La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Du sang sur les planches avec "Smog… Polar théâtral"

Tout est question d'ambiance, de climat… "Smog", sous-titré "Polar théâtral", plonge racines et radicelles dans cette recherche d'ombres et de lumières où les instincts volent la vedette à la conscience. À la manière des grands films porteurs de ténèbres (ceux d'Hitchcock par exemple), la pièce commence dans un univers banal. Quotidien. La salle d'un bar avant l'ouverture. Un décor réaliste, rassurant car stéréotypé.



© Romain Debouchaud.
© Romain Debouchaud.
Mais très vite l'histoire racontée ici jette une teinture sanglante sur les murs froids. Une jeune femme a été retrouvée morte non loin d'ici. Son cadavre gisant dans un égout. C'est dans ce bar qu'elle a été vue hier pour la dernière fois. C'est aussi dans cette salle que vont se dérouler les principaux interrogatoires menés par l'équipe de police. Mais également, en fond de scène, derrière un tulle, dans le laboratoire glacial du médecin légiste où le corps de l'assassinée viendra témoigner de toute sa chair mise à nu.

Le mystère, comme la brume, enveloppe tous les personnages, et pas seulement ceux que l'on soupçonne. Les deux conceptrices de la pièce, Claire Barrabes et Pauline Collin, ont pris un soin extrême pour imaginer des caractères atypiques, un peu borderline pour la plupart et avec des rapports entre eux souvent près de la crise. Qu'ils soient proches de la victime, témoins ou enquêteurs, tous apportent leurs parts d'ombres et leurs humeurs exacerbées.

© Romain Debouchaud.
© Romain Debouchaud.
Le fil de l'action suit le déroulement de l'enquête et des différentes hypothèses, mais parallèlement, l'on explore avec la joie du voyeur les méandres des relations intimes de ce microcosme de société. L'histoire se déroule dans une toute petite ville où tout le monde se connaît, tout le monde se croise, tout le monde s'observe en attendant que le sordide soit dévoilé. Bref, la vie de village. Le meurtre en lui-même n'est ici que le prétexte pour peindre cette petite société sans horizon où tout est caché, où pourtant tout se sait, tout se devine, les désirs honteux, les trafics et les blessures qu'on inflige ou qu'on subit.

La mise en scène comme la construction du texte elle-même est imprégnée de l'univers des séries policières actuelles. On sent l'influence directe de ces schémas dramatiques et du rythme rapide des scènes inspiré par le média vidéo. C'est peut-être le dommage de ce spectacle qui tente de rivaliser sur un terrain où la scène, lieu de respiration du temps et de l'explosion de l'espace, ne peut rivaliser avec la puissance de l'image et le montage vidéo.

Mais c'est un choix, et l'histoire tient la route grâce notamment à une belle et riche distribution où chacun propose son personnage, tranchant, original, à vif.

Vu le 1er décembre 2021 au Théâtre Jean Vilar, Montpellier, dans le cadre du Festival printemps des Comédiens 2021.

"Smog"

© Romain Debouchaud.
© Romain Debouchaud.
Création Festival printemps des Comédiens 2021.
Conception : Claire Barrabes et Pauline Collin.
Texte : Claire Barrabes.
Mise en scène : Pauline Collin.
Assistant à la mise en scène : Romain Debouchaud.
Avec : Barbara Atlan, Laurie Barthélémy, Claire Barrabès, Florent Dupuis, Quentin Gratias, Stéphanie Marc, Lison Rault, Frédéric Roudier, Sylvère Santin.
Lumières : Christian Pinaud.
Musique : Nicolas Daussy et Florent Dupuis.
Régie son : Nicolas Daussy.
Scénographie : Gala Ognibene.
Accessoires : Pauline Collin et Gala Ognibene
Régie générale et régie plateau : Mathieu Zabé.
Costumes : Élisabeth Haury.
Production déléguée Compagnie Giant’s Guts.
Durée : 1 h 50.

