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Humour

Désespérés de tous les pays... Réunissez-vous et rions ensemble !

"Le cercle des joyeux désespérés (L’espoir est au bout du rouleau)", Comédie de Paris, Paris

Non... bien sûr, il ne s'agit pas d’un remake décalé du "Cercle des poètes disparus", et c’est tant mieux : on n’était pas venu pour ça. Désespéré... Non ! Joyeux, par contre, c'est sûr en sortant de la Comédie de Paris après avoir vu la "désespérance" passée au rouleau compresseur de l'humour !



Lionel Auguste, Karine De Demo et Charlie Bruneau.
Lionel Auguste, Karine De Demo et Charlie Bruneau.
Au départ était la rencontre entre Manon et un flux de gaz… de ville ! Issue de la rencontre : réussite probable d’un suicide. Projet rapidement contrecarré par Lili, la nouvelle voisine du dessus qui, de propos exagérément optimistes en incrustation joyeuse, va tenter de redonner "goût à la vie" à Manon. Arrive le troisième larron en la personne de Pierre, suicidé potentiel et désespéré convaincu, qui ajoutera un peu d’ambiance noire (comme une "idée noire" du regretté Franquin) et révélera la potentialité suicidaire de Lili !

De ce thème assez simple mais très bien "séquencé" (de l’auteure, scénariste et comédienne Karine De Demo) va naître une série de situations burlesques allant du déballage des affres, errances et absurdités de la vie moderne aux révélations des cœurs abîmés, des fractures de nos existences (à noter que les personnages de Lili et Manon sont enceintes) où se perd parfois l’expression de sentiments humains telle que l'envie d'exister, d'aimer et d'être aimé. On pense bien sûr à Ultra Moderne Solitude d’Alain Souchon :
"Ça s'passe boul'vard Haussman à cinq heures
Elle sent venir une larme de son cœur
D'un revers de la main elle efface
Des fois on sait pas bien c'qui s'passe
(…) C'est l'Ultra Moderne Solitude"

Charlie Bruneau, Lionel Auguste et Karine De Demo.
Charlie Bruneau, Lionel Auguste et Karine De Demo.
Mais, on est ici dans le rire et le cercle des "Joyeux" désespérés ne tarde pas à se former. Caricatures, gags et phrases à l’humour dévastateur s’enchainent dès les premières minutes. Lili, la voisine (Charlie Bruneau), en bon Saint-Bernard, y va de son bagout pour entraîner Manon (Karine De Demo) dans son improbable atelier de peinture positive, aux vertus soi-disant réparatrices… Très vite, un dialogue de sourds (procédé comique efficace) s’installe entre l’ex (mais toujours future) suicidée et la bonne samaritaine. Et l’arrivée de Pierre (Lionel Auguste) ne fera qu’amplifier les ressorts comiques d’une mécanique bien huilée. Les gags se succèdent et les répliques fuzzent… certaines sont déjà des grands moments d'anthologie comme "Vous sortez d’où, vous ? D’un film de Walt Disney…" ou le plus profond "Si tu veux changer le monde, sois le changement" emprunté à Gandhi. Et sans ruptures, les scènes se suivent à un rythme effréné passant en revue nos déprimes, nos défauts (mensonge, cruauté, mauvaise-foi, etc.) mais aussi nos sursauts, nos fulgurances et nos espoirs… pas toujours faciles à "accoucher". Jusqu’à la chute finale, les joyeux désespérés nous entraînent dans leur cercle infernal mais hilarant.

Tout l’art (et la réussite) de cette pièce réside dans l’enthousiasme et le plaisir que mettent Karine De Demo, Charlie Bruneau et Lionel Auguste à interpréter leur rôle et à communiquer leur tonicité jubilatoire au public. Enchaînant les répliques à l’écriture comique bien affutée, ils déroulent les gags avec une aisance surprenante. La mise en scène de Philippe Sohier, serrée et précise, évite les temps morts ou les "à peu près", souvent habituels dans ce type de spectacle. Partant d’un thème qui aurait pu inciter à broyer du noir, l’ensemble nous conduit vers un rire salvateur nous prouvant, en final, que l’espoir est bien au bout du rouleau… Une pièce idéale à proposer à une copine ou un copain dépressif et lui faire passer une bonne soirée revigorante et créer ainsi, vous aussi, votre cercle des joyeux désespérés… en phase de guérison ! Car le théâtre peut être aussi un remède contre les idées sombres.

Le cercle des joyeux désespérés (L’espoir est au bout du rouleau)

(Vu le 5 mai 2011)

Texte : Karine De Demo.
Mise en scène : Philippe Sohier, assisté de Delphine Zana.
Avec : Charlie Bruneau, Karine De Demo, Lionel Auguste.

Du 28 avril au 29 juillet 2011.
Du mardi au samedi à 20 h, matinée samedi à 17 h.
Reprise pour cause de succès jusqu'au 31 décembre 2011.
Du mardi au samedi à 21 h 30.

Comédie de Paris, Paris 9e, 01 42 81 00 11.
www.comediedeparis.com

Gil Chauveau
Dimanche 15 Mai 2011

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