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Théâtre

"An Irish Story" Une histoire des Irlandais, ces derniers bardes

"An Irish Story", Théâtre de Belleville, Paris

Son grand-père Peter 0'Farrel a disparu sans laisser d'adresse. Dans "An irish story", Kelly Rivière, la petite fille, est partie en quête puisque sa mère Margaret n'a pas voulu révéler le secret de la famille. Volubile, Kelly raconte sur scène ce qui devient vite, par elle et pour elle, une épopée. Don ou atavisme familial ? Au spectateur de décider mais il est comblé devant le collier de perles théâtrales qui lui est présenté.



© David Jungman.
© David Jungman.
Trimballé de Lyon à Dublin via Londres. Au départ, Kelly s'y prend un peu, faussement, gauchement, par un timide stand up mais l'histoire accroche. Il y a la personnalité de cet aïeul "so Irish" rejoignant étonnamment Londres pour reconstruire la ville dévastée par la guerre, qui a eu une fille, et a disparu comme bien d'autres… Disparus dans une mer d'alcool ? Peut-être… Que peut-on attendre de ces diables d'hommes, seuls garçons de fratries de filles (nombreuses) et eux–mêmes géniteurs de légendes…

À mesure que l'histoire avance, le récit devient dialogue. Le personnage est de plus en plus échauffé, de plus en plus passionné. Comme ébrié. Des paroles prises sur le vif, des personnages incarnés. Les accents à couper au couteau, ces îles de par delà la Manche ou le channel, de la mer d'Irlande Muir Éireann ou Irish sea, les rituels de la "cup of Tea", de la Guinness, la mère, les cousines, les voisins, le pub, tout y passe.

© David Jungman.
© David Jungman.
Les mots, les gestes, les sons se mêlent, s'engendrent pour devenir musique et expression, au rythme de l'invraisemblable que c'en est époustouflant. Il n'est pas besoin de traduction pour comprendre ce spectacle multilingue… Chaleureux, vivant, il est comme travaillé de l'intérieur par une forme de transformisme, irrésistible de drôlerie.

Assurément, les mots et l'enchainement des épisodes, leur précision font vrai, plus que vrai. Immergé dans ce matériau de théâtre, le spectateur accompagne l'histoire, entre en mythologie, embrasse l'âme irlandaise. Peu lui chaut que le secret, lui, ne soit pas dévoilé (même si le spectateur a sa petite idée sur l'origine de la disparition de Peter O'Farrel).

Sa petite fille est bien de sa géniture. Mue par un amour forcément héréditaire pour l'Irlande et les Irlandais. Ces derniers des bardes.

"An Irish Story"

© David Jungman.
© David Jungman.
Texte : Kelly Rivière.
Avec : Kelly Rivière.
Collaboration artistique : Jalie Barcilon, David Jungman, Suzanne Marrot, Sarah Siré.
Collaboration artistique à la lumière et à la scénographie : Anne Vaglio.
Scénographie : Grégoire Faucheux.
Costumes : Élisabeth Cerqueira.
Administration et diffusion Histoire de… - Clémence Martens et Alice Pourcher -
alicepourcher@histoiredeprod.com
Production Théâtre de Belleville et Histoire de… en collaboration avec la Cie Innisfree.
Durée : 1 h 25.

Du 3 avril au 30 juin 2019.
Du mercredi au samedi à 19 h, le dimanche à 20 h 30.
Relâche : 5, 17, 18, 19 avril et 5 juin 2019.
Théâtre de Belleville, Paris 11e, 01 48 06 72 34.
>> theatredebelleville.com

5 juin 2019 : Festival Traverse !, Azay-le-Brulé (79).

Jean Grapin
Mardi 14 Mai 2019

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© Jean-François Delon.
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Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
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Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
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Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

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Bruno Fougniès
15/10/2023