© Romain Debouchaud.
© Romain Debouchaud.
Du 1er au 19 juin 2022
Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 16 h 30
Rencontre avec l’équipe prévue le mardi 7 juin après la représentation.
Théâtre de la Tempête, Salle Copi, La Cartoucherie, Paris 12e, 01 43 28 36 36.
>> la-tempete.fr

Bruno Fougniès
Mardi 31 Mai 2022

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023







À découvrir

"Othello" Iago et Othello… le vice et la vertu, deux maux qui vont très bien ensemble

Réécrit dans sa version française par Jean-Michel Déprats, le texte de William Shakespeare devient ici matière contemporaine explorant à l'envi les arcanes des comportements humains. Quant à la mise en jeu proposée par Jean-François Sivadier, elle restitue - "à la lettre" près - l'esprit de cette pièce crépusculaire livrant le Maure de Venise à la perfidie poussée jusqu'à son point d'incandescence de l'intrigant Iago, incarné par un Nicolas Bouchaud à la hauteur de sa réputation donnant la réplique à un magnifique Adama Diop débordant de vitalité.

© Jean-Louis Fernandez.
Un décor sombre pouvant faire penser à d'immenses mâchoires mobiles propres à avaler les personnages crée la fantasmagorie de cette intrigue lumineuse. En effet, très vite, on s'aperçoit que l'enjeu de cet affrontement "à mots couverts" ne se trouve pas dans quelque menace guerrière menaçant Chypre que le Maure de Venise, en tant que général des armées, serait censé défendre… Ceci n'est que "pré-texte". L'intérêt se noue ailleurs, autour des agissements de Iago, ce maître ès-fourberies qui n'aura de cesse de détruire méthodiquement tous celles et ceux qui lui vouent (pourtant) une fidélité sans faille…

L'humour (parfois grinçant) n'est pour autant jamais absent… Ainsi lors du tableau inaugural, lorsque le Maure de Venise confie comment il s'est joué des aprioris du vieux sénateur vénitien, père de Desdémone, en lui livrant comment en sa qualité d'ancien esclave il fut racheté, allant jusqu'à s'approprier le nom d'"anthropophage" dans le même temps que sa belle "dévorait" ses paroles… Ou lorsque Iago, croisant les jambes dans un fauteuil, lunettes en main, joue avec une ironie mordante le psychanalyste du malheureux Cassio, déchu par ses soins de son poste, allongé devant lui et hurlant sa peine de s'être bagarré en état d'ébriété avec le gouverneur… Ou encore, lorsque le noble bouffon Roderigo, est ridiculisé à plates coutures par Iago tirant maléfiquement les ficelles, comme si le prétendant éconduit de Desdémone n'était plus qu'une vulgaire marionnette entre ses mains expertes.

Yves Kafka
03/03/2023
Spectacle à la Une

"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
07/04/2023
Spectacle à la Une

Dans "Nos jardins Histoire(s) de France #2", la parole elle aussi pousse, bourgeonne et donne des fruits

"Nos Jardins", ce sont les jardins ouvriers, ces petits lopins de terre que certaines communes ont commencé à mettre à disposition des administrés à la fin du XIXe siècle. Le but était de fournir ainsi aux concitoyens les plus pauvres un petit bout de terre où cultiver légumes, tubercules et fruits de manière à soulager les finances de ces ménages, mais aussi de profiter des joies de la nature. "Nos Jardins", ce sont également les jardins d'agrément que les nobles, les rois puis les bourgeois firent construire autour de leurs châteaux par des jardiniers dont certains, comme André Le Nôtre, devinrent extrêmement réputés. Ce spectacle englobe ces deux visions de la terre pour développer un débat militant, social et historique.

Photo de répétition © Cie du Double.
L'argument de la pièce raconte la prochaine destruction d'un jardin ouvrier pour implanter à sa place un centre commercial. On est ici en prise directe avec l'actualité. Il y a un an, la destruction d'une partie des jardins ouvriers d'Aubervilliers pour construire des infrastructures accueillant les JO 2024 avait soulevé la colère d'une partie des habitants et l'action de défenseurs des jardins. Le jugement de relaxe de ces derniers ne date que de quelques semaines. Un sujet brûlant donc, à l'heure où chaque mètre carré de béton à la surface du globe le prive d'une goutte de vie.

Trois personnages sont impliqués dans cette tragédie sociale : deux lycéennes et un lycéen. Les deux premières forment le noyau dur de cette résistance à la destruction, le dernier est tout dévoué au modernisme, féru de mode et sans doute de fast-food, il se moque bien des légumes qui poussent sans aucune beauté à ses yeux. L'auteur Amine Adjina met ainsi en place les germes d'un débat qui va opposer les deux camps.

Bruno Fougniès
23/12/2022