternel Été.
Durée : 1 h 20.
À partir de 10 ans.

Du 28 septembre 2024 au 5 janvier 2025.
Samedi à 14 h 30 et dimanche à 15 h.
Théâtre Lepic, Paris 18ᵉ, 01 42 54 15 12.
>> theatrelepic.com

Gil Chauveau
Mardi 27 Août 2024

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

"Bienvenue Ailleurs" Faire sécession avec un monde à l'agonie pour tenter d'imaginer de nouveaux possibles

Sara a 16 ans… Une adolescente sur une planète bleue peuplée d’une humanité dont la grande majorité est sourde à entendre l’agonie annoncée, voire amorcée diront les plus lucides. Une ado sur le chemin de la prise de conscience et de la mutation, du passage du conflit générationnel… à l'écologie radicale. Aurélie Namur nous parle, dans "Bienvenue ailleurs", de rupture, de renversement, d'une jeunesse qui ne veut pas s'émanciper, mais rompre radicalement avec notre monde usé et dépassé… Le nouvel espoir d'une jeunesse inspirée ?

© PKL.
Sara a donc 16 ans lorsqu'elle découvre les images des incendies apocalyptiques qui embrasent l'Australie en 2020 (dont l'île Kangourou) qui blessent, brûlent, tuent kangourous et koalas. Images traumatiques qui vont déclencher les premiers regards critiques, les premières révoltes générées par les crimes humains sur l'environnement, sans évocation pour elle d'échelle de gravité, cela allant du rejet de solvant dans les rivières par Pimkie, de la pêche destructrice des bébés thons en passant de l'usage de terres rares (et les conséquences de leur extraction) dans les calculettes, les smartphones et bien d'autres actes criminels contre la planète et ses habitants non-humains.

Puisant ici son sujet dans les questionnements et problèmes écologiques actuels ou récurrents depuis de nombreuses années, Aurélie Namur explore le parcours de la révolte légitime d’une adolescente, dont les constats et leur expression suggèrent une violence sous-jacente réelle, puissante, et une cruelle lucidité, toutes deux fondées sur une rupture avec la société qui s'obstine à ne pas réagir de manière réellement efficace face au réchauffement climatique, à l'usure inconsidérée – et exclusivement humaine – de la planète, à la perte de confiance dans les hommes politiques, etc.

Composée de trois fragments ("Revoir les kangourous", "Dézinguée" et "Qui la connaît, cette vie qu'on mène ?") et d'un interlude** – permettant à la jeunesse de prendre corps "dansant" –, la pièce d'Aurélie Namur s'articule autour d'une trajectoire singulière, celle d'une jeune fille, quittant le foyer familial pour, petit à petit, s'orienter vers l'écologie radicale, et de son absence sur le plateau, le récit étant porté par Camila, sa mère, puis par Aimé, son amour, et, enfin, par Pauline, son amie. Venant compléter ce trio narrateur, le musicien Sergio Perera et sa narration instrumentale.

Gil Chauveau
10/12/2024
Spectacle à la Une

"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
Spectacle à la Une

"R.O.B.I.N." Un spectacle jeune public intelligent et porteur de sens

Le trio d'auteurs, Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, s'emparent du mythique Robin des Bois avec une totale liberté. L'histoire ne se situe plus dans un passé lointain fait de combats de flèches et d'épées, mais dans une réalité explicitement beaucoup plus proche de nous : une ville moderne, sécuritaire. Dans cette adaptation destinée au jeune public, Robin est un enfant vivant pauvrement avec sa mère et sa sœur dans une sorte de cité tenue d'une main de fer par un être sans scrupules, richissime et profiteur.

© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024