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Théâtre

"À cœur perdu" Faire entendre "le possible de l'après" dans un récit intense d'expérience de mort imminente

Sur scène, une femme. Elle nous prend par la main et elle raconte. C'est son histoire. Elle revient d'un long voyage, d'une expérience folle, terrifiante et merveilleuse à la fois : le pays de la mort. Cette expérience, c'est une EMI (Expérience de Mort Imminente). Cette histoire est vraie, c'est celle d'Emmanuelle de Boysson qui a voyagé dans un pays où sensations et émotions sont si décuplées qu'elle a repoussé le moment de revenir sur terre. Un pays où les frontières entre les vivants et les morts s'estompent. Une plongée dans l'au-delà empreinte d'allégresse et de sincérité bouleversante.



© Alain Hoareau.
© Alain Hoareau.
"Je ne suis jamais venue dans cet endroit et, pourtant, je le reconnais : c'est chez moi. Je ne me suis jamais sentie aussi heureuse (…). Je ne sais pas qui m'a invitée, mais ça m'est égal : sa présence m'enveloppe d'un regard bienfaiteur et consolateur. (...)"

Nous nous posons souvent la question, à tort peut-être, de savoir si toute expérience de vie intime et introspective peut faire "objet de théâtre". Il est probable que "oui", car, comme le disait Antoine Vitez, "Le théâtre, c'est l'homme qui parle à l'homme des histoires d'hommes". En l'occurrence, ici, il s'agit de celle d'une femme, Emmanuelle de Boysson, qui est revenue du pays de la mort, son cœur s'étant arrêté une demi-heure, le 7 février 2022, malgré les massages cardiaques intensifs. Une histoire vraie, poignante, bouleversante, qui forcément interpelle et fascine.

Mais, encore une fois, comment faire "théâtre" d'un moment de vie si personnel, aussi intense soit-il, quand bien même l'intention est sincère, enthousiaste et légitimement revendicatrice ?

De toute évidence, ici, cela a pu se réaliser et c'était sans compter sur le talent de Carmen Vadillo, comédienne polyglotte exceptionnelle, qui s'est réappropriée avec brio la traversée d'Emmanuelle en explorant ses sensations et en incarnant les images qui lui sont apparues, certaines d'une beauté saisissante, d'autres plus inquiétantes, le tout sur une mise en scène élégante et justement affinée d'Hervé Bentégeat.

© Alain Hoareau.
© Alain Hoareau.
Quel est l'être humain qui ne se sente pas "concerné" par la mort et l'au-delà ? Par "le possible de l'après" ? Comment entendre le récit de cette traversée et, surtout, la voir ? Cela dit, ici, ce n'est pas de la mort dont il s'agit, mais bien davantage d'un hymne à la vie et à la nécessité impérieuse d'en goûter tous les menus petits plaisirs, de la savourer de manière insatiable, et de danser !

Notre peur de la mort est viscérale, mais il se pourrait bien que l'EMI aide à revisiter la figure pernicieuse de la Grande Faucheuse. Il n'est qu'à en juger par cette adaptation théâtrale dans laquelle le talent de Carmen Vadillo est virevoltant.

L'EMI, c'est cet état de conscience modifié, premier stade de la mort, concept popularisé en Occident dans la deuxième moitié du XXᵉ siècle par Raymond Moody. Les témoignages des patients concordent bien souvent : émotions extrêmement positives, conscience d'être mort, lumière intense, sortie du corps ou, encore, rencontre de personnes décédées, déplacement dans un tunnel, revue d'instants de vie majeurs, conscience de vivre l'expérience en question.

Mais revenons à notre spectacle... Comment retranscrire sur scène cette expérience toute intime et subjective ?

© Alain Hoareau.
© Alain Hoareau.
"À cœur perdu" y parvient sans conteste sans tomber dans un pathos tragico-émotionnel, et parvient à illustrer ce phénomène scientifique incomparable avec brio et grande élégance. Les intermèdes chorégraphiés interprétés par la comédienne elle-même sont harmonieux, tant dans la gestuelle que dans la place qui leur est accordée.

