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Festivals

Festival Trente Trente De la tendresse, de la fureur et de la drôlerie, une "scène trinité"

Festival à géométrie (gender) fluide, Trente Trente propose des parcours artistiques regroupant sur une même journée une pléiade de propositions. Dispatchées dans plusieurs lieux à rallier à pied, à vélo, en tramway, en automobile ou à planche à roulettes, chacun à sa guise pourvu qu'on ait l'ivresse, elles sont l'occasion de découvertes en tous points "déroutantes"… Le parcours Bordeaux-Le Bouscat du samedi 21 janvier regroupe quatre d'entre elles - "Le temps de rien", "Stylus Dust", "Mascarades", "Dans ma chambre, épisode 03" - lesquelles, de la douceur distillée à la drôlerie affûtée, en passant par la fureur "rappée", interpellent le(s) sens pour les mettre en fête.



"Le temps de rien" © Pierre Planchenault.
"Le temps de rien" © Pierre Planchenault.
"Le temps de rien", d'Ève Magot, nous fait vivre in situ une troublante expérience aux vertus sensorielles peu communes. Se retrouver seul(e), allongé(e) dans un dispositif de verre où, en surplomb, un(e) performeur(euse) donne à voir - en toute liberté, le consentement mutuel étant "au cœur" du contrat - son corps dénudé dessinant des arabesques aux lignes impeccablement chorégraphiées, renvoie à l'innocence des premiers âges. Un temps suspendu comme l'est le corps évoluant au-dessus de nous…

En faisant corps avec la plaque sensible révélant, par le biais d'un contact rapproché, le moindre carré de peau délicate, ce corps offert à nos regards vient à notre rencontre pour nous dire la beauté ingénue du partage. Un partage au parfum d'érotisme assumé, débarrassé des scories héritées du péché originel inventé par les religions monothéistes assimilant - en toute mauvaise foi - nudité, sexe et tentation coupable.

"Le temps de rien" © Pierre Planchenault.
"Le temps de rien" © Pierre Planchenault.
Avec grâce et naturel étudié, sans aucune ostentation ou provocation hors sujet, s'établit dès lors une connivence habitée par un sentiment de plénitude enivrante. Évoluant de manière aérienne ou collés comme sur une vitre de photocopieuse, les bras et jambes se déplient, les cheveux flottent au-dessus d'yeux grands ouverts, le ventre et les pointes de seins se font accueillants tout comme le cœur tatoué au creux de la poitrine et battant au rythme du nôtre.

Parfois même nos doigts se rejoignent, en viennent à s'entrelacer avec une douceur infinie, évoquant la création d'Adam par Michel-Ange ornant le plafond de La Chapelle Sixtine, création revue ici-bas par Ève (Magot). Et la femme créa l'homme… et vice versa, sans vice aucun. Un rêve éveillé aux vertus lénifiantes. Un hymne à la douceur retrouvée.

"Stylus Dust" © Pierre Planchenault.
"Stylus Dust" © Pierre Planchenault.
"Stylus Dust", de Marc Parazon, offre une immersion acoustique (et non moins visuelle) au pays des sons hérités. Un mythique Gramophone, au majestueux pavillon de cuivre trônant au-dessus d'une colonne abritant quatre platines vinyles nouvelle génération, se détache de la pénombre comme s'il émergeait en majesté des temps anciens pour venir jusqu'à nous, nous éblouissant de sa gloire atemporelle. L'aiguille sillonne en boucle la galette du 78 tours (fabriquée à l'origine avec un mélange de cire, d'ardoise et de résine animale) au rythme des saphirs parcourant les sillons de vinyle des 33 tours…

Craquements et crépitements - participant grandement au bonheur retrouvé des choses imparfaites - font entendre les tessitures singulières de musiques entrecoupées de voix humaines enregistrées et de leurs bruits parasites appartenant à un passé recomposé. Émouvante symphonie, réunissant dans le même espace-temps un antique précurseur et les platines "hifi", diffusée par des enceintes périphériques reliées au diffuseur central. Dispositif de haute technologie confiant à un automate contemporain le soin de "régler, comme du papier à musique", cette traversée d'un paysage sonore englobant les époques.

"Mascarades" © Pierre Planchenault.
"Mascarades" © Pierre Planchenault.
"Mascarades", de Betty Tchomanga, confronte le spectateur à une femme sirène au regard diabolique. Cheveux d'ébène relevés en somptueux chignons se superposant, le corps noirci allongé sur un catafalque tendu d'un plastique noir évoquant les eaux troubles d'où elle vient, elle plonge son regard scrutateur dans le nôtre, comme un défi à relever. Ses attitudes syncopées, ses sursauts vigoureux, ses tremblements nerveux, indiquent que le monde des hommes a plus à craindre qu'à désirer d'elle.

