La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Dans la savane exquise... De jeunes précieuses se perdent... au son d'un vieux rock 'n' roll !

"Les Précieuses Ridicules", Le Lucernaire, Paris

La Cie La Sanavaskise créa en 2010 une version très rock 'n' roll et éminemment rafraîchissante des "Précieuses Ridicules" de Molière. Après quelques années de tournées et quelques nouvelles créations sur les sentiers de l'exquise savane, la Cie revient passer l'été sur la scène du Lucernaire où elle connut ses premiers succès.



© Compagnie La Savaneskise.
© Compagnie La Savaneskise.
Cette farce que Molière écrivit et représenta en 1659 (son premier succès) fut la première d'une longue série que le "protégé" du roi consacrera aux excès et aux travers de ses contemporains. Ici, c'est la mode et ses maux, les jeux d'esprit et leurs outrances qui sont l'objet de ses flèches assassines... C'est dans la démonstration faite de la domination du paraître que la compagnie et sa jeune metteuse en scène, Pénélope Lucbert, ont puisé la substantifique moelle de la modernisation et son côté excessif... ici rythmée en mode binaire.

Cette mise en exergue de la prédominance du superficiel, toujours présente aujourd'hui et agrémentée d'excès d'ego réalisés par égoportrait (ou selfie !), colle parfaitement au traitement dynamique choisi, parfois endiablé et séquencé par de chaleureux riffs électriques (compositions originales d'Oscar Clark ou références à Paul McCartney, The Doors notamment). Le verbe et le phrasé propre à Molière se glissent alors sans aucun anachronisme sur une situation où deux provinciales fraichement arrivées "à la capitale" se rêvent déjà en jeunes filles "branchouilles" fréquentant plus les nuits parisiennes ambiance strass et paillettes que les rendez-vous littéraires de la Sorbonne.

© Compagnie La Savaneskise.
© Compagnie La Savaneskise.
Dès l'entrée en scène de nos deux héroïnes, Magdelon et Cathos, (remarquablement interprétées par Ariane Brousse et Justine Paillot ou Aude Macé, en alternance), on comprend très vite que la machine est lancée, que le groove binaire va nous emporter et nous faire oublier que cela a été écrit au XVIIe siècle. Ce sont véritablement Ariane Brousse et Justine Paillot (ou, en alternance, Aude Macé d'un égal talent) qui donne le "la" pour entamer cette partition en 4/2... embarquant, grâce à des répliques décochées avec beaucoup de vivacité, Florent Flavier (Mascarille) et, suivant les représentations, Édouard Michelon ou Damien Vigouroux (Jodelet) dans des passes rock 'n' roll soutenues et chaloupées. Ça tangue et ça chavire, tout cela tout en gardant une diction irréprochable. Le verbe est bien maîtrisé, les échanges s'enchaînent et se maintiennent sur un rythme endiablé, régulièrement soutenus par la musique en direct distillée par Oscar Clark et sa guitare.

Le jeu de chacun et la mise en scène de Pénélope Lucbert est à l'avenant, déroulant sans coup férir, grâce à une mécanique burlesque parfaitement huilée, l'histoire de nos deux précieuses embarquées dans cette farce qui se fera vite à leurs dépens. La réussite de ce spectacle tient autant à la mise en scène rigoureuse mais énergique que dans une direction d'acteurs mettant en valeur chacun des personnages, leur laissant même quelques petites plages d'improvisation. Du coup, on sent une réelle complicité entre les comédiens, un enthousiasme de jeu très communicatif, presque juvénile, et beaucoup de générosité. Le pari était grand et hautement risqué mais la réussite est d'autant plus à la hauteur ! C'est jubilatoire et rafraîchissant à souhait… Le cocktail idéal de l'été !