C'est un sentiment de paix, de bonheur de vivre que le spectateur éprouve en ressortant de la petite salle voûtée du Théâtre Essaïon. Le soir de notre venue, la romancière était présente et elle est montée, à la fin de la représentation, sur le plateau, pétillante et bien vivante ! Sa présence a renforcé l'intensité déjà éprouvée lors de la représentation !

Un sentiment paradoxal nous a saisi : un mélange de crainte et d'envie ! L'envie de connaître, nous aussi, cette expérience un jour, car il semblerait que ça vaille vraiment, vraiment le coup, celui d'un "Coup de cœur" qui nous aiderait un tant soit peu à reconsidérer la vie et ses petits désagréments futiles et ridicules.

Ne ratez pas ce bien joli spectacle de l'Essaïon, entrez dans le cocon voûté de la salle, et laissez-vous porter. Le tunnel n'est pas loin…
◙ Brigitte Corrigou

"À cœur perdu"

© Alain Hoareau.
© Alain Hoareau.
D'après le roman "Un coup au Cœur" d'Emmanuelle de Boysson (Éditions Calmann-Lévy).
Adaptation : Hervé Bentégéat.
Mise en scène : Hervé Bentégéat.
Avec : Carmen Vadillo.
Cie Les Âmes Libres.
Durée : 1 h 10.

Du 16 septembre 2024 au 14 janvier 2025.
Lundi et mardi à 21 h.
Relâche les 24 décembre et 31 décembre 2024.
Théâtre Essaïon, Paris 4ᵉ, 01 42 78 46 42.
>> essaion-theatre.com

Brigitte Corrigou
Lundi 14 Octobre 2024

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"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

"Différente" est en réalité la maturation de plusieurs années de cabarets et de spectacles où Carolina chante pourquoi et comment elle est devenue une star internationale tout en traversant sa vie avec sa différence". Miguel-Ange Sarmiento.

Brigitte Corrigou
08/11/2024
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"Tout va très bien !" Le Grand Orchestre du Splendid, bon pied bon œil, revient avec de la musique sur tous les fronts

Voir les choses en grand tout en restant léger ! Prendre du plaisir et, surtout, en donner ! Voilà la philosophie du Grand orchestre du Splendid qui régale le public depuis 1977. Bientôt 50 ans… Bientôt le jubilé. "De la musique avant toute chose" et vivre, vivre, vivre…

© Aurélie Courteille.
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Brigitte Corrigou
13/11/2024
Spectacle à la Une

"Jacques et Chirac" Un "Magouille blues"* décapant et burlesque n'occultant pas le mythe du président sympa et séducteur

Une comédie satirique enjouée sur le pouvoir, le mensonge et la Cinquième République portée par une distribution tonitruante et enthousiaste, dégustant avec gourmandise le texte de Régis Vlachos pour en offrir la clownesque et didactique substantifique moelle aux spectateurs. Cela est rendu aussi possible grâce à l'art sensible et maîtrisé de l'écriture de l'auteur qui mêle recherche documentaire affinée, humour décapant et bouffonnerie chamarrée pour dévoiler les tours et contours d'un Jacques sans qui Chirac ne serait rien.

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Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

Le président disparu en 2019 fut un homme complexe composé du Chirac "bulldozer" en politique, menteur, magouilleur, et du Jacques, individu affable, charmeur, mettant autant la main au cul des vaches que des femmes. Celui-ci fut d'abord attiré le communisme pour ses idéaux pacifistes. Il vendra même L'Humanité-dimanche devant l'église Saint-Sulpice.

La diversité des personnalités importantes qui marquèrent le début de son chemin politique joue tout autant la complexité : Michel Rocard, André Malraux et, bien sûr, Georges Pompidou comme modèle, Marie-France Garaud, Pierre Juillet… et Dassault comme portefeuille ! Le tout agrémenté de nombre de symboles forts et de cafouillages désastreux : le bruit et l'odeur, la pomme, le cul des vaches, les vacances à l'île Maurice, les amitiés avec les despotes infréquentables, l'affaire ELF, etc.

Gil Chauveau
03/11/2024