La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Johnny Mangano and his astonishing dogs"... Une histoire de chien, d’art et d’amour

"Johnny Mangano and his astonishing dogs", Le Lucernaire, Paris

Le texte de Michel Tremblay traite d’une remise en question artistique, sociale et humaine. Harry Holtzman propose une mise en scène dans laquelle chants et guitare accompagnent le jeu de Catherine Le Goff et Frédéric Tellier.



© Ludovic Leleu.
© Ludovic Leleu.
Nous sommes dans les coulisses du Coconut Inn, cabaret musical, dans l’envers des paillettes, du music-hall et de la scène. Nous sommes dans l’antre des coulisses, dans un moment où Carlotta (Catherine Le Goff) prend conscience que son univers artistique n’est plus viable, socialement et humainement pour sa personne. Le rideau tombe sur cette vie et la porte s’ouvre vers un désir d’aller ailleurs, de faire une pause, de créer une rupture.

Pleine lumière sur Johnny Mangano (Frédéric Tellier), et sa compagne artistique, Carlotta. L’un est miroir inversé de l’autre, autant dans les costumes que dans le positionnement scénique. En effet, les couleurs vives des costumes habillent Johnny Mangano alors que les couleurs sont ternes et sombres pour Carlotta. L’un avers de l’autre, l’un opposé à l’autre face à leur situation artistique. Carlotta veut quitter définitivement la scène quand Mangano souhaite continuer.

Sur le plateau, les coulisses et la scène sont séparées par deux rideaux. Il y a un troisième personnage (Christine Moreau) incarnant l’aspect "cabaret" au travers du chant et de la guitare. Elle incarne aussi Kiki, le chien vedette du spectacle dont Johnny Mangano est épris, en le "mimant" par des vocalises.

Le jeu de Catherine Le Goff est bien ficelé. Elle puise dans un naturel et des ruptures de jeu de très bon acabit et verse dans différents sentiments même si prédomine une forme d’agacement et de colère rentrée. Calme, énervée, agacée, tendue, douce, compréhensible, révoltée, elle oscille entre différents niveaux d'émotions. Frédéric Tellier est légèrement moins naturel dans certaines répliques mais incarne avec justesse les différentes sensibilités, sentiments et autres non-dits. Son rapport à la scène est souvent en opposition par rapport à Catherine Le Goff. La position des deux personnages est antinomique. L’un est assis quand l’autre est debout. Ils ne sont presque jamais sur le même positionnement scénique.

L’histoire débute avant l’entrée sur scène des deux personnages quand Carlotta se remet en question et fait une mise au point sur sa vie, son rôle, sa fonction au sein de ce duo. C’est aussi, au travers de cette histoire, le rôle de la femme qui est débattu et dont elle ne prête que ses attributs féminins, à savoir ses jambes, dans ce spectacle au Coconut Inn.

© Ludovic Leleu.
© Ludovic Leleu.
La pièce n’est pas pour autant une critique sociale de la femme dans notre société même si le thème transparaît dans la pièce. Le ton oscille entre légèreté et gravité avec un drame social et amoureux au détour de chaque réplique. Nous sommes dans une tragi-comédie où la musique et le chant sont omniprésents.

Juste avant l’entrée en scène, le rêve est rattrapé par la réalité. Loin des lumières, dans la pénombre des coulisses, Carlotta revit son rêve à l’envers et voit, derrière le spectacle autour de Kiki, son "aliénation" à une situation qui fait d’elle un faire-valoir, une parenthèse artistique contaminée par les eaux fluviales d’une dure réalité. La pièce a été écrite en 1971 par Michel Tremblay, juste après une émancipation féminine qui allait tarder à porter tous ses fruits, même encore aujourd’hui.

Par une absurdité politique et sociale que notre devise nationale n’arrive pas encore à assumer aujourd’hui, les femmes ne sont pas considérées comme les égales des hommes. La pièce peut être vu autant sous un prisme politique, social, qu’artistique ou amoureux. Tout lâcher pour celui qu’on aime quitte à se déposséder… vaste question !

"Johnny Mangano and his astonishing dogs"

Texte : Michel Tremblay.
Adaptation : Marie-Line Laplante.
Mise en scène : Harry Holtzman.
Avec : Catherine Le Goff, Frédéric Tellier et Christine "Zef" Moreau (musique live).
Scénographie : Yvett Rotscheid.
Création lumières : Sylvain Séchet.
Costumes : Jean-François Castaing.
Théâtre du Lin.
Durée : 1 h.

Du 9 juillet au 13 septembre 2014.
Du mardi au samedi à 19 h.
Théâtre Le Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34.
>> lucernaire.fr
© Ludovic Leleu.
© Ludovic Leleu.

Safidin Alouache
Lundi 25 Août 2014

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024