S'inspirant d'une figure aquatique du culte vaudou, Mami Wata, la chorégraphe interprète se lance sans "conter" dans des transes impérieuses, sautant inlassablement à la verticale sur ses deux pieds joints, au rythme d'une musique électronique amplifiée percutant "de plein fouet" nos organismes secoués, eux aussi, de part en part. Ses grimaces marquées, ses borborygmes éructés, ses ahanements en boucle ont quelque chose de sauvage qui l'apparente aux paroles du rap endiablé qu'elle délivre : "libérez la bête, libérez la…". Une prière injonctive adressée à tue-tête… avant de se terminer en plainte douce propre à vouloir séduire.

"Dans ma chambre, épisode 03" © Pierre Planchenault.
"Dans ma chambre, épisode 03" © Pierre Planchenault.
"Dans ma chambre, épisode 03", de Mathieu Ma Fille Foundation, s'inscrit dans le droit fil des épisodes précédents, un moment hybride, truculent et "affûté" s'il en est, avec, au centre de l'histoire abracadabrantesque présente, le retour du motif circassien du lanceur de haches et de tomawaks… "Rétro-projetés" sur le plateau du tournage de l'épisode 02, nous assistons à la genèse de sa (dé)construction. Dans un studio d'enregistrement improvisé - la chambre du maestro -, théâtre, radio, cirque vont ainsi s'entremêler dans un patchwork cousu d'intermèdes haut en couleur où Arnaud Saury et Manuel Coursin, son complice, lâchent les brides de leur créativité à tous crins, jouant de l'absurde comme aiguillon.

Il sera question du circassien Édouard Pleurichard et du comédien sur scène Arnaud Saury, de leur nécessité à trouver une thérapeute sur internet, prise ensuite au téléphone, afin de tenter de régler leurs problèmes de couple (lire leur "duo" de lancer de couteaux), d'une circassienne Poppy dont l'entretien enregistré révélera les mêmes problèmes "à couteaux tirés" rencontrés avec son partenaire à elle (un mât chinois) "sauf que lui, il n'est pas armé", d'une spectatrice volontaire prêtant généreusement sa voix pour un enregistrement utilisé par la suite comme trame à l'interview bricolée "en direct" au plateau, d'une brave dame périgourdine jointe inopinément au téléphone et prête à leur préparer des beignets aux pommes, d'un musicos local traversant le plateau, etc., etc.

Bref, une émission radiophonique, théâtrale et circassienne foisonnante d'imprévus, inventaire à la Prévert propre à dérider les passions tristes et à transfigurer, au micro des voix "pitchées" (effet consistant à distordre la voix humaine en lui faisant subir des décompositions en séries), le quotidien sans saveur en lumineux feu d'artifice.

"Le temps de rien" © Pierre Planchenault.
"Le temps de rien" © Pierre Planchenault.
"Le temps de rien"
Performance pour une personne.
Conception et chorégraphie : Ève Magot.
Performances : Ève Magot, Luara Raio, Caroline K. Lavender.
Direction technique : Matéo Provost.
Aide à la conception et construction : William Bastard et Metarc SAS.
Pour adultes.
Durée : 30 minutes.

Vu le samedi 21 janvier, au Marché de Lerme de Bordeaux, dans le cadre du Festival Trente Trente qui se déroule du 12 janvier au 2 février 2023.

"Stylus Dust" © Pierre Planchenault.
"Stylus Dust" © Pierre Planchenault.
"Stylus Dust"
Installation sonore séquentielle.
Conception, composition : Marc Parazon.
Design : Pascal Mazoyer.
Durée : 21 minutes.

Vu le samedi 21 janvier à l'Atelier des Marches du Bouscat, à Bordeaux, dans le cadre du Festival Trente Trente.

"Mascarades" © Pierre Planchenault.
"Mascarades" © Pierre Planchenault.
"Mascarades"
Danse.
Conception et interprétation : Betty Tchomanga.
Création lumières : Eduardo Abdala.
Création sonore : Stéphane Monteiro.
Regard extérieur : Emma Tricard et Dalila Khatir.
Consultante travail vocal : Dalila Khatir.
Régie son : Stéphane Monteiro.
Régie lumières : Eduardo Abdala.
Durée : 21 minutes.

Vu le samedi 21 janvier à la Halle des Chartrons de Bordeaux, dans le cadre du Festival Trente Trente.

