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Théâtre

"Cendres sur les mains" Dommages de guerre, entre parabole et réalité

Inspirée par un fait divers glaçant, la pièce de Laurent Gaudé plonge le spectateur dans l'univers contemporain mais intemporel des guerres, des massacres, des hécatombes, des effroyables charniers que le vent de l'actualité nous souffle régulièrement aux oreilles. Mais grâce à une écriture trempée dans l'absurde et la poésie, le spectacle reste loin, très loin de tout esprit documentaire, jonglant habilement entre dérision et mythe.



© Jon. D Photographie.
© Jon. D Photographie.
Ce sera par le biais des regards candides et simplistes de deux fossoyeurs que l'on pénètre dans cette histoire. De quelle guerre s'agit-il ? Nous ne le saurons pas. Toutes se ressemblent. Toutes véhiculent les mêmes drames, les mêmes amoncèlements de victimes innocentes. La guerre est décrite comme un mal qui se propage de ville en ville, tueuse comme la peste. Les deux fossoyeurs ont l'épuisante tâche d'incinérer tous ces morts. Laurent Gaudé en fait deux des maillons les plus insignifiants des rouages des conflits sanglants, abrutis par les cadences, malades des fumées qui se dégagent des crémations et du coup, porteurs de revendications syndicales urgentes.

Mais un incident vient perturber leur quotidien : une femme se relève de l'amas des cadavres. Est-elle vivante ? Est-elle une apparition ? Cette femme, rescapée de l'horreur, sera une voix à part : celle qui va se pencher sur ces morts telle une allégorie. Elle fait le lien humain avec les rites funéraires que les civilisations ont pour leurs défunts. Elle est, au bout du compte, la représentation spirituelle de la civilisation.

© Jon. D Photographie.
© Jon. D Photographie.
Arnaud Carbonnier et Olivier Hamel créent deux fossoyeurs aux caractères forts, tranchés, attirant la sympathie par leurs côtés francs, sans filtre. Deux compères embarqués dans la même galère, petits frères des fossoyeurs d'Hamlet. Deux clowns perdus dans un océan de cadavres. Des interprétations au cordeau pour ces deux comédiens qui parviennent à rendre le comique de leurs rôles sans tomber dans la bouffonnerie : juste dosage qui les rend à la fois drôles et inquiétants.

Le contrepoint du personnage féminin interprété par Prisca Lona s'étiole un peu face à la belle vitalité de ces deux hommes qui jouent une partition dont la poésie naît de l'absurde. Mais le message passe sans lourdeur. Un message qui fait oublier la banalité promue dans les médias de tels événements.

"Cendres sur les mains"

© Jon. D Photographie.
© Jon. D Photographie.
Texte : Laurent Gaudé
Mise en scène : Alexandre Tchobanoff.
Assistante mise en scène : Prisca Lona.
Avec : Arnaud Carbonnier, Prisca Lona, Olivier Hamel.
Durée : 1 h 05.

Du 5 septembre au 28 novembre 2021.
Lundi à 21 h, mardi à 19 h et dimanche à 17 h.
Studio Hébertot, Paris 17e, 01 42 93 13 04.
>> studiohebertot.com

Bruno Fougniès
Mardi 24 Août 2021

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"Bienvenue Ailleurs" Faire sécession avec un monde à l'agonie pour tenter d'imaginer de nouveaux possibles

Sara a 16 ans… Une adolescente sur une planète bleue peuplée d’une humanité dont la grande majorité est sourde à entendre l’agonie annoncée, voire amorcée diront les plus lucides. Une ado sur le chemin de la prise de conscience et de la mutation, du passage du conflit générationnel… à l'écologie radicale. Aurélie Namur nous parle, dans "Bienvenue ailleurs", de rupture, de renversement, d'une jeunesse qui ne veut pas s'émanciper, mais rompre radicalement avec notre monde usé et dépassé… Le nouvel espoir d'une jeunesse inspirée ?

© PKL.
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Composée de trois fragments ("Revoir les kangourous", "Dézinguée" et "Qui la connaît, cette vie qu'on mène ?") et d'un interlude** – permettant à la jeunesse de prendre corps "dansant" –, la pièce d'Aurélie Namur s'articule autour d'une trajectoire singulière, celle d'une jeune fille, quittant le foyer familial pour, petit à petit, s'orienter vers l'écologie radicale, et de son absence sur le plateau, le récit étant porté par Camila, sa mère, puis par Aimé, son amour, et, enfin, par Pauline, son amie. Venant compléter ce trio narrateur, le musicien Sergio Perera et sa narration instrumentale.

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© Pierre Gondard.
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© DR.
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