La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Cirque & Rue

"Pigments" De la haute voltige sous les étoiles

Ciel pur et vent plat pour cette nuit qui se remplit d'étoiles derrière l'immense infrastructure de tubes et de câbles où va se dérouler "Pigments". Un portique de 15 mètres de haut, sur une largeur de plusieurs dizaines de mètres est installé devant un parterre de transat qui semble une houle calme où venir s'étendre. Nez en l'air, regards portés sur les hauteurs de la structure, le public s'installe. Tout va se passer là-haut, entre ciel et terre.



© Cécile Carlotti.
© Cécile Carlotti.
On croirait une armée que ces onze acrobates, tous vêtus de tenues bleues, qui déboulent dès que la musique se déverse dans l'atmosphère. Cette armée se comporte comme un commando en zone ennemi, se déplaçant vite pour se figer soudain aux aguets et recommencer. Mais elle investit vite la structure et envahit les colonnes de fer pour inventer de nouvelles lois de la pesanteur. Grâce à de multiples jeux de poulies et de câbles, on les voit marcher sur des verticales, ou dans le vide, ou dévaler des échelons sur les mains tandis qu'au centre du portique un duo de trapézistes joue avec le vide.

La musique, à la forte influence électro, va être le vecteur constant, l'instrument dramatique qui donne le rythme à tous les déplacements des interprètes, tous les jeux et toutes les acrobaties. Les onze acrobates, vite rejoints par un douzième qui incarne un personnage comique, venu troubler le bel ordre établi, les douze acrobates donc, développent des ensembles de gestuelles, des arrêts sur images, des mouvements chorégraphiés qui rythment le spectacle. Une volonté de la mise en scène et de la troupe qui tentent d'explorer les enjeux, les lois et les périls du collectif.

© Cécile Carlotti.
© Cécile Carlotti.
C'est le fil conducteur de "Pigments" : un collectif qui s'exprime non seulement par des mouvements coordonnés, mais aussi avec tout un jeu de costumes, et plus particulièrement de couleurs (d'où le titre Pigments). Des couleurs comme signes d'appartenance à un groupe. C'est ainsi qu'à la fin, le douzième trublion est intégré aux autres dans une sorte de cérémonie, tout là-haut, au-dessus des trapèzes.

Mais cette lecture du spectacle n'est qu'un murmure dans la grande énergie et le rythme soutenu qui amène cette danse de voltigeurs. Pourtant, dans cette course débridée où le déferlement de performances est presque excessif, viennent s'inviter deux belles et bonnes respirations. La première est un duo de trapézistes, en parallèle, qui se balancent face au public et jouent, entre elles deux, un ballet d'harmonie, de tempo et d'individualisme, en échange de regard et de jeu, à 10 mètres au-dessus du sol… Fascinant !

L'autre moment se joue à la corde volante. Une acrobate seule, sur une corde molle. La musique devient plus conventionnelle. Elle fait entendre les échos d'un piano et des chants à la sonorité traditionnelle. Soudain, le spectacle, qui était jusqu'ici un déploiement ininterrompu d'énergie, de prouesses et d'ensembles chorégraphiés, distille une émotion, une poésie et laisse libre le temps à l'imaginaire pour se déployer.

"Pigments"

© Cécile Carlotti.
© Cécile Carlotti.
Création aérienne extérieure été 2021.
Mise en air : Benoit Belleville, Germain Guillemot.
Acrobates : Arnaud Cabochette, Florian Vergniol, Maximilien Delaire, Jérome Hosenbux,
Élie Rauzier, Théo Dubray, Louise Aussibal, Elien Rodarel, Tiziana Prota,
Océane Peillet, Benoit Belleville, Célia Casagrande-Pouchet.
Création musicale : Simon Delescluse, Sébastien Dal Palu.
Régie générale : Frédéric Vitale.
Régie lumière : Simon Delescluse.
Régie son : Maxime Leneyle, Sébastien Dal Palu.
Costumes : Emma Assaud.
Production : CirkVOST.
Durée : 40 minutes.

A été représentée du 23 au 26 septembre 2021.
Théâtre Molière, Sète (34) à 20 h 30.

Tournée à venir.
>> cirkvost.eu

Bruno Fougniès
Lundi 27 Septembre 2021

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024