"Dans ma chambre, épisode 03" © Pierre Planchenault.
"Dans ma chambre, épisode 03" © Pierre Planchenault.
"Dans ma chambre, épisode 03"
Théâtre, radio, cirque.
Conception : Mathieu Ma Fille Foundation - Arnaud Saury.
Écriture et interprétation : Manuel Coursin et Arnaud Saury.
Invité musical : Monsieur Gadou.
Lumière : Zoé Dada.
Conception sonore : Manuel Coursin.
Régie générale : Paul Fontaine.
Durée : 45 minutes.

Vu le samedi 21 janvier à La Manufacture CDCN de Bordeaux, dans le cadre du Festival Trente Trente.

Festival Trente Trente
Du 12 janvier au 2 février 2023.
>> trentetrente.com

Yves Kafka
Lundi 30 Janvier 2023

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"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

"Différente" est en réalité la maturation de plusieurs années de cabarets et de spectacles où Carolina chante pourquoi et comment elle est devenue une star internationale tout en traversant sa vie avec sa différence". Miguel-Ange Sarmiento.

Brigitte Corrigou
08/11/2024
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"Tout va très bien !" Le Grand Orchestre du Splendid, bon pied bon œil, revient avec de la musique sur tous les fronts

Voir les choses en grand tout en restant léger ! Prendre du plaisir et, surtout, en donner ! Voilà la philosophie du Grand orchestre du Splendid qui régale le public depuis 1977. Bientôt 50 ans… Bientôt le jubilé. "De la musique avant toute chose" et vivre, vivre, vivre…

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En 1977, quelques amis musiciens professionnels se retrouvent entre eux et décident de s'amuser en réinterprétant des classiques tels que ceux de Ray Ventura ou de Duke Ellington. Ce qui ne devait être qu'un plaisir entre copains devient vite un succès immédiat qui dure depuis presque 50 ans. Mais quel est donc le secret de cette longévité entre rythmes endiablés, joyeuses cadences et show totalement désopilants ?

Ne le leur demandez pas ! Ils ne vous en diront rien… Si tant est qu'ils le sachent eux-mêmes, tant cette énergie semble ancrée en eux depuis toutes ces années, indéfectible, salvatrice et impérissable.

Entre swing, jazz, salsa, reggae – quatre de leurs principales influences –, ou encore fiesta et mises en scène délirantes, les quatorze chanteuses et musiciens de l'Orchestre mythique enchantent le public, sur la scène du Café de la Gare, depuis le 11 novembre. Comme à leurs premières heures, et en échappant pourtant aux codes et impératifs de la mode, ils nous donnent irrésistiblement envie de monter sur scène pour danser à leurs côtés sur le plateau, frétiller, sautiller, et tout oublier l'espace de quelques instants. Leur énergie communicative est sans failles, et gagne sans commune mesure toutes les générations. Les cuivres étincellent. Les voix brillent de mille feux sonores.

Brigitte Corrigou
13/11/2024
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"Jacques et Chirac" Un "Magouille blues"* décapant et burlesque n'occultant pas le mythe du président sympa et séducteur

Une comédie satirique enjouée sur le pouvoir, le mensonge et la Cinquième République portée par une distribution tonitruante et enthousiaste, dégustant avec gourmandise le texte de Régis Vlachos pour en offrir la clownesque et didactique substantifique moelle aux spectateurs. Cela est rendu aussi possible grâce à l'art sensible et maîtrisé de l'écriture de l'auteur qui mêle recherche documentaire affinée, humour décapant et bouffonnerie chamarrée pour dévoiler les tours et contours d'un Jacques sans qui Chirac ne serait rien.

© Fabienne Rappeneau.
Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

Le président disparu en 2019 fut un homme complexe composé du Chirac "bulldozer" en politique, menteur, magouilleur, et du Jacques, individu affable, charmeur, mettant autant la main au cul des vaches que des femmes. Celui-ci fut d'abord attiré le communisme pour ses idéaux pacifistes. Il vendra même L'Humanité-dimanche devant l'église Saint-Sulpice.

La diversité des personnalités importantes qui marquèrent le début de son chemin politique joue tout autant la complexité : Michel Rocard, André Malraux et, bien sûr, Georges Pompidou comme modèle, Marie-France Garaud, Pierre Juillet… et Dassault comme portefeuille ! Le tout agrémenté de nombre de symboles forts et de cafouillages désastreux : le bruit et l'odeur, la pomme, le cul des vaches, les vacances à l'île Maurice, les amitiés avec les despotes infréquentables, l'affaire ELF, etc.

Gil Chauveau
03/11/2024