La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Danse

"Car/Men"… Seuls, sans opéra et avec facétie

Accompagné de sa troupe Chicos Mambo créée en 1994 à Barcelone, le directeur et chorégraphe Philippe Lafeuille, fidèle à sa tradition créatrice, mélange les genres et fait de Carmen une figure portée uniquement par des hommes. Délaissant l'histoire et son opéra, elle devient une composition centrée autour du personnage éponyme avec quelques facilités.



© David Bonnet.
© David Bonnet.
Après "Tutu", créé en 2014 et qui continue à avoir du succès, Philippe Lafeuille s'attaque à "Car/Men", une adaptation avec quelques libertés du personnage de Carmen. Le jeu de mots du titre donne le "La" du spectacle qui n'est composé que d'hommes.

Bien qu'aucune place ne soit faite à des interprètes féminines, la femme n'est pas mise de côté. Bien au contraire, elle est portée de bout en bout par les hommes. Cela rejoint l'approche qui avait été déclinée aussi pour "Tutu" avec la féminité incarnée par la masculinité.

La mise en scène est axée sur l'identification physique des danseurs à Carmen avec une incarnation très décalée faite d'humour et parfois de quelques bousculades la désacralisant. Cela ouvre la porte à quelques caricatures, voire quelques mots d'oiseaux qui se font entendre. Ces facilités auraient pu être remplacées facilement de par la qualité des artistes. Ces raccourcis permettent d'ouvrir les vannes de l'humour, le public pouvant être facilement preneur.

© David Bonnet.
© David Bonnet.
Le démarrage est un peu long avec le positionnement des interprètes sur scène. Il s'agit pour eux d'exister avant tout en tant que membre, personne, individu artistique, chacun devant représenter Carmen. Tout est donc affaires de gestiques et d'attitudes.

La représentation alterne des danses et différentes postures. Pour ces dernières, l'effet est parfois un peu trop appuyé. Si l'histoire a été quasiment amputée, qui peut être Carmen après tout ? Et par quel biais l'appréhender ? L'intimité de celle-ci est en effet complètement occultée. Carmen ou une autre, le spectacle aurait pu être presque identique, sauf à ne pas reprendre "Ouverture - Carmen" de Bizet (1838-1875) qui accompagne le spectacle.

Représenter ou tenter de représenter un personnage sans lui donner un contour social, caractériel ou au travers de son histoire fait pencher nécessairement la balance vers une extériorité, des attitudes, ici de genre et sexuelles. Ce biais donne également une couleur de revendication, celle d'assumer son sexe par rapport à un choix qui boude l'aspect anatomique.

© Michel Cavalca.
© Michel Cavalca.
Les costumes tiennent une place de premier choix. On se montre dans la première scène dans de longues robes blanches parsemées de ronds rouges. Le flamenco pointe le bout de son nez dans les costumes dès l'entame du spectacle et aussi dans un solo, peu inspiré, où le danseur manque un peu de pratique et d'adresse.

Le chanteur contre-ténor Antonio Macipe, avec sa superbe voix lyrique, donne de la poésie à la représentation. Incarnant à un moment successivement Carmen et Don José, par une rotation en faces avant et arrière selon le rôle joué, il établit, au travers de sa voix, un parallèle qui, par réplique, change de sexe. Côté femme, côté homme, c'est ce fil tenu qui est à chaque fois recherché.

Sans doute parce que "Tutu" est passé par là et que créer dans une même trame d'inspiration prête parfois à se répéter un peu, quelques facilités ont été glissées dans le spectacle. Même si j'ai été de mon côté très sceptique, le public a apprécié avec des applaudissements bien nourris.

"Car/Men"

© Michel Cavalca.
© Michel Cavalca.
Avec les Chicos Mambo.
Conception et chorégraphie : Philippe Lafeuille.
Assistante : Corinne Barbara.
Danseurs : Antoine Audras, François Auger,
 Antonin "Tonbee" Cattaruzza, Phanuel Erdmann, Jordan Kindell, 
Samir M'Kirech, Jean-Baptiste Plumeau, Stéphane Vitrano
.
Chanteur : Antonio Macipe
.
Création Vidéo : Do Brunet
.
Conception lumières : Dominique Mabileau, assistée d'Armand Coutant
.
Création Costumes : Corinne Petitpierre, assistée d'Anne Tesson
.
Bande son : Antisten
.
Régisseur Général : Vincent Butori
.
Régisseur Lumière : Armand Coutant, Maureen Sizun Vom Dorp
.
Régisseur Vidéo : Christian Archambeau
.
Régisseur Plateau : Jessica Williams, Clarice Flocon-Cholet
.
Habilleuse : Cécile Flamand
.
Chauffeur : Arnaud Baranger
.
Création de la compagnie La Feuille d'Automne (Françoise Empio, Matthieu Salas, Anne Touraille).
Durée : 1 h 15.

Du 15 décembre 2021 au 27 février 2022.
Du mercredi au vendredi à 19 h, samedi à 19 h sauf en février à 15 h, dimanche à 16 h sauf en février à 18 h 30. En février pas de représentation le jeudi sauf le 24 et durant la semaine du 14 au 20.
Au Théâtre Libre, Paris 10e, 01 42 38 97 14.
>> le-theatrelibre.fr

Tournée

© Michel Cavalca.
© Michel Cavalca.
14 septembre 2022 : Saint-Louis (68).
25 septembre 2022 : Chelles (77).
30 septembre 2022 : Nevers (58).
2 octobre 2022 : Velaux (13).
5 octobre 2022 : Muret (31).
8 octobre 2022 : Annonay (07).
15 et 16 octobre 2022 : Val-de-Reuil (27).
21 octobre 2022 : Vesoul (70).
23 octobre 2022 : Bruay-la-Buissière (62).
26 octobre 2022 : Noisy-Le-Grand (93).
13 novembre 2022 : Oyonnax (01).
1er décembre 2022 : Villeneuve-lès-Béziers (34).
9 décembre 2022 : Courbevoie (92).
3 février 2023 : Le Grand-Quevilly (76).
10 février 2023 : Meyzieu (69).
5 mars 2023 : Romans-sur-Isère (26).
22 mars 2023 : Voiron (38).
31 mars 2023 : Saint-Lô (50).
2 avril 2023 : Saint-Malo (35).
10 et 11 mai 2023 : Caluire-et-Cuire (69).
25 mai 2023 : Saint-Valery-en-Caux (76).

Safidin Alouache
Mercredi 12 Janvier 2022

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024