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Théâtre

Comme une métaphore et un exorcisme des non-dits qui hantent les consciences

"C'est la vie", Théâtre du Rond-Point, Paris

"C'est la vie". Dans ce texte de Peter Turrini, il est question de tranches de vie. Celle de la vie d'un fils d'immigré italien vivant en Carinthie (Autriche) qui a trouvé dans l'écriture un calme et une reconnaissance. De sa naissance à nos jours. Moqué par ceux qui appartiennent à un monde proto rural, là où s'écorche le cochon. Louangé par ceux qui, urbains, pourtant s'offusquent devant le récit des crudités de la vie.



© Isabelle Fournier.
© Isabelle Fournier.
Les textes écrits par l'auteur pour le metteur en scène Claude Brozzoni sont tantôt poèmes, tantôt récits, simples pensées, anecdotes ou chansons. Ils témoignent des difficultés, des désirs, des expériences, des découvertes. Égrenées au cours du temps, au cours du quotidien.

L'auteur connaît la capacité d'ironie et de provocation que recèle une écriture descriptive, nue et crue, simple et ouvertement autobiographique. Jean-Quentin Châtelain la reprend à son compte. Et une magie opère.

Le corps ancré au sol, rivé au micro comme enté sur les fondamentaux. Les yeux quasi fermés, le corps semble pris entre le désir de vie et une gangue de pesanteur qui lui résiste, le freine et qui, dans son effort et son labeur, procure et la puissance et la force.

La parole accompagnée, soutenue, poussée, par des pièces de guitare et de clavier, monte en salves, incantatoire, monte en limite de psalmodie au bord du chant ou du feulement. Entre en intimité.

© Isabelle Fournier.
© Isabelle Fournier.
Le spectacle suit les évolutions et les involutions d'un concept album rock incandescent dont le "no future" prend dans l'espace scénique une dimension de "no man's land" borné par la seule expressivité de l'acteur. Qui butte sur un écran où se miroitent des images extérieures comme autant de projections d'images intimes. Qui passe la rampe et adresse au spectateur sa vigueur…

Jean-Quentin Châtelain oriente les forces, les guide. Son chef oscille secouée par le vent des idées des images et des mots. Et toute sa manière, des grandes tempêtes qui rejoignent les grands calmes, concourt à la sève, fait vivre un désir de vivre constant. "C'est une vie" agit comme une métaphore et un exorcisme des non-dits qui hantent les consciences autrichiennes et témoigne de l'épanouissement d'une personnalité hors norme.

"C'est la vie"

© Isabelle Fournier.
© Isabelle Fournier.
Texte : Peter Turrini.
Mise en scène : Claude Brozzoni.
Avec : Jean-Quentin Châtelain.
Composition et interprétation musicale : Grégory Dargent, Claude Gomez.
Traduction : Silvia Berutti-Ronelt, Jean-Claude Berutti.
Adaptation : Dominique Vallon, Jean-Quentin Châtelain, Claude Brozzoni.
Assistanat à la mise en scène : Dominique Vallon.
Scénographie : Élodie Monet.
Lumière : Nicolas Faucheux.
Son : Titou Victor.
Costumes : Pascale Robin.
Montage vidéo : Gwenaëlle Rabin.
Durée : 1 h 30.

© Isabelle Fournier.
© Isabelle Fournier.
Du 17 novembre au 13 décembre 2015.
Du mardi au dimanche à 18 h 30.
Théâtre du Rond-Point, Salle Jean Tardieu, Paris 8e, 01 44 95 98 00.
>> theatredurondpoint.fr

Jean Grapin
Mercredi 25 Novembre 2015

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© Pics.
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Brigitte Corrigou
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© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
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"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
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"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023