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Théâtre

"Colette l'Indomptable" Vagabonder sur les routes intensément sinueuses mais déterminées de la célèbre artiste

En 1908, après sa rupture avec son mari et mentor Willy, Colette traverse une période de doutes. Pour gagner sa vie, elle se fait mime et part en tournée théâtrale. Mais comment tenir sa revendication d'indépendance, sa soif d'émancipation face aux tentations que lui offre sa compagne, l'aristocrate Missy ? Et face aussi à la folle passion amoureuse qui la pousse à rejoindre incognito son nouveau mari sur le front de Verdun ? En l'espace de quelques années, Colette se reconstruit, se découvre, désormais prête à écrire les grands romans de la maturité.



© Élisabeth Renault-Geslin.
© Élisabeth Renault-Geslin.
C'est une période plutôt courte (1908-1914), mais néanmoins cruciale dans la vie de Colette, que Gaël Lepingle au livret et Julien Joubert aux arrangement musicaux ont décidé de choisir pour cette nouvelle création sur la célèbre Colette.

Tout n'avait donc pas déjà été dit sur cette femme hors du commun dont on pense pourtant connaître les grands pans de sa vie (journaliste, vedette de music-hall, actrice, romancière, deuxième femme élue à l'Académie Goncourt en 1945, bisexuelle, et dont les funérailles nationales ont marqué le peuple français).

C'est à partir de deux recueils d'articles sur Colette, "L'Envers du music-hall" (sur l'univers du music-hall) et "Les Heures longues" (sur la Première Guerre mondiale) que la dramaturgie de ce spectacle a été conçue.

L'ensemble est séduisant et bien joliment interprété par les deux comédiennes et le comédien qui endossent tour à tour plusieurs rôles (un journaliste, le mime Wague, un bandit maître-chanteur, une petite danseuse, une amante, une aristocrate russe déchue, etc). Ariane Carmin, Mia Delmaë et David Koënig enchaînent avec élégance leurs interprétations respectives.

© Élisabeth Renault-Geslin.
© Élisabeth Renault-Geslin.
Découpé en deux actes qui couvrent deux temps particuliers de la vie de la célèbre actrice, le spectacle peine toutefois à s'instaurer dans la deuxième partie où l'on retrouve Colette sur le front de Verdun, partie retrouver son amant, le journaliste Henri de Jouvenel. Le propos aurait mérité d'être plus fluide entre l'évocation du féminisme ostentatoire de Colette, son désir physique irrépressible, sa soif d'indépendance et son désir de soumission érotique.

Mais, au Théâtre Montmartre-Galabru, en ce lundi 18 mars, c'est à la première que nous avons assisté et gageons que le jeu des trois interprètes s'affinera sans aucun doute au fil des représentations, car leurs talents notoires respectifs et expérimentés sont évidents. La multiplication des rôles endossés semble, par moments, perdre un peu le public qui est peut-être un peu trop ballotté entre les différents personnages convoqués.

Mais il ne fait aucun doute que c'est tout à l'honneur de Gaël Lepingle d'avoir souhaité représenter ce que la vie indomptable et foisonnante de Colette avait comme écho pour lui…
Quand on aime, bien souvent, on ne compte pas ! Choisir, c'est renoncer, dit-on souvent, notamment en matière de création artistique et plus particulièrement théâtrale…

"Colette l'Indomptable" reste néanmoins une pièce musicale divertissante, instructive et très agréablement interprétée au chant par les comédiennes et le comédien. Une mention spéciale à Mia Delmaë dont la voix mélodieuse et cristalline embarque le public avec émotions. Ariane Carmin et David Koënig ne sont pas en reste et leur charisme chatoyant séduit les spectateurs en portant justement leurs interprétations chantées, narratives et très évocatrices. N'oublions pas la composition musicale raffinée du compositeur Julien Joubert, au panel artistique à la fois remarquable et inclassable.

"Je vagabonde entre les courants", a dit Colette.
Dans ce spectacle, le public vagabonde, lui aussi, avec grand plaisir sur les routes intensément sinueuses, mais déterminées de la célèbre artiste pendant six années de sa vie, sans doute moins connues que certaines autres.

"Colette, l'Indomptable"

Texte : Gaël Lepingle.
Mise en scène : Gaël Lepingle.
Avec : Ariane Carmin, Mia Delmaë, David Koening.
Musique : Julien Joubert.
Scénographie et costumes : Ludovic Meunier et Paula Dartigues.
Durée : 1 h 30.

Du 18 mars au 6 mai 2024.
Lundi à 19 h 30, sauf le 29 avril. Du 4 avril au 2 mai, jeudi à 21 h 30. Les dimanches 31 mars, 7 avril, 14 avril, 21 avril, 28 avril à 16 h 30, Le 5 mai à 16 h 45.
Théâtre Montmartre-Galabru, Paris 18e, 01 42 23 15 85.
>> theatregalabru.com

Brigitte Corrigou
Mardi 9 Avril 2024

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