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Trib'Une

Aimez-vous la nuit ?

La chronique d'Isa-belle L

C’est en plein jour - une journée grise - pluvieuse et fraîche pour la saison, que je suis allée, d’un pas rapide, chercher toutes les raisons de pouvoir répondre comme il se doit à cette question.



© S. Lacroix.
© S. Lacroix.
Sur la scène du Guichet Montparnasse, à quelques mètres de cette immense gare aux cinquante millions de voyageurs par an, régnait ce dimanche, un silence. Un silence, inespéré, de gare. Au théâtre, ils sont moins nombreux les trains. Ils se font vraiment rares. Mais on attend, avec eux. On est bien dans ce lieu. Dans leur gare. Leur drôle de gare et leurs regards. Sans oublier les lueurs dans leurs yeux. Dans les yeux de ce quatuor d’acteurs.
Un lit, un homme qui dort et à côté, une femme.

Une femme. La réincarnation d’Annie Girardot. L’émotion me traverse, je l’ai tant aimée cette actrice mais je ne vais pas commencer à pleurer. La pièce vient à peine de démarrer !
Aimez-vous Annie aussi ? Annie Vergne, c’est Léa dans la pièce. Celle qui nous attend dans cet endroit bizarre. Depuis combien de temps elle attend, Annie ? Dans cette gare, entre la mort et la vie ? Elle nous emporte, nous transporte, nous bouleverse, nous émeut, nous amuse aussi. Annie chante aussi. "Le soleil a rendez-vous avec la lune mais la lune n’est pas là et le soleil l’attend". Elle est aussi riche de couleurs qu’un arc en ciel. Annie Vergne. Que la lune ne l’emporte pas et que règnent sur elle, longtemps, les rayons du soleil.

© S. Lacroix.
© S. Lacroix.
"Léa, elle n’est pas faite pour nuire, réaliste…" C’est un couplet de Gaëtan Roussel. Je ne pouvais pas passer à côté, c’est tellement elle. Dans la pièce. Elle sait. Tout. Elle connaît tout et quand cet homme arrive ignorant ce qu’il fait là, elle choisit le bon moment pour expliquer. Léa, elle ne nuit pas, elle aime la nuit, simplement. Elle accompagne cette vie qui finit, ou pas. Qui, peut-être, reprendra.

Cet homme qui atterrit là et qui ne comprend pas, son nom de scène est : Ghislain Geiger. Je lui décerne mon Molière de la découverte de l’année. Sa voix, sa personnalité, son engagement, sa justesse, sa délicatesse, et j’en passe. Pour un homme, au théâtre, c’est la classe.

Dans cette gare où, avec eux, on attend de savoir si la vie va les reprendre ou si la mort va les emporter, on ne s’échappe jamais. Chacun des acteurs assure parfaitement sa partition. La douceur de l’infirmière, la violence de la jeunesse, le désespoir d’un père et la fragilité d’une mère.

À côté d’eux, on la retient, la nuit et "avec eux, elle paraît si belle". Comme dirait Johnny !
"Aimez-vous la nuit ?" Quel titre ! J’aurais aimé être la première à l’écrire mais Julien Séchaud l’a trouvé avant. Il est jeune Julien et écrit si bien. Décrit si bien cette vie mais cerne parfaitement la mort. Pourquoi l’avoir choisie ? Ils l’ont tous un peu choisie, ils nous racontent et nous font rire aussi.

© S. Lacroix.
© S. Lacroix.
Les dialogues sont pointus, recherchés et parfois bouleversants. Comment un homme peut-il espérer mourir, partir et ne jamais revenir ? Comment retenir ses larmes quand on entend ce que ces personnages font là. Entre la vie et la mort, à attendre ce train, qui pour les uns, les délivrera ou pour d’autres, leur livrera la vie. De nouveau. On attend. Avec eux.

J’ai été touchée encore et je n’étais pas la seule. Je me souviens du visage de cette jeune femme. Son mouchoir en papier à la main, si émue à la fin. Que les larmes au théâtre sont belles, quand elles sont vécues ! Qu’elles sont belles quand elles nous sont élégamment offertes.

Quelle année théâtrale ! Quelle vie de plateau ! J’aime les mots, la découverte, l’intimité, la vérité, la vie. Et la nuit aussi.
"Aimez-vous la nuit ?" Quel titre. J’aurais aimé l’écrire avant.
La nuit, j’ai rendez-vous avec mes rêves et je n’avais jamais vraiment rêvé, le jour. J’avais rendez-vous avec la nuit au théâtre et je n’attendrai pas pour dire à quel point, je l’ai aimée, la nuit.

"Aimez-vous la nuit ?"

Texte : Julien Séchaud.
Mise en scène : Annie Vergne.
Avec : Anne-Chantal Bourdillat ou Sandrine Delsaux, Ghislain Geiger, Julien Séchaud, Annie Vergne, et la participation d'Isabelle Delage.
Musique : Nicolas Van Melle.

Tournée :
Mardi 2 octobre 2012 à 20 h 30 : Médiathèque de Narbonne (11).
Mardi 9 octobre 2012 à 20 h 30 : Théâtre de la Gobinière à Orvault (44).
Mercredi 10 octobre 2012 à 20 h 30 : Ancenis (44).
Jeudi 11 octobre 2012 à 20h : Théâtre Jean Bart à Saint-Nazaire (44).
Vendredi 19 octobre 2012 à 19 h 30 : Aux Salons de Blossac à Poitiers (86).

Reprise du spectacle :
Du 16 septembre au 16 décembre 2012 (relâches les 28 octobre et 4 novembre).
Dimanche à 15 h 30.
Du 5 janvier au 13 avril 2013.
Mercredi et samedi à 19 h.
Théâtre Le Guichet Montparnasse, Paris 14e, 01 43 27 88 61.
>> guichetmontparnasse.com

Isabelle Lauriou
Mercredi 18 Avril 2012

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
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Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
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On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

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© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024