"Les Précieuses Ridicules"

© Compagnie La Savaneskise.
© Compagnie La Savaneskise.
Texte : Molière
Mise en scène : Pénélope Lucbert.
Avec : Clémence Bensa, Régis Bocquet, Ariane Brousse, Florent Favier, Caroline Gay, Xavier Guerlin, Jeanne Gogny, Aude Macé, Marion Lo Monaco, Edouard Michelon, Justine Paillot, Jean Poulhalec, Cédric Révillion, Walter Stawiboga, Damien Vigouroux, Jo Zeugma.
Création musicale : Oscar Clark.
Musique en direct : Oscar Clark, Jean Poulhalec ou Jo Zeugma.
Compagnie La Savaneskise.
Durée : 1 h 10.

Du 10 juin au 8 août 2015.
Du mardi au samedi à 20 h.
Rencontre avec l’équipe artistique le 19 juin 2015 à l’issue de la représentation.
Le Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34.
>> lucernaire.fr

Gil Chauveau
Mardi 16 Juin 2015

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

"Bienvenue Ailleurs" Faire sécession avec un monde à l'agonie pour tenter d'imaginer de nouveaux possibles

Sara a 16 ans… Une adolescente sur une planète bleue peuplée d’une humanité dont la grande majorité est sourde à entendre l’agonie annoncée, voire amorcée diront les plus lucides. Une ado sur le chemin de la prise de conscience et de la mutation, du passage du conflit générationnel… à l'écologie radicale. Aurélie Namur nous parle, dans "Bienvenue ailleurs", de rupture, de renversement, d'une jeunesse qui ne veut pas s'émanciper, mais rompre radicalement avec notre monde usé et dépassé… Le nouvel espoir d'une jeunesse inspirée ?

© PKL.
Sara a donc 16 ans lorsqu'elle découvre les images des incendies apocalyptiques qui embrasent l'Australie en 2020 (dont l'île Kangourou) qui blessent, brûlent, tuent kangourous et koalas. Images traumatiques qui vont déclencher les premiers regards critiques, les premières révoltes générées par les crimes humains sur l'environnement, sans évocation pour elle d'échelle de gravité, cela allant du rejet de solvant dans les rivières par Pimkie, de la pêche destructrice des bébés thons en passant de l'usage de terres rares (et les conséquences de leur extraction) dans les calculettes, les smartphones et bien d'autres actes criminels contre la planète et ses habitants non-humains.

Puisant ici son sujet dans les questionnements et problèmes écologiques actuels ou récurrents depuis de nombreuses années, Aurélie Namur explore le parcours de la révolte légitime d’une adolescente, dont les constats et leur expression suggèrent une violence sous-jacente réelle, puissante, et une cruelle lucidité, toutes deux fondées sur une rupture avec la société qui s'obstine à ne pas réagir de manière réellement efficace face au réchauffement climatique, à l'usure inconsidérée – et exclusivement humaine – de la planète, à la perte de confiance dans les hommes politiques, etc.

Composée de trois fragments ("Revoir les kangourous", "Dézinguée" et "Qui la connaît, cette vie qu'on mène ?") et d'un interlude** – permettant à la jeunesse de prendre corps "dansant" –, la pièce d'Aurélie Namur s'articule autour d'une trajectoire singulière, celle d'une jeune fille, quittant le foyer familial pour, petit à petit, s'orienter vers l'écologie radicale, et de son absence sur le plateau, le récit étant porté par Camila, sa mère, puis par Aimé, son amour, et, enfin, par Pauline, son amie. Venant compléter ce trio narrateur, le musicien Sergio Perera et sa narration instrumentale.

Gil Chauveau
10/12/2024
Spectacle à la Une

"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
Spectacle à la Une

"R.O.B.I.N." Un spectacle jeune public intelligent et porteur de sens

Le trio d'auteurs, Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, s'emparent du mythique Robin des Bois avec une totale liberté. L'histoire ne se situe plus dans un passé lointain fait de combats de flèches et d'épées, mais dans une réalité explicitement beaucoup plus proche de nous : une ville moderne, sécuritaire. Dans cette adaptation destinée au jeune public, Robin est un enfant vivant pauvrement avec sa mère et sa sœur dans une sorte de cité tenue d'une main de fer par un être sans scrupules, richissime et profiteur.